Intervention de Manuel Valls

Séance en hémicycle du 18 février 2013 à 16h00
Élection des conseillers départementaux des conseillers municipaux et des délégués communautaires et modification du calendrier électoral — Motion de rejet préalable

Manuel Valls, ministre de l'intérieur :

J'en viens au fond.

Vous avez évoqué, à l'appui de votre motion, des arguments d'ordre juridique et politique qui appellent quelques observations.

Vous avez cité la tradition républicaine – ou cela va être cité, car c'est un argument que l'on va entendre – qui voudrait que l'on ne modifie pas le mode de scrutin d'une élection au moins un an avant une campagne électorale.

Je voudrais sur ce point rappeler les termes très clairs de la décision du Conseil constitutionnel en date du 20 juillet 1988, par laquelle ce dernier rappelle qu'il n'existe pas de principe fondamental reconnu par les lois de la République interdisant la modification des règles électorales dans l'année précédant un scrutin. En effet, le Conseil constitutionnel a jugé que ce principe ne résultait d'aucune disposition législative antérieure à la Constitution de 1946. Il a par ailleurs souligné que « diverses lois antérieures ont, au contraire, modifié les règles électorales dans l'année précédant le scrutin ; qu'ainsi, la prohibition de telles modifications ne saurait être regardée comme constituant un principe fondamental reconnu par les lois de la République ».

Par ailleurs, en saisissant le Parlement des deux projets de loi dès le mois de novembre 2012, le Gouvernement s'est employé à ce que le mode de scrutin proposé pour les élections municipales puisse être connu et discuté plus d'un an et cinq mois avant les prochaines échéances électorales. Le reproche que vous formulez ne peut enfin pas s'étendre aux élections départementales et régionales qui n'auront lieu qu'en mars 2015, soit dans plus de deux ans.

Vous énoncez ensuite que le report des élections départementales et régionales à 2015 ne serait justifié par aucun motif d'intérêt général et camouflerait une tentative de manipulation électorale.

Je ne saurais que vous conseiller la lecture de l'étude d'impact que le Gouvernement a pris la peine de rédiger pour justifier l'ensemble des dispositions du projet de loi qui vous est présenté. Vous y lirez ainsi que la seule raison pour laquelle le Gouvernement a reporté les élections cantonales qui devaient se tenir en 2014 était de soulager un calendrier électoral déjà chargé. En effet, en 2014, du fait de l'abrogation du conseiller territorial, devaient se succéder, sur sept mois, les élections municipales, cantonales, européennes et sénatoriales. Puis, en 2016, devaient se tenir les élections régionales et en 2017, à nouveau, les élections cantonales pour une série.

La réforme proposée par le Gouvernement vise à favoriser la participation électorale, en allégeant le calendrier de 2014 et en regroupant les scrutins de 2016 et 2017. Ainsi, en 2010, les élections régionales, organisées seules, ont connu un taux de participation de 46,3 %, soit seize points de moins qu'en 2004 lorsqu'elles ont été organisées en même temps que les élections cantonales.

Ce faisant, la réforme proposée par le Gouvernement répond pleinement aux exigences du Conseil constitutionnel. Ainsi, le Conseil, dans sa décision du 6 décembre 1990, a admis la prolongation d'un mandat local en cours, car celle-ci s'inscrivait dans le cadre d'une réforme visant à déboucher sur la concomitance du renouvellement intégral tant des conseils régionaux que des conseils généraux. Il avait ainsi jugé, dans son considérant 17, que la modification du calendrier électoral apparaissait « comme la conséquence d'une réforme qui répond à la volonté du législateur d'assurer une participation accrue du corps électoral aux élections tant des conseils généraux que des conseils régionaux ; que les différences de traitement qui en résultent [...] trouvent ainsi une justification dans des considérations d'intérêt général». Vous auriez dû vous en souvenir.

Le Conseil constitutionnel avait par ailleurs admis que les modifications apportées à la durée des mandats en cours revêtaient un caractère exceptionnel et transitoire et que, dans cette mesure, elles n'apparaissaient contraires ni au droit de suffrage garanti par l'article 3 de la Constitution ni au principe de la libre administration des collectivités territoriales.

De même, saisi de la loi du 16 février 2010 qui modifiait également la durée des mandats des conseillers régionaux et généraux, le Conseil a une nouvelle fois confirmé que la concomitance des scrutins pouvait également trouver une justification dans l'objectif de favoriser une plus forte participation du corps électoral à chacune de ces consultations.

La réforme proposée par le Gouvernement, monsieur Larrivé, s'appuie donc sur une jurisprudence constante.

Par ailleurs, en prolongeant d'une durée mesurée – un an – le mandat des conseillers généraux élus en 2008 et des conseillers généraux élus en 2011, le Gouvernement n'a pas porté une atteinte au droit de suffrage.

J'ajouterai qu'en portant de trois à quatre ans le mandat des conseillers généraux élus en 2011 et de quatre à cinq ans le mandat des conseillers régionaux élus en 2010, le projet de loi se rapproche de la durée normale des mandats pour les conseillers régionaux et les conseillers généraux élus en 2011, qui avaient vu leur durée réduite de six à trois ans.

Ainsi, si le Gouvernement a reporté ces deux élections, c'est pour assurer que la participation électorale ne soit pas découragée par la multiplication des scrutins en 2014 et que les assemblées locales représentent le plus fidèlement le suffrage des Français. La jurisprudence constitutionnelle que je viens de rappeler sur ce point est indiscutable.

J'espère que vous serez rassuré sur les motivations du Gouvernement. D'autant que, comme cela a été rappelé, les conseillers départementaux et les conseillers régionaux ne représentent qu'une part très mineure au sein du collège sénatorial – respectivement 2,6 % et 1,2 % des électeurs. Il ne semble donc pas, contrairement à ce qui est avancé, que le calendrier électoral sera l'élément déterminant dans les résultats du scrutin de septembre 2014.

Le Gouvernement ne compte pas introduire de pondération pour majorer la place des conseillers régionaux ou généraux. Le projet de loi qui passera en Conseil des ministres ce mercredi sur le scrutin sénatorial ne fait en aucun cas référence à ce point. Par conséquent, monsieur Larrivé, vous vous êtes trompé ou vous avez menti (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) puisque j'avais déjà eu l'occasion de vous répondre sur ce point.

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