Intervention de Pierre Statius

Réunion du 6 février 2013 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Pierre Statius, premier vice-président de la Conférence des directeurs d'IUFM, directeur de l'IUFM de Franche-Comté :

En tant que représentant d'une institution appelée à disparaître, ma parole sera à la fois institutionnelle et libre.

Cette réforme de la formation des enseignants ne vient pas de nulle part : elle procède d'une histoire, dont je rappellerai les étapes principales. J'exposerai ensuite les principes qui ont présidé à cette réforme. J'évoquerai enfin les difficultés de sa mise en oeuvre.

La formation des maîtres est en crise depuis les années quatre-vingt : on peinait alors à trouver un nouveau modèle de formation apte à se substituer aux écoles normales – je vous renvoie sur ce point au livre de Gilles Laprévote, significativement intitulé Splendeurs et misères de la formation des maîtres. On a ainsi tâtonné, bricolé – le terme n'a rien de péjoratif –, jusqu'à la création des instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM, par la loi du 10 juillet 1989, et à leur généralisation en 1991. Ensuite, jusqu'en 2005, ces instituts ont connu une histoire contrastée : cibles de violentes polémiques et d'attaques virulentes, ils ont fait l'objet de réformes successives avant d'être finalement intégrés à l'université par la loi Fillon de 2005. Mais, à cette époque, la greffe n'a pas pris, en raison des histoires différentes de ces deux institutions, les IUFM étant liés de façon substantielle à l'État éducateur et instructeur alors que les universités tentaient depuis les années quatre-vingt-dix de prendre leur autonomie vis-à-vis de ce même État. Ainsi il a été très difficile de faire entrer dans le référentiel de l'université des tâches accomplies par les IUFM mais qui n'étaient pas reconnues par les universités. Nous sommes entrés durant cette période dans une guérilla perpétuelle avec les services universitaires. La réforme de la masterisation de 2008 a été pour nous la double peine en ce qu'elle a fait éclater le cadre de la formation des enseignants. La réforme qui nous est aujourd'hui proposée procède en partie de l'échec de cette réforme de 2008-2009, qui nous a laissés exsangues tant elle avait été mal pensée, mal pilotée et mal mise en oeuvre.

La mastérisation était mal pensée en ce qu'elle n'était cadrée que par la « circulaire Hetzel » de 2009. Elle a été mal pilotée, les présidents d'université en ayant profité pour réorienter une partie de la formation des enseignants vers les Unités de formation et de recherche (UFR) disciplinaires, notamment de lettres et sciences humaines, en vue de « repeupler » des masters en grande difficulté. Enfin, sa mise en oeuvre a donné lieu à un maquis réglementaire extrêmement compliqué.

C'est la raison pour laquelle la Conférence des directeurs d'IUFM a présenté lors de la campagne présidentielle vingt-deux propositions pour une réforme de la formation des enseignants. Elle demandait notamment que l'État s'implique à nouveau, via un cadrage national, la définition de principes structurants et la création d'une véritable école au sein de l'université.

J'en viens aux principes de la réforme. La formation des enseignants sera intégrée, ce qui signifie que la professionnalisation ne succédera pas au concours : les étudiants prépareront le concours et se professionnaliseront dès la première année de master. Deuxièmement, les ESPE seront également en charge de la formation continue. Troisièmement, elles oeuvreront au sein de l'université dans un esprit coopératif. Quatrièmement, la formation sera un continuum qui débutera à la licence pour permettre la constitution d'un vivier de candidats. Cinquièmement, le concours doit devenir un outil de recrutement et non un instrument de certification universitaire.

La mise en oeuvre est assez chaotique au niveau local, s'agissant d'une institution qui est sur le fil, entre l'État et l'autonomie des universités, entre un statut universitaire et un statut d'école professionnelle. Tout naturellement, certains intérêts corporatistes tentent de faire main basse sur la réforme. L'équilibre est de ce fait compliqué à réaliser sur le terrain, mais je gage que nous y parviendrons.

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