Intervention de Jean-Pierre Dufau

Séance en hémicycle du 25 juillet 2012 à 15h00
Traité france-afghanistan d'amitié et de coopération — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Dufau :

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui autorise la ratification du traité d'amitié et de coopération entre la France et l'Afghanistan. Le Gouvernement a souhaité inscrire ce texte en session extraordinaire. Il en a demandé l'examen prioritaire. En procédant de la sorte, il a doublement bien fait.

Au-delà de l'amitié, au-delà des liens anciens établis par la France avec l'Afghanistan, qui doivent bien sûr être rappelés, il y a en effet un autre enjeu. Vous le connaissez tous, c'est celui de mettre un terme à un conflit décennal dans lequel nos soldats et nos armées ont été engagés. Cet enjeu, c'est celui de la paix, c'est celui du futur d'un peuple qui nous est cher, le peuple afghan. C'est aussi celui du bilan du combat contre le terrorisme, contre l'organisation Al Qaida qui avait là son refuge, et qui de là avait planifié l'attentat qui aux États-Unis a fauché des centaines de vies le 11 septembre 2001.

Pour toutes ces raisons, ce traité est important. Il signale une évolution et se propose d'organiser l'avenir d'une région du monde particulièrement fragile et instable. Il clôt une période ouverte à l'automne 2001 au lendemain des attentats de New York et de Washington. Il met un terme au travail sur le terrain afghan effectué avec efficacité par nos armées.

Il convient de rappeler ici, dans l'enceinte démocratique de l'Assemblée nationale, que, loin de chez eux et loin de chez nous, plusieurs dizaines de nos soldats, quatre-vingt-sept exactement, l'ont payé de leur vie. Ils sont morts pour nous, et 700 ont été blessés pour que jamais plus il n'y ait de 11 septembre 2001. Des milliers d'autres, aviateurs, chasseurs alpins, fusiliers marins, légionnaires, tirailleurs, ont donné le meilleur d'eux-mêmes depuis plus de dix ans, risqué leur vie, pour que nous puissions vivre en paix, en France, en Europe, aux États-Unis et ailleurs dans le monde. N'oublions pas ceux qui sont tombés pour que nous puissions continuer à vivre au quotidien, n'oublions pas plus ceux qui par milliers ont passé des mois à pourchasser les bandes terroristes. Tous, ainsi que leurs familles, ont droit à notre reconnaissance, à celle de la représentation nationale comme à celle de la France.

La signature de ce traité – et sa mise en oeuvre – leur doivent beaucoup. Sans eux, les conditions de sa négociation, sa faisabilité, n'auraient peut-être pas été envisageables.

Négocier, signer, ratifier un traité d'amitié et de coopération, est un indicateur de normalité. L'Afghanistan est en effet aujourd'hui pour la France, comme pour les pays de la coalition ayant répondu à la légitime défense sollicitée par les Nations unies, un partenaire presque comme les autres – mais pas tout à fait, j'en conviens.

Je n'insisterai pas sur le fond du traité : nos collègues du Sénat, en particulier le rapporteur du projet, Jean-Louis Carrere, comme Michel Vauzelle, rapporteur pour l'Assemblée nationale, et plusieurs de nos collègues ici ont bien décrit ses enjeux et sa portée. Ce traité marque le passage d'une période essentiellement militaire à une nouvelle étape, civile, dont les grands axes ont pour orientation, agriculture, éducation, santé, télécommunications et transports, échanges culturels, état de droit, sans oublier le cas particulier de l'évolution du droit des femmes.

Le texte, destiné à consolider la transition du pays vers une situation de paix, comporte par ailleurs un volet relatif à la coopération en matière de sécurité et de défense. Il prévoit aussi des dispositions particulières, et nécessaires, visant à assurer la sécurité des experts agissant sur le terrain en application des dispositifs et des objectifs qu'il a fixés.

Ce traité est donc révélateur d'un aboutissement. Celui de l'action menée sous le parapluie de l'ONU pour éradiquer la base logistique constituée par le groupe terroriste Al Qaida en Afghanistan. La coalition d'États ayant répondu en 2001 à cette demande a rempli cette mission. Al Qaida a cessé ses activités en Afghanistan, même si le Pakistan est tout proche. Son chef Oussama Ben-Laden est mort. Il convenait d'en prendre acte, de retirer les troupes qui avaient été déployées à cet effet, et de passer à une autre phase, celle de la coopération avec les autorités afghanes représentatives, respectueuses du droit et de la sécurité collective.

C'est l'aboutissement de l'engagement de la France tel que l'avait voulu le Premier ministre Lionel Jospin en 2001. La feuille de route, qu'il avait tenu à présenter au Parlement les 3 octobre et 21 novembre 2001 pour justifier l'envoi de troupes françaises, doit être relue pour bien comprendre les circonstances parlementaires de la ratification qui nous est demandée cet après-midi. Il avait alors déclaré : « Le Gouvernement a veillé à maintenir avec la représentation nationale des rendez-vous réguliers, depuis les événements tragiques du 11 septembre 2001 (...) Dans le cadre de la légitime défense reconnue par la résolution 1368 des Nations unies une coalition a été constituée autour des États-Unis pour éradiquer le terrorisme () Dès le 1er octobre mon Gouvernement a présenté un plan pour l'Afghanistan (...) pour définir le cadre d'un avenir ».

Par la suite, les choses ont évolué, notamment à partir de 2008, et ont été marquées par un engagement toujours plus fort des troupes françaises dans les combats en Afghanistan, même si chacun savait que la solution n'était pas militaire.

Dès son entrée en campagne électorale, le 22 janvier 2012, François Hollande, candidat à la présidence de la République, avait exprimé une urgence et une nécessité. Il avait déclaré : « Il faut aussi avoir la lucidité d'affirmer, au-delà du dévouement des hommes là-bas pour leur pays, que notre mission est terminée. Elle avait été engagée il y a plus de dix ans par Lionel Jospin et Jacques Chirac dans un but précis, qui était de répondre à l'attaque terroriste sur les États-Unis. Je l'avais pleinement approuvée. Aujourd'hui, cette mission est achevée. Il est donc temps de décider le retrait qui s'impose () Je ferai en sorte que ce retrait se fasse en bon ordre, sans en aucune façon menacer la vie de nos soldats. » Ce retrait ne signifie pas pour autant un abandon des Afghans.

François Hollande a été élu. Il concrétise aujourd'hui les engagements pris pendant la campagne électorale. Le retrait de nos troupes a commencé. Le ministre des affaires étrangères nous demande au nom du Gouvernement d'adopter la nouvelle feuille de route matérialisant le cadre nouveau de la coopération de la France avec l'Afghanistan. L'urgence n'est plus celle des fusils. Elle est à la transition vers le développement et l'état de droit. La France peut et doit y contribuer.

Le groupe socialiste, républicain et citoyen, approuve cette démarche et ces objectifs. Il votera donc sans réserve le projet de loi autorisant la ratification du traité d'amitié et de coopération entre la République française et la République islamique d'Afghanistan, qui est cet après midi soumis à l'appréciation du Parlement. Il accompagne son vote favorable d'un certain nombre d'attentes pressantes formulées par nos collègues sénateurs comme par l'Union européenne et nous-mêmes : celle d'un contrôle de l'utilisation des fonds mis à la disposition des autorités afghanes ; celle d'engagements de ces autorités en faveur de la construction d'un état de droit ; celle d'assurer la sécurité des opérateurs extérieurs, venus de France, appelés à mettre en oeuvre la coopération renforcée inscrite dans la logique du traité ; celle, enfin, de donner une plus grande lisibilité à l'effort de la France. Des commissions mixtes sont bien prévues par le traité, mais leur composition n'est pas précisée.

Sur ces différents points, monsieur le ministre, les députés du groupe SRC souhaiteraient, avant de voter le traité franco-afghan, que vous puissiez leur confirmer la vigilance de la France au respect des engagements qui y figurent. Nous entendons aussi être associés au suivi annuel de sa mise en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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