Intervention de Jean-Marc Jancovici

Réunion du 6 février 2013 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean-Marc Jancovici :

…non, il faut les écouter ! Le nucléaire est une question d'arbitrage. Sur la partie technique, sur le nombre de morts provoqués par Tchernobyl, sur les déchets, je vous renvoie à mon site où vous trouverez une avalanche de chiffres, les sources et les méthodes.

La question fondamentale des besoins a été posée. Il y a les faits et leur ressenti. Le second intéresse l'électeur et l'élu, mais le physicien se concentre sur les premiers. Tocqueville l'avait prévu : la démocratie nous rend « rouspéteurs » et perpétuellement insatisfaits. En France, on consomme 60 mégawattheures par personne chaque année, c'est-à-dire l'équivalent du travail de 600 esclaves ! L'espérance de vie a triplé en deux siècles. Alors qui est pauvre ? Votre question est centrale, si l'on s'intéresse au ressenti et à l'équité. Mais en termes de réalité physique, je répète que les citoyens modestes devront prendre leur part de l'effort. La seule façon de les convaincre, c'est de leur donner du boulot, de la fierté et des perspectives.

Sur la taxe carbone, les choses sont simples : elle taxe l'énergie tout en détaxant le travail. Ce n'est pas un impôt punitif, mais un guide. Elle donne de la visibilité.

Mon ambition consiste à soutirer de l'argent à des gens qui ne sont pas a priori volontaires pour réfléchir à leur avenir : les industriels. Que fait un industriel, ou un gestionnaire d'entreprise, quand il réfléchit à l'avenir ? Il cherche les certitudes. S'il n'est pas convaincu que l'énergie coûtera de plus en plus cher, il n'investira pas pour diminuer sa consommation. Or l'énergie fait marcher des systèmes extrêmement rigides : ce problème se résout par l'investissement. L'efficacité énergétique, c'est monstrueusement capitalistique : il faut changer les procédés industriels, les bâtiments, les infrastructures de transports et les bateaux. Pour investir, il faut de la visibilité, donc un prix à l'externalité. Sinon, les industriels resteront assis sur leur chaise.

C'est d'ailleurs la même chose pour les particuliers : regardez combien la différence de prix entre essence et gazole a déformé le parc automobile. Ces signaux jouent un rôle majeur à long terme. Évidemment, c'est la difficulté de votre mandat où vous êtes jugés sur des résultats à court terme, d'où la nécessité d'un consensus. Si l'on veut que la population et les milieux économiques adoptent cette vision à long terme, on doit être cohérent. Il faut hiérarchiser les problèmes. Si l'on considère qu'il faut d'abord se débarrasser des énergies fossiles et lutter contre le changement climatique, alors il faut privilégier tout ce qui agit en ce sens, nucléaire compris. Dire qu'on va diminuer notre production nucléaire de 50 % en 2025 revient à une illusion – ce chiffre est sorti d'ailleurs d'un chapeau, mais cela arrivait aussi avec Nicolas Sarkozy. Si nous décidons vraiment de mettre en place une société qui fonctionne avec beaucoup moins d'énergie fossile, alors le nucléaire devient secondaire. Rappelons que l'acceptation du nucléaire au Royaume-Uni a augmenté après l'accident de Fukushima.

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