Intervention de Jean-Marc Jancovici

Réunion du 6 février 2013 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean-Marc Jancovici :

Je ne pourrai bien sûr pas répondre à toutes les questions qui ont été posées ; je vous renvoie à mon site internet. Je prends la précaution de dire ici, comme je le fais souvent, que les malentendus vont se nicher dans ce qui n'a pas été dit : or le temps qui m'est imparti est limité.

Certains d'entre vous ont remarqué qu'il faut parler de transition tout court, d'un projet de société à long terme : il s'agit d'aller conquérir la Lune ! Pour cela, il faudra aller chercher les gens où ils sont : ils ne viendront pas d'eux-mêmes.

Plusieurs questions portaient sur les ressources et le gaz de schiste. Pour vous donner les ordres de grandeur, l'Europe consomme aujourd'hui 500 milliards de mètres cubes de gaz par an, dont 300 milliards viennent de la mer du Nord. On pourrait obtenir des gaz non conventionnels quelques dizaines de milliards de mètres cubes par an en Europe. La France consomme 50 milliards de mètres cubes par an, dont 30 pour le chauffage et 15 pour l'industrie. Si le seul souci, c'est de satisfaire les demandes des chimistes français, il suffit de conserver une consommation de 15 milliards de mètres cube par an et nous nous en sortirons : il faut seulement supprimer les 30 milliards du chauffage qui coûtent 6 milliards d'euros en importations par an ; cela se fait avec l'isolation et les pompes à chaleur.

Sortir le gaz et le fioul des usages thermiques dans le bâtiment est l'une des toutes premières priorités à fixer pour cette nouvelle conquête de la Lune. Il faudra demander des efforts à tout le monde, et l'effort partagé par tous n'est possible que si l'on propose un projet : dites à un astronaute qu'il va aller sur la Lune, il sera d'accord pour risquer sa vie. Cela, c'est votre rôle. Si vous ne proposez pas une vision exaltante à notre pays, n'essayez pas de demander des efforts : ça ne marchera pas !

Quant à l'argent nécessaire, on peut toujours trouver des « clopinettes pour bricoler », poser des rustines et boucher des trous ; ce n'est pas très exaltant. Mais si l'objectif est de conquérir la Lune, alors l'argent n'est plus le sujet. On le trouvera ! On a bien trouvé mille milliards pour les banques...

Le vrai sujet, c'est l'arbitrage : nous n'aurons pas d'argent pour tout – pour donner un travail à tout le monde, pour donner de l'espoir à tout le monde, et pour donner plus de consommation à tout le monde. Mais préserver la stabilité socio-économique de notre pays avec de l'espoir et un travail pour tous, on peut le faire.

D'autres questions portaient sur les négociations internationales et le rôle de la France. Je l'ai dit, l'énergie fossile, c'est le pouvoir d'achat et le niveau de vie ; dès lors, jamais des hauts fonctionnaires, si méritants soient-ils, ne pourront se réunir et décider ensemble d'un niveau rationnel de consommation des individus sur la planète. Cela ne peut tout simplement pas fonctionner. Ce qui pourrait fonctionner, c'est qu'une région du monde se lance dans ce projet avec résolution, massivement et de façon structurée. Or l'Europe, je vous l'ai montré, est dos au mur : notre choix doit donc être de nous lancer, de façon déterminée, dans la construction d'une économie de moins en moins liée aux combustibles fossiles. Cela sera notre conquête de la Lune, et cela nous occupera quarante ans car il faudra tout refaire : les villes, les réseaux de transport, les paysages agricoles…

Ce n'est pas une transition à 100 milliards d'euros, c'est une transition à 5 000 ou à 10 000 milliards. Et c'est une très bonne nouvelle : cela nous donne une colonne vertébrale, un projet qui exige un très large consensus politique – aussi large que sur la nécessité d'avoir des caisses de retraite. Il faudra que vos divergences s'expriment à la marge – un peu plus de marché ici ou un peu plus d'État là-bas… C'est une union nationale qu'il nous faut.

Beaucoup de questions portaient sur le nucléaire. Pour résumer ma position, je pense que c'est une bien meilleure idée qu'une mauvaise. Le nucléaire crée des inconvénients – je vous l'ai dit, l'énergie propre n'existe pas. Mais il évite globalement plus de problèmes qu'il n'en crée. On trouve aujourd'hui, même chez les Verts, des gens qui, en tête-à-tête, seraient prêts à classer le dossier nucléaire parmi les points de désaccords constatés que l'on peut mettre de côté...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion