Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 24 juillet 2012 à 21h30
Harcèlement sexuel — Après l'article 6, amendements 71 82

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je l'annonce d'emblée, le Gouvernement va retirer son amendement. Je vais expliquer néanmoins pourquoi il existe.

L'initiative de la rapporteure est bienvenue. Nous connaissons, en effet, la situation des victimes. Nous savons que les éléments statistiques juridiques sont sans commune mesure avec la probable réalité sociologique du harcèlement sexuel et que le nombre de condamnations est dérisoire par rapport au nombre de plaintes déposées, les classements sans suite représentant en moyenne 60 % des plaintes.

L'annulation de l'incrimination a fait tomber toute une série de plaintes. Or, la durée entre le dépôt de la plainte et le jugement étant en moyenne de vingt-sept mois, des victimes avaient eu le temps de s'engager dans un processus difficile, de dépenser de l'argent, et se retrouvaient face à une extinction de l'action publique. Nous étions donc très sensibles à la nécessité de trouver une solution pour leur permettre au moins d'être indemnisées de leurs frais, si le tribunal en décidait ainsi, bien entendu.

Nous sommes attachés au principe de non-rétroactivité de la loi. La loi pénale ne peut pas être rétroactive, sauf dans les cas où la nouvelle incrimination est moins sévèrement punie que la précédente.

Nous sentions bien que nous ne pouvions pas simplement opposer aux victimes le principe de non-rétroactivité ; nous ne pouvions pas rester indifférents à la réalité statistico-juridique de ces plaintes et de ces condamnations. Par conséquent, l'initiative prise par la rapporteure est bienvenue.

Nous avions simplement une réticence sur la formulation de cet amendement. L'article 470 est une très bonne référence. Cette disposition, introduite par Robert Badinter, est bienvenue dans le code mais elle ne retient pas l'élément intentionnel. Qui plus est, elle est relative à la relaxe et, pour le harcèlement sexuel, compte tenu des délais de prescription, introduirait dans le code de procédure pénale un dispositif transitoire.

Pour ces raisons, nous avons souhaité sous-amender l'amendement, mais le service de la séance a transformé le sous-amendement du Gouvernement en amendement. Il était hors de question de concurrencer l'amendement de la rapporteure, parce qu'elle a bien vu le problème, qu'elle l'a bien embrassé, bien formulé. Notre réserve portait juste sur ce caractère transitoire.

Sous réserve de préciser que cette disposition, justement parce qu'elle est transitoire, n'entrera pas dans le code de procédure pénale, l'avis du Gouvernement est favorable, et je vous confirme le retrait de l'amendement n° 82 .

(L'amendement n° 82 est retiré.)

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