Intervention de François Cornut-Gentille

Réunion du 28 mars 2017 à 12h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Cornut-Gentille, rapporteur spécial :

À Alain Rodet j'indiquerai que les chefs d'état-major ont effectivement été interrogés, non pas par moi, mais par d'autres dans le cadre du contrôle. Leur problème est celui de la projection des hommes, l'intendance suivra ; et cette mission d'acheminement est très dure.

Je conçois qu'à chaud on puisse agir de la sorte ; en revanche, dans la durée, nous nous sommes installés dans un système que nous aurions dû interroger ; c'est cela qui est déplaisant. Nous voyons bien que les majorités successives mettent sous le tapis un certain nombre de choses qui sont dérangeantes pour l'administration comme pour elles-mêmes.

Je crois que le rôle du Parlement, au lieu de se cantonner dans le soutien godillot du Gouvernement ou, au contraire, dans la critique d'opposition, est de poser des questions incontournables. Je n'ai pas envie de faire plaisir au gouvernement actuel ni au précédent, je dis simplement que ces questions se posent depuis un certain temps, mais qu'elles n'ont pas été abordées. Je pense que c'est vraiment le rôle d'un parlement moderne de se positionner sur ces sujets.

C'est aussi une façon de répondre à la question posée sur l'Airbus A400M, programme qui voulait mettre en valeur un projet européen ainsi que l'entente franco-allemande. Toutes ces bonnes intentions, auxquelles j'adhère dans une certaine mesure, nous ont conduits à prendre nos désirs pour des réalités. Les majorités qui se sont succédé ici disposaient d'informations – souvent peu précises – concernant l'Airbus A400M, mais comme elles ne voulaient gêner personne, elles ne disaient rien. Dix ans après, nous nous trouvons dans une situation extrêmement problématique sur les plans financier et stratégique notamment.

À monsieur Hetzel, je puis indiquer que les discussions relatives à la LPM demeurent « correctes » : on discute un peu, mais on ne souhaite pas gêner les uns ou les autres. Du coup, nous ne rendons pas service à notre pays, parce que ni la majorité ni l'opposition ne posent les vraies questions. Et les états-majors sont parfaitement conscients de ces problèmes ; le contraire serait préoccupant. En revanche, le politiquement correct, consiste à ne pas le dire ; or je pense que le rôle du Parlement est de le faire, faute de quoi le pays risque de connaître des situations difficiles.

À Marie-Christine Dalloz, je dirais qu'il ne s'agit pas de faiblesses, mais d'un risque considérable. Le fait que les choses se passent bien est la preuve du professionnalisme de tous ceux qui ont la charge de ces opérations, mais cela relève aussi de l'heureux hasard ; c'est ce que j'ai souhaité souligner en pointant toutes les difficultés.

Par ailleurs, le pic de 2013 s'explique par la montée en charge de notre dispositif en Afrique ainsi que le retrait de l'Afghanistan ; il n'y a rien d'autre à chercher.

Je ne suis pas en mesure d'estimer les moyens nécessaires à la conduite d'une autre politique. La question est plutôt celle d'une démarche générale : cesser de se contenter de dire que la défense constitue une seule question de moyens. L'exécutif et l'administration doivent être animés d'une réelle volonté, et s'ils sont défaillants dans cet exercice, il revient au Parlement de les conduire – par-delà la question des crédits – à travailler autrement.

Si le rapport n'est pas forcément aimable pour les exécutifs qui se sont succédé, je n'ai pas voulu les accabler pour autant. Aussi, à Christine Pires Beaune, j'indique que nous sommes totalement dépendants des États-Unis, singulièrement pour le ravitaillement en vol. Nous pourrions noircir le tableau en montrant que, sans les États-Unis, nous ne pourrions conduire aucune opération de chasse aérienne.

C'est cela la réalité : nous ne pouvons pas transporter nos troupes sans les Russes et les Ukrainiens, et nos Rafale ne peuvent voler sans les Américains.

Lorsque l'on est conscient de cette situation, on ne peut qu'avoir la préoccupation de trouver des solutions de moindre dépendance et de diversification des sources. Cela passe par une extension du domaine patrimonial, ce que Bernard Cazeneuve et Louis Giscard d'Estaing proposaient en 2011 ; acheter un ou deux Antonov il y a cinq ou six ans aurait coûté 200 ou 300 millions d'euros.

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