Intervention de Philip Cordery

Réunion du 7 octobre 2014 à 16h00
Commission d'enquête sur l'exil des forces vives de france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilip Cordery :

Je tiens à saluer le remarquable travail du rapporteur, Yann Galut, et de l'ensemble des membres de la commission. Les conclusions et les propositions du rapport redonnent un sens à nos travaux et gomment le présupposé dangereux et stigmatisant envers les Français qui habitent à l'étrangerque recelait l'intitulé dela commission d'enquête.

Le rythme de la croissance du nombre de Français partant à l'étranger s'est accéléré ces dix dernières années, mais peut-on qualifier ce phénomène d'exil ? Je ne le pense pas. Il s'agit d'un rattrapage, illustrant la mobilité accrue de la population française ; les déplacements à l'étranger dans les pays du nord ont augmenté de 65 % au cours de la dernière décennie, soit le double que lors de la précédente. Les Français ont longtemps été plus sédentaires que les Allemands, les Britanniques ou les Italiens, et nos compatriotes vivant à l'étranger ne représentent encore que 2,9 % de la population nationale contre 5,2 % des Allemands et 7,6 % des Britanniques.

La plus grande insertion de notre pays dans la mondialisation, évolution positive, découle d'une meilleure connaissance des langues étrangères, du développement de la mobilité européenne via Erasmus et d'une hausse du nombre de diplômés. La sociologie des Français à l'étranger a, elle aussi, beaucoup changé : plus composite, elle diffère fortement de l'image stigmatisante de l'émigré fiscal. La Belgique a connu une forte progression du nombre de Français s'installant sur son territoire – elle est le quatrième pays accueillant le plus de Français –, ceux-ci étant pour la plupart des salariés, soumis au système d'imposition belge, plus lourd sur le travail qu'en France. Ils ne sont donc pas partis pour échapper à l'impôt !

Élu des Français de l'étranger, je suis en contact quotidien avec eux et peux vous assurer qu'ils ne sont pas des émigrés fiscaux, mais plutôt des étudiants, des salariés, des retraités et des familles. Certains peuvent choisir de partir pour payer moins d'impôts, mais beaucoup sont revenus après avoir constaté le prix à payer pour l'éducation et la santé, aux États-Unis notamment, qui les laissait avec un pouvoir d'achat plus faible.

On ne peut pas nier l'exil fiscal, que nous déplorons et combattons, mais il a toujours existé. Depuis deux ans, la réorientation de l'Union européenne engagée par le Président de la République permet d'envisager la convergence fiscale en Europe. Le rapporteur a formulé plusieurs propositions que je soutiens, comme le rapprochement des taux d'impôt sur les sociétés – IS – ou la lutte contre l'optimisation et l'évasion fiscales.

Il n'y a pas lieu de douter de l'attractivité de la France ; nous avons abrogé la circulaire Guéant, ce qui a permis le retour d'un certain nombre d'étudiants étrangers, nos universités sont reconnues, et la France constitue le troisième pays en matière d'accueil d'étudiants – plus de 290 000 au cours de l'année universitaire 2012-2013. La mise en oeuvre des propositions du rapporteur consolidera ce chiffre grâce à une politique de visa plus adaptée. La fusion des établissements Campus France et de l'agence Europe éducation formation France – 2E2F – permettrait de développer une stratégie intégrée de la mobilité étudiante entrante et sortante ; la thèse de la fuite des cerveaux s'avère nulle et non avenue.

La fusion d'Ubifrance et de l'Agence française pour les investissements internationaux – AFII –, en cours, créera une force de frappe plus cohérente à l'étranger, surtout que la diplomatie économique déployée par M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du développement international,renforce l'attractivité de notre pays à l'étranger.

Le plus important est de changer le regard porté sur les Français de l'étranger, qui constituent une force vive, un outil d'influence et une richesse pour la France. L'accompagnement de nos concitoyens à l'étranger représente un véritable défi ; les Français établis hors de notre pays affrontent de nombreuses difficultés en matière d'enseignement, de système fiscal, de droits sociaux comme la retraite et de sécurité sociale. À l'image de la démarche de la French Tech, portée aujourd'hui par Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique, le rapporteur suggère de créer un observatoire de la mobilité, chargé de mieux connaître et de mieux répondre aux enjeux de l'expatriation, et un guichet unique pour ceux voulant partir et ceux souhaitant revenir. Ces idées sont très intéressantes.

La différence entre l'UMP et la majorité réside dans la peur de la mobilité exprimée par la droite, figée dans son conservatisme, alors que nous souhaitons l'encourager et l'accompagner car nous estimons que les Français de l'étranger représentent une richesse pour notre pays. Je voterai donc avec enthousiasme pour l'adoption de ce rapport.

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