Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 17 septembre 2014 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du développement international :

Le Président de la République et moi-même avons rencontré le Président Diouf il y a peu, monsieur Dufau. Il n'est pas prévu à ce stade d'annuler le Sommet de la francophonie prévu à Dakar et tout est fait pour qu'il ait lieu ; de même, Mmes Touraine et Girardin font tout pour que la coordination de la lutte contre l'épidémie fonctionne au mieux.

Partant du constat que le Conseil de sécurité des Nations unies, dont la fonction théorique est celle de juge de paix, se trouve souvent paralysé par l'utilisation abusive du droit de veto, nous allons, avec le Mexique, reprendre notre proposition. Dans le prolongement de l'idée de M. Hubert Védrine, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité suspendraient volontairement leur droit de veto en cas de « crime de masse », ainsi défini par le Secrétaire général de l'ONU. Cette proposition ne suscite jusqu'à présent qu'un succès d'estime auprès de nos amis membres permanents du Conseil de sécurité, mais l'ONU se disqualifiera si cette décision n'est pas prise. La proposition permettrait à chaque grand pays de continuer d'utiliser le droit de veto lorsqu'il est concerné tout en donnant plus de marge de manoeuvre pour l'exercice d'un droit international que défend la France.

M. Rochebloine et Mme Saugues s'inquiètent d'un possible envoi de troupes françaises au sol en Irak ; il n'en est pas question.

On ne peut, monsieur Asensi, entonner le péan selon lequel nous conduirions trop d'opérations militaires. La France n'est pas un pays va-t-en-guerre mais l'état du monde est désespérant, et si nous n'agissions pas il serait pire encore. Chacun convient que sans notre intervention les terroristes auraient conquis le Mali et qu'en RCA, un génocide aurait eu lieu à coup sûr. En Libye, l'erreur commise a été de ne pas prévoir le suivi de l'intervention militaire ; or, on ne peut penser tout résoudre en se limitant à larguer des bombes. Nous pouvons jouer un rôle, mais les populations doivent prendre elles-mêmes les choses en mains car l'époque n'est plus où l'on traçait les lignes de l'extérieur.

J'ai évoqué la probabilité que les choses suivent leur cours cahin-caha jusqu'aux élections prévues le 26 octobre ; mon optimisme au sujet de l'Ukraine est donc tout relatif.

L'adoption de la résolution 2170 et la demande d'intervention exprimée par l'Irak font qu'un mandat exprès du Conseil de sécurité n'est juridiquement pas nécessaire pour que la coalition intervienne. Or, alors que ni la Chine ni la Russie n'ont émis d'objection à l'intervention en Irak lors de la conférence de Paris, consulter le Conseil de sécurité sans que la légalité internationale l'exige ferait courir le risque que la question de la Syrie soit également abordée et que se reproduise alors le blocage déjà constaté.

Pour débattre de l'intervention en Irak, mon collègue Jean-Yves Le Drian sommes à votre disposition, et s'il devait y avoir un engagement, fût-il aérien, des forces françaises, le Parlement en serait informé comme il l'est systématiquement en pareil cas.

Je pense, monsieur Terrot, que les propos du ministre de la défense ont été mal interprétés. La situation en Libye est très préoccupante, nul n'en disconvient, et M. Le Drian a appelé pour cette raison à la mobilisation de la communauté internationale, mais il n'est pas question que la France intervienne. Je me suis entretenu avant-hier avec M. Bernardino León, représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU en Libye ; nous pouvons aider les Nations unies dans leur tâche mais, je le répète, il n'est pas question que nous intervenions.

La France n'a pas la vision du monde de certains régimes – celui de M. Bachar al-Assad – qui considèrent que tous leurs opposants sont des terroristes et que tous les groupes terroristes, où qu'ils soient, sont en cheville. Pour notre part, monsieur Glavany, nous considérons que Daech a une particularité qui le distingue d'Al Qaeda et d'autres nébuleuses : il veut une implantation territoriale.

L'Iran, qui veut exercer une influence prépondérante dans les pays qui l'entourent, est très présent et très influent en Irak, monsieur Poniatowski. Le gouvernement irakien actuel, dans sa diversité, et le président lui-même, souhaitent entretenir de bonnes relations avec l'Iran. Je pense comme vous que la réaction iranienne serait vive si quelque chose se produisait au Sud.

La MINUSCA se déploie en RCA ; nous adapterons le dispositif Sangaris, car nous n'avons pas vocation à demeurer sur place en permanence. Les rapports que l'on m'a remis sur la situation en Centrafrique sont un peu moins alarmistes que les précédents. Je ne pense pas que la solution de la partition du pays soit la bonne, car il faut apprécier l'influence que cela aurait, au-delà de la RCA, au Tchad et au Soudan. La semaine prochaine se tiendra à New York une réunion consacrée à la Centrafrique, et il faudra rappeler à la présidente et aux autorités de transition qu'ils ont l'obligation de préparer les élections sans plus tarder.

Les 3 000 soldats dont le président Obama a annoncé l'envoi pour lutter contre la fièvre Ebola auront pour tâche de construire des hôpitaux de campagne.

Pour ce qui est d'intervenir en Syrie, les États-Unis n'ont encore rien décidé.

C'est vrai, monsieur Mariani, les sanctions touchent à la fois ceux à qui elles sont imposées et ceux qui les prennent. Elles nous pèsent d'autant plus que la France est le deuxième investisseur étranger en Russie, et je sais les inquiétudes des hommes d'affaires français. Mais l'on ne peut ni laisser sans réagir porter atteinte à la sécurité européenne, ni déclarer la guerre à la Russie ; il faut donc décider des sanctions graduées.

Au Mali, monsieur Bacquet, nous veillons, dans le strict respect du droit international, à ce que les entreprises françaises soient présentes et bien traitées.

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