Intervention de Jérôme Léonnet

Réunion du 19 mai 2016 à 11h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Jérôme Léonnet, chef du service central du renseignement territorial, SCRT :

À partir de l'échantillon du RT, on constate que les personnes suivies sont plus nombreuses dans l'Est, dans le Nord, à Marseille, à Montpellier et à Toulouse qu'ailleurs et notamment que dans le grand Ouest. Les raisons sont d'ordre culturel, social et économique. Le département le plus touché par ce phénomène est le Nord.

Je ne commenterai pas la formule de « Molenbeek à la française », mais nous travaillons dans des territoires où l'islam militant cherche à peser sur la structure associative et économique des territoires. En lien avec nos camarades de la PJ, de la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF), de la DGSI et de la gendarmerie, nous déployons des actions opérationnelles ciblées visant à empêcher toute prise en main d'un territoire, comme à Trappes. La cellule Allat nous permet de travailler avec les services du premier cercle ; agir avec le service de traitement du renseignement et de l'action contre les circuits financiers clandestins (Tracfin) lorsque l'on soupçonne des financements délictueux se révèle très efficace.

Monsieur Meyer Habib, dans un cas signalé sur trois, on évalue au final que la personne n'est pas radicalisée, mais inquiète son environnement familial ou professionnel. Je me concentre sur les profils dont le passé délinquant et la fragilité, exprimée par exemple sur les réseaux sociaux par des prises de position démentielles méritent un suivi poussé, sans épuiser la capacité du RT dans le traitement de cas assez simples, que d'autres structures comme l'Éducation nationale ou les organismes sociaux peuvent gérer. Le fichier FSPRT est riche de 13 000 signalements, dont beaucoup sont suivis par des services qui ne sont pas ceux de l'État. À l'époque de la parution du rapport parlementaire sur les sectes, on a découvert l'étendue de l'emprise sectaire. Certains de nos concitoyens sont fragiles, et nous devons surveiller sur leur évolution, mais ils ne basculeront pas forcément dans le terrorisme.

Le RT a connu une phase de renforcement significatif, puisque les effectifs sont passés de 1 800 à 2 600 en trois ans, cette progression est difficile à digérer. Nous devons en effet former les gens et leur donner des missions claires. La capacité du service a été largement entamée par la mission de suivi de la radicalisation, qui absorbe 40 % de notre activité contre 5 % il y a peu. Cette proportion est lourde, surtout lorsque des événements du type malaise agricole ou journées nationales d'action contre le projet de loi relatif au travail nous mobilisent. Lors d'un séminaire de la sécurité publique, j'ai félicité les 101 chefs RT, dont plus de soixante sont des commandants de police, que l'on peut joindre à tout moment, samedis et dimanches compris et qui sont capables de parler aussi bien de radicalisation que de manifestations classiques. Le RT a pris conscience des attentes placées en lui dans ce domaine sensible et son engagement se révèle total. On continuera de progresser, car on affine nos analyses, on écrit beaucoup, on est très lu et on échange beaucoup avec la DGSI. Le RT doit continuer de prendre en compte des signaux faibles et de les évaluer pour déterminer ceux qui doivent être vraiment suivis des autres. Le SCRT aide également la DGSI qui se trouve en première ligne dans la lutte contre les réseaux radicaux, notamment en mettant en oeuvre de la surveillance dans des cas de quasi-terrorisme.

On commence toujours par verser de modestes rémunérations à nos sources, car on recrute dans les quartiers et non dans des réseaux terroristes ou à l'étranger. En partant du quartier, on peut parfois arriver à l'étranger ; ainsi, le SCRT mène actuellement une opération avec la DGSI et la DGSE où une personne, recrutée dans un quartier, se projettera, à l'étranger. Cet individu pourra énormément apporter aux services du premier cercle, qui lui verseront une rémunération incomparable avec les quelques dizaines d'euros perçus après son recrutement par le SCRT.

Les liens avec la DGSE sont fluides grâce à Allat et aux échanges que l'on entretient ; j'ai été reçu par le directeur général de la sécurité extérieure, et nos deux structures conduisent ensemble un travail opérationnel et documentaire. Les gens du RT qui s'occupent de radicalisation ont besoin d'une petite culture dans le domaine de l'islam ; on a accès à beaucoup d'études publiques sur le salafisme et le tablighi. En revanche, c'est la DGSE qui nous transmet les informations relatives à l'évolution de telle école ou de tel courant de pensée en Égypte ou en Arabie saoudite.

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