Intervention de Jérôme Léonnet

Réunion du 19 mai 2016 à 11h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Jérôme Léonnet, chef du service central du renseignement territorial, SCRT :

Monsieur Lamy, on a évidemment beaucoup perdu du tissu développé par les 3 500 agents des RG. Nous nous efforçons de retrouver l'intégralité de ce réseau, et l'on dispose d'atouts que les RG n'avaient pas, le premier d'entre eux étant l'appui de nos camarades de la sécurité publique. L'ensemble des instances partenariales, des associations locales, des bailleurs sociaux travaillent ouvertement avec nous et ne mettent aucun obstacle à l'action du RT, au contraire.

Cette action de terrain nous permet de recruter des sources, et l'on bénéficie de nos très bonnes relations avec l'ensemble du tissu associatif pour trouver ces personnes dont la tâche est très particulière. Lorsqu'un chef du RT prend ses fonctions, je le reçois et lui demande de développer des contacts avec tous les partenaires. Compte tenu de la mission et du cahier des charges du RT dans l'organisation actuelle de la lutte antiterroriste, la présence au plus près du terrain et les liens avec l'imam, le bailleur local et l'association de quartier s'avèrent essentiels. Grâce à cela, on peut avoir des contacts voire recruter des sources.

La forte émergence de la radicalisation – quelques dizaines de cas en 2014, 476 au début de l'année 2015 et 3 600 aujourd'hui – nous empêche d'être totalement lucides sur le phénomène, et je m'efforce de demander un point hebdomadaire sur les dossiers emblématiques. On dispose néanmoins de quelques certitudes : le cocktail associant la délinquance, les contacts en milieu carcéral et la radicalisation s'avère très dangereux ; en outre, l'association entre la fragilité mentale diagnostiquée ou non – et la radicalisation se révèle également menaçante. On considère que 700 à 800 personnes radicalisées sont dangereuses, dont 150 relèvent du domaine psychiatrique. Nous sommes en train de développer nos échanges avec la médecine psychiatrique, après des années de difficultés ; les agences régionales de santé (ARS) et les médecins ont pris conscience que lorsqu'une personne cessait ses soins ou cherchait à échapper à un diagnostic tout en développant une terminologie religieuse, il fallait donner l'alerte. Parmi les 3 600 personnes, des profils se dessinent et des situations se recoupent, comme la fragilité des mineurs et l'inquiétude des parents face à la conversion d'un enfant n'ayant pas évolué dans un milieu culturel musulman ; on a connu des cas comparables lorsque l'on a étudié les sectes. Dans la radicalisation, on va de la simple dérive sectaire au pré-terrorisme. Tous les cas sont uniques, et je recommande de rencontrer une personne signalée, lorsque, comme dans la grande majorité des cas, elle n'est pas dans une démarche conduisant au terrorisme qui oblige à agir en milieu fermé. Ces entretiens n'ont pas toujours d'issue favorable car un profil fragile le restera ; en outre, des contractuels, dont une psychologue, travaillent avec nous sur la déradicalisation.

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