Intervention de Jérôme Léonnet

Réunion du 19 mai 2016 à 11h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Jérôme Léonnet, chef du service central du renseignement territorial, SCRT :

Lorsque les RG existaient, les brigades d'information de voie publique (BIVP), composées d'agents habiles, agissaient dans le domaine du renseignement sur le terrain au profit de la sécurité publique, dans des domaines comme le lien avec les manifestants ou l'anticipation des manifestations. Les prévisions de ces brigades s'avéraient souvent bien précises. Dans ces matières du renseignement quotidien hors terrorisme, un petit incident pouvant passer inaperçu peut s'avérer important, si bien que le lien avec la sécurité publique est évident. Le RT n'est pas omniscient, il a développé une coopération avec les services de sécurité publique, qui nous transmettent tous leurs éléments ; le SCRT se charge de faire le tri et bénéficie ainsi d'une grande richesse d'informations. La sécurité publique s'est totalement appropriée le RT et y consacre beaucoup de moyens : les renforts se trouvent très souvent gagés sur les effectifs de la sécurité publique et cette dernière utilise 78 % de son budget dédié à la formation est destiné au RT, soit plus des trois quarts de cette ressource pour 2 500 agents alors qu'elle en compte 65 000. La sécurité publique apporte beaucoup au RT et celui-ci, même s'il ne peut pas tout prévoir, lui fait bénéficier d'une proximité très utile, par exemple, pour la gendarmerie, au barrage de Sivens ou le week-end dernier à Pont-de-Buis. Nos notes parviennent immédiatement aux services de police et de gendarmerie et avant même d'arriver sur mon bureau.

La SDAO est un service très efficace pour remonter de l'information. Toutes les informations du terrain dans les zones de gendarmerie ne me sont pas forcément transmises en direct, mais tous les éléments de la SDAO me parviennent en direct. Cela fait souvent doublon avec les renseignements déjà en ma possession, mais, depuis ma prise de fonctions en septembre 2014, il n'y a jamais eu d'informations perdues entre la gendarmerie et le SCRT – toutes nos notes, sans exception, leur sont transmises. D'ailleurs, l'un de mes meilleurs commissaires travaille à la SDAO et l'un des meilleurs officiers de gendarmerie est au SCRT ; l'un comme l'autre sont totalement intégrés dans les dispositifs de chaque service. L'été dernier, le général Sauvegrain a pris ses congés et le commissaire de police du RT placé à la SDAO a assuré l'intérim du poste ; cela prouve la confiance qui règne entre les deux services. Je ne méconnais cependant pas l'importance pour la gendarmerie nationale de se voir reconnaître une place à part dans le renseignement. Le RT essaie de la lui donner en employant 198 gendarmes, même si j'espère que ce chiffre progressera, notamment dans des secteurs compliqués ; parmi les sept divisions du service central, deux sont pilotées par un officier de gendarmerie, l'adjoint du chef de la division de la radicalisation est un gendarme, et le RT est représenté par un gendarme dans la cellule Allat, qui constitue le saint des saints.

La création de l'EMOPT répondait à la nécessité d'assurer un vrai contrôle de la manière dont les services associés traitaient le sujet de la radicalisation, dont l'importance n'a cessé de croître depuis l'été 2014. Il fallait s'assurer que le réseau préfectoral, qui pilote le dispositif d'évaluation et de suivi, et l'ensemble des services de renseignement travaillaient bien ensemble sur la radicalisation pour que tous les cas le méritant soient suivis. Suite au déploiement de la plateforme de signalement, le FSPRT permet de recenser les différents signalements. Il constitue un atout pour le RT car le fichier de prévention des atteintes à la sécurité publique (FPASP) du SCRT n'appréhende que les risques d'atteintes à la sécurité ; on n'entre pas dans le FPASP un individu signalé par son milieu professionnel car il ne serre plus la main aux femmes ou ne mange plus de cochon à la cantine sans avoir procédé à une évaluation préalable. Il n'en restera pas moins signalé au sein du FSPRT car il importe qu'un traitement dédié aux questions de radicalisation le garde en mémoire.

Qui plus est, les services du RT étaient beaucoup trop mobilisés par la fabrication des tableaux de suivi, que le FSPRT effectue en temps réel. En mars 2016, j'ai organisé un nouveau séminaire où tous les services départementaux du RT ont tous accepté que ce fichier remplace les tableaux d'évaluation et de clôture, ce qui se concrétisera en juillet prochain. Le FSPRT sera donc pour le RT un outil de comptabilisation dans le domaine de la radicalisation.

Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas me faire plus plaisir que de rappeler l'intérêt de faire principalement reposer le travail de renseignement sur de l'humain. Je viens de la culture de la DST qui privilégie le renseignement humain sur toute dimension technique. Malgré les possibilités offertes par la loi, jamais nous ne lancerons de dispositifs techniques sans disposer au départ d'une validation humaine.

Nous avons refondé le code de traitement des sources au début de l'année 2015, car mon expérience à l'IGPN m'a montré la nécessité d'appliquer un traitement rigoureux des sources humaines, car on met en jeu des informations importantes et la destinée des collaborateurs et de leurs sources. On apprend à traiter avec méthode des sources humaines, cette tâche n'est pas innée et doit être contrôlée. Dans ce domaine, le RT a réalisé un travail considérable. En outre, pour combattre l'idée selon laquelle le renseignement technique peut tout faire, on impose aux départements une recherche systématique de sources humaines. Ces dernières nous apportent, dans tous les secteurs d'action du RT, les meilleures informations, celles qui débouchent sur des surveillances humaines et techniques.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion