Intervention de Patrick Raude

Réunion du 8 février 2017 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Patrick Raude, secrétaire général de la société des auteurs et compositeurs dramatiques, SACD et vice-président de la société des auteurs audiovisuels, SAA :

Merci d'avoir invité à ce débat la SACD, ce qui est assez fréquent, mais aussi la SAA, qui représente près de 300 000 auteurs dans l'Union européenne. Deux grands textes sont actuellement en discussion, à l'occasion desquels la SACD et la SAA essayent de remettre au coeur des débats sur le financement de la création la problématique du financement des créateurs, car il n'y aura pas de bonne création sans un cadre économique et juridique pertinent pour les créateurs. Il est important que tous les maillons de la chaîne de création trouvent un financement pérenne et équilibré. Sur le cinéma, il faut que les salles, les chaînes payantes et les chaînes en clair aient un financement et ne soient pas placées dans une situation concurrentielle défavorable face à de nouveaux acteurs qui bénéficieraient d'avantages de régulation ou d'avantages fiscaux comme c'est le cas aujourd'hui, et que les différents intervenants, distributeurs, producteurs et auteurs, puissent accéder à cette nécessaire chaîne de transparence.

Sur la proposition de directive « Droit d'auteur », nous trouvons qu'il y a un oubli : bien que les auteurs soient au centre de la création, aucun dispositif spécifique n'a été introduit dans le texte. Le marché unique ne s'applique pas au droit d'auteur afin de garantir une juste rémunération des auteurs, c'est-à-dire, notamment, une rémunération équitable et inaliénable. Nous nous félicitons de la prise de position, lors du dernier Conseil culture, de la ministre Audrey Azoulay, qui a appelé de ses voeux une mesure en ce sens. Plusieurs parlementaires européens sont également sensibles à cette argumentation.

Cela nous paraît essentiel. La SAA a conduit une étude sur la structure de revenu des auteurs. On a parfois, à tort, le sentiment que ces professionnels vivent dans des conditions favorables. Pour les scénaristes de télévision représentés par la SAA, la rémunération mensuelle moyenne est inférieure à 2 000 euros, ce qui n'est pas du tout excessif compte tenu, qui plus est, du risque pris puisque, entre deux périodes d'écriture, les auteurs sont sans aucune source de revenu.

C'est pourquoi deux éléments nous semblent importants. Nous souhaitons tout d'abord l'introduction dans la directive d'un droit à rémunération proportionnelle incessible, comme cela existe en France. Il arrive souvent que la France défende l'exception culturelle française et cherche à imposer sa vision des choses à toute l'Europe, mais là ce sont plusieurs pays de l'Union européenne – Pologne, Espagne, Italie, Portugal – qui souhaitent, avec la France, étendre cette avancée. Les auteurs membres de la SACD ont accès à une rémunération proportionnelle dans les pays que je viens de citer mais pas ailleurs.

Le second élément important, ce sont les dispositions introduites dans le projet de la Commission sous l'appellation « triangle de la transparence » et auxquelles la SACD est très attachée. Pascal Rogard a l'habitude de parler de « régulation hémiplégique » dans ce domaine, en comparant la richesse, la précision et la qualité de la régulation appliquée aux relations diffuseur-producteur et l'absence quasi-totale de cadre juridique applicable à la relation auteur-producteur alors que les auteurs sont, dans cette relation commerciale et contractuelle, extrêmement démunis.

En ce qui concerne la problématique de la territorialité et de la libre circulation, nous approuvons pleinement ce qui vient d'être dit. Nous souhaitons en outre évoquer un autre point qui permettrait de renforcer ce discours, auquel nous sommes très attachés et sur lequel la France a déjà beaucoup avancé, tout en pouvant encore aller plus loin. La principale critique porte sur l'insuffisante circulation des oeuvres. Un accord a donc été passé en septembre dernier, puis étendu par la ministre, sur l'exploitation suivie des oeuvres en France. Nous préconisons l'idée d'une reprise de ce principe d'exploitation suivie. L'exposition des oeuvres créées aussi bien en audiovisuel qu'en cinéma est encore insuffisante au-delà de leur première exploitation. Ce dispositif permettrait de renforcer la force du principe de territorialité.

S'agissant de la directive « SMA », je suis parfaitement d'accord sur le fait qu'il est nécessaire de prévoir un cadre de concurrence équilibré entre les acteurs du linéaire et ceux du non-linéaire, ainsi qu'entre les acteurs du non-linéaire établis en France et ceux établis hors de France. Nous nous sommes à de nombreuses reprises félicités de l'adoption par le Parlement français, il y a plus de deux ans, d'une disposition permettant de rétablir un cadre fiscal homogène ; force est de constater que, deux ans après ce vote à l'unanimité, la disposition n'est toujours pas en vigueur, mais toujours en cours d'examen à Bruxelles.

Il y a un point positif dans les propositions de texte en discussion : c'est la consécration juridique du principe du pays de destination, qui interdira, quel que soit le lieu d'établissement, aussi bien concernant les dispositifs de régulation que de fiscalité, toute distorsion de concurrence. Or l'on sait que la Commission européenne est normalement fort attachée à l'exercice d'une concurrence parfaitement loyale entre les acteurs.

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