Intervention de Yvon Thiec

Réunion du 8 février 2017 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Yvon Thiec, directeur général d'Eurocinéma :

C'est une question qui embrasse l'ensemble des enjeux de notre débat. Je l'aborderai sous l'angle des enjeux financiers et budgétaires.

En ce qui concerne la directive sur le droit d'auteur, les travaux ne font que commencer au Parlement européen. Il s'agit d'une directive importante, au contenu original. La semaine prochaine, je vais assister à la réunion de l'Association littéraire et artistique internationale (ALAI), cénacle de juristes fondé par Victor Hugo pour défendre le droit d'auteur, et je vous communiquerai les suggestions écrites que je ferai à cette occasion.

Je ne souhaite pas non plus m'exprimer aujourd'hui sur le Brexit, car ce serait trop long. J'ai écrit à ce propos au Quai d'Orsay, ainsi qu'au ministère de la Culture, car il y a des enjeux pour l'audiovisuel. Si vous le souhaitez, je vous communiquerai le document que j'ai adressé aux pouvoirs publics.

En ce qui concerne les enjeux financiers, la négociation du futur Cadre Financier Pluriannuel, qui commence cette année, va être très compliquée, du fait même du Brexit puisque nous perdons un contributeur net, la Grande-Bretagne, à hauteur de 12 %, alors que les besoins sont accrus. Il sera donc très difficile de demander une augmentation du soutien financier du programme MEDIA.

Vous avez apporté, madame et monsieur les rapporteurs, la preuve que ce programme était utile et sympathique à tous points de vue. Le problème, c'est qu'aujourd'hui, son périmètre est très large et que la Commission a tendance à ouvrir, chaque semaine, de nouveaux tiroirs, sans les financer. Au départ, ses fonctions principales concernaient l'exploitation, la distribution et la formation professionnelle. Il n'y avait rien pour les producteurs, à l'exception du slate funding, que vous avez mentionné. Il y a aujourd'hui une ligne concernant la coproduction qui me paraît très intéressante.

Actuellement, on assiste au développement inconsidéré de missions qui ne sont pas financées. En réalité, les ressources consacrées à ce programme, qui n'ont pas augmenté depuis vingt-cinq ans, s'élèvent à 1,5 milliard d'euros, c'est-à-dire 0,15 % du budget de l'Union européenne. Sont dédiés à la culture et à l'audiovisuel 800 millions d'euros pour vingt-huit pays et pour sept ans. Il y a donc aujourd'hui une tension très forte entre les grands pays et les petits pays bénéficiaires, ce qui est regrettable.

Pour supprimer cette tension, il faudrait, selon moi, passer à 0,3 % du budget de l'Union européenne et préciser le montant de cette augmentation dans votre rapport d'information. Mme Silvia Costa, rapporteure devant le Parlement européen, a proposé une augmentation, mais elle ne l'a pas chiffrée. Il conviendrait, selon moi, d'engager la négociation en fixant ce paramètre.

Il faudrait aussi intégrer, dans le programme, une nouvelle tâche, à savoir un mécanisme d'aide à l'exportation. Outre le marché intérieur européen, nous devons avoir plus facilement accès aux marchés extérieurs, grâce à un outil économique, mais aussi au soft power. Les films européens portent une dimension pédagogique de ce qu'est l'Europe, une vision du monde européenne, ce qui est très important dans un monde où les conflits sont récurrents.

Il y a eu un essai, avec la création de MEDIA Mundus. J'en ai beaucoup discuté avec Mme Viviane Reding, formidable commissaire à la culture. Mais l'enthousiasme de la Commission ayant à un moment beaucoup baissé, MEDIA Mundus a été supprimé – je ne veux pas citer de nom… Il est nécessaire, selon moi, de repenser un instrument dédié à l'exportation. C'est, je crois, la valeur ajoutée que l'on pourrait créer pour ce programme.

Un fonds de garantie a été mis en place et la Banque publique d'investissement vient d'obtenir un nantissement de 30 millions d'euros. C'est un succès pour la France, car c'est l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) qui a, il y a très longtemps, plaidé à Bruxelles pour un fonds de garantie au niveau européen, destiné à abonder les banques et à les rassurer, afin de les pousser à investir dans le secteur du cinéma. Les banques sont en général assez rétives à financer un secteur où les seuls actifs sont immatériels : il s'agit, en gros, des droits d'auteur, que les banques ne connaissent pas bien, dans la mesure où il ne s'agit pas d'immeubles, de choses tangibles.

Il serait intéressant de suivre l'évolution de ce fonds de garantie durant les deux années à venir, de voir s'il y a vraiment une appétence pour ces crédits. Auquel cas on pourrait envisager un nantissement plus important puisqu'il est actuellement de 120 millions d'euros jusqu'en 2020, pour vingt-huit pays et pour l'ensemble du secteur culturel. Il s'agit d'un nantissement relativement modeste, mais c'est un bon début.

En ce qui concerne le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), il est question, à l'article 9, de la culture et des industries culturelles. Il serait intéressant de mieux se renseigner sur cette facilité qu'offre le Fonds afin de savoir si on y a eu recours. Je suis moi-même allé me renseigner au ministère des affaires étrangères à ce sujet : il y avait déjà beaucoup de projets, mais très peu de projets culturels. S'agissant d'un fonds aussi important, je pense qu'il reste des marges de financement. Il serait intéressant de savoir s'il n'y aurait pas là une facilité pour le secteur du cinéma et de l'audiovisuel.

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