Intervention de Michel Hazanavicius

Réunion du 8 février 2017 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Michel Hazanavicius, co-président de la société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs, ARP :

Merci de m'avoir invité : je suis ravi d'être parmi vous.

Si je fais des films aujourd'hui, c'est qu'il y a un système public français qui me permet de les faire. S'il y a autant de réalisateurs et d'auteurs en France, ce n'est pas parce qu'ils sont meilleurs que ceux des autres pays, mais parce qu'ils bénéficient du soutien de la puissance publique. Il y a quelques décennies, des cinématographies comme celles de l'Italie étaient bien supérieures à la nôtre, mais elles n'ont pas été aussi soutenues. D'où l'importance pour les cinéastes et les artistes de poursuivre le dialogue avec les politiques.

Nous sortons d'une période de remous qui a duré quelques années. Les changements de positions politiques au niveau européen et l'arrivée du numérique ont jeté un trouble dans notre industrie. À entendre les interventions précédentes, je constate que vous avez compris les enjeux attachés au système vertueux de financement de la production et aux règles mouvantes de l'industrie numérique, deux aspects très difficiles à traduire dans une vision politique. Je vous remercie pour cela.

Je tiens à vous indiquer que les cinéastes européens que j'ai l'occasion de rencontrer nous envient particulièrement ce système qui fait de la France, selon une formule consacrée, le « paradis du réalisateur » – et nous espérons qu'elle le restera. Sans vous, nous ne sommes rien. Nous avons besoin d'un relais politique qui créé ce cadre nécessaire pour faire des films aussi nombreux que divers. Je dis divers car, en France, il n'y a pas un seul modèle de film. J'en suis un assez bon exemple. J'ai présenté dans plusieurs pays du monde un film muet qui a connu un certain succès : partout, il était considéré comme une évidence que seule la France était capable de financer un tel film, au départ totalement hors marché.

Au niveau politique, l'Europe doit lutter contre le piratage. Laisser s'installer, dans l'esprit des consommateurs, notamment des jeunes, l'idée qu'un film peut être gratuit est catastrophique pour l'ensemble de la chaîne. Il serait très difficile pour nous de trouver des financements pour fabriquer des objets considérés comme gratuits. Malheureusement, la fabrication d'un film coûte cher. Il est donc nécessaire de protéger la valeur en amont et en aval de la fabrication.

Il faudrait également harmoniser la concurrence, c'est-à-dire faire en sorte que les puissants acteurs du numérique soient tous traités sur un pied d'égalité et soumis aux règles d'une concurrence loyale. Il est compliqué, pour un acteur européen, d'être en concurrence avec un acteur américain, alors qu'ils ne sont pas soumis à la même législation ni à la même fiscalité.

Les dirigeants européens mènent une politique qui ne protège pas l'industrie européenne et laissent filer des sommes astronomiques en faisant preuve d'une espèce de bienveillance fiscale incompréhensible.

La France doit être à la tête de ce combat parce qu'elle a le crédit pour le faire, mais aussi une industrie à défendre, contrairement à d'autres pays européens qui ne sont pas, comme nous, producteurs de films.

En ce qui concerne le programme MEDIA, il faut sanctuariser les sommes allouées au cinéma européen, mais surtout les augmenter. Il faut aussi veiller au contenu. On ne peut pas, pour la même somme, multiplier les aides. Le champ de responsabilité du programme MEDIA doit être en rapport avec son budget. Il convient aussi de favoriser la diversité. Je crois savoir qu'il est prévu d'imposer aux plateformes numériques un quota de 20 % d'oeuvres européennes. Pour notre part, nous souhaiterions une politique plus volontariste allant jusqu'à un quota de 50 % d'oeuvres européennes.

En France, le marché de la salle de cinéma s'est autorégulé. Nous sommes les plus gros consommateurs de films américains, français, européens et mondiaux : 50 % des films en salle sont américains, 40 % sont français, et 10 % viennent d'autres pays. Cela montre que les cinéphilies ne s'annulent pas, ne se concurrencent pas ; elles s'autoalimentent. Plus vous allez au cinéma, plus vous voyez de films français, plus vous voyez de films étrangers. S'agissant d'un marché soumis à la forte pression des grands acteurs américains, avoir une politique volontariste peut finalement être profitable à tout le monde.

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