Intervention de Sandrine Doucet

Réunion du 8 février 2017 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Doucet :

La mission dont est issu ce rapport aura duré six mois. Dans une lettre de juillet 2016, le Premier ministre m'a demandé d'évaluer l'établissement du parcours d'éducation artistique et culturel (PEAC). L'enjeu en est la lutte contre l'inégalité, priorité du quinquennat, à travers la question de savoir comment favoriser l'accès de tous à la culture.

Lors de la préparation du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche, en 2013, j'avais pu voir comment le cadre de vie conditionne les pratiques artistiques et culturelles. Le PEAC est décrit par une circulaire de mai 2013, l'accès à la culture étant désormais inscrit dans la loi.

La charte relative à l'EAC a été élaborée par le Haut Conseil de l'EAC. J'ai remis mon rapport au Premier ministre le 25 janvier. Le Haut Conseil l'a examiné le 30 janvier. Puis le sujet a été inscrit à l'ordre du jour du Conseil des ministres de la semaine dernière.

Le PEAC peut être un outil favorable à cet élan démocratique ? L'histoire des politiques culturelles est liée à celle de la Vème République. Nous célébrons ces jours-ci les quarante ans du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou mais le centre d'art contemporain de Bordeaux a aussi fêté les siens, signe de la farouche bataille qui opposait autrefois les premiers ministres successifs sur le thème de la culture.

Les années 1980 ont vu l'éclosion d'autres lieux culturels en région, pionniers de la démocratisation. Se pose aujourd'hui la question de la relève pour ces institutions, qui sont autant de buttes témoins de notre temps culturel.

L'article 10 de la loi de refondation de l'école de la République de 2013 fait de l'EAC un enseignement à part entière. Des dispositions sont également contenues dans la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine de 2016. Les lois territoriales sur les métropoles et sur la nouvelle organisation territoriale de la République de 2015 ont par ailleurs précisé les contours d'une compétence générale en matière culturelle.

L'EAC est conditionnée par une nouvelle approche des rythmes d'apprentissage : on apprend dans l'école, mais aussi hors d'elle. La circulaire de mai 2015 a défini les parcours d'EAC, en précisant qu'ils se construisent sur des pratiques, des connaissances, des rencontres jalonnant un temps étiré.

Une première version de la lettre de mission que j'ai reçue m'invitait à me concentrer sur l'action menée dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Mais j'ai très vite voulu élargir mon investigation à d'autres espaces assez dépourvus en matière d'offre culturelle. Notre objet a en effet été la lutte contre les inégalités.

Nous avons ainsi effectué huit visites hors de l'Assemblée nationale, à Strasbourg, Perpignan, Bordeaux, Pantin, l'Aigle, Blois, l'Isle d'Abeau et Aurillac. Nous avons rappelé à nos interlocuteurs que leur parole était libre. Il s'agissait de faire un point sur les bonnes pratiques, mais il était tout à fait possible de nous déclarer que l'on ne savait rien des PEAC. À vrai dire, beaucoup les pratiquaient déjà, mais simplement sans le savoir.

Les réunions organisées ont fait la preuve de la nécessaire concertation entre les collectivités territoriales et les services déconcentrés, qui ont pu, à cette occasion, découvrir une nouvelle méthode. Notre journée-type se partageait entre une demi-journée consacrée à la mise en oeuvre des PEAC dans le territoire, et une demi-journée consacrée à la réussite des expériences menées sur le territoire visité.

Nous avons retrouvé quelques constantes. D'abord, il nous semble nécessaire de se retrouver pour dialoguer. Ensuite, le temps a laissé des structures pionnières vieilles de trente ou quarante ans, vaisseaux amiraux des pratiques artistiques et culturelles dans les territoires ; il nous a semblé qu'ils concentraient les pratiques mais étouffaient aussi parfois d'autres initiatives, en drainant vers eux les soutiens publics. Nous avons vu en tout cas deux belles expériences, la Casa Musicale à Perpignan, installée au centre-ville – qui constitue dans cette ville un quartier prioritaire –, et, à Strasbourg, le groupement d'intérêt public dénommé « Action culturelle en milieu scolaire d'Alsace » (GIP – ACMISA), qui fonctionne quant à lui plutôt comme un guichet.

D'une manière générale, les pôles qui existent déjà ont tendance à capter les subventions au détriment des autres. La coopération entre les DRAC et les délégations académiques aux arts et à la culture (DAAC) posent aussi parfois problème.

J'en viens aux préconisations du rapport. Elles sont au nombre de trente, organisées selon deux axes. D'abord, nous voulons bâtir le PEAC en commun, selon une vision ascendante, qui s'inspire des bonnes pratiques sur le terrain. Ensuite, nous voulons favoriser l'égalité territoriale, grâce à un État stratège qui la garantit, en suivant une vision descendante. Dans cette perspective, le Premier ministre et les comités interministériels exercent leur influence jusqu'au niveau des établissements publics intercommunaux (EPCI), à travers la définition de contrats locaux.

Notre idée reste cependant de ne pas ajouter à l'existant en matière de pilotage et de structures. Deux points forts reviennent régulièrement dans les préoccupations : la formation des enseignants et des artistes ; le nécessaire pilotage par l'État qui, même s'il respecte les projets locaux, s'affirme comme le garant des luttes contre l'inégalité.

En conclusion, comment conjuguer la volonté politique qui s'exprime depuis 2012 avec les volontés qui s'expriment sur chaque territoire ? La volonté de plusieurs ne saurait faire office de volonté commune. La volonté politique doit s'exprimer pour faire de l'EAC une politique à part entière garantissant l'accès de tous à la culture, concourant ainsi à trois priorités du quinquennat : la jeunesse, la culture et la lutte contre les inégalités.

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