Intervention de Kheira Bouziane-Laroussi

Réunion du 1er février 2017 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaKheira Bouziane-Laroussi, rapporteure de la mission d'information :

Je tiens à remercier mes collègues pour ces nombreuses questions, qui confirment l'intérêt du sujet qui nous préoccupe aujourd'hui.

Je voudrais rebondir sur ce qu'a dit le président de la mission, M. Denis Jacquat, à propos de nos auditions. Nous avons entendu de nombreux acteurs, institutionnels ou associatifs, mais nous avons aussi reçu de nombreuses contributions de la part de ceux que nous n'avons malheureusement pas pu rencontrer. Je voudrais tous les remercier.

Ce rapport est très attendu par les associations, les professionnels, mais aussi par les acteurs de terrain, les communes et les collectivités territoriales. Ces dernières sont parfois confrontées à la disparition de la prévention spécialisée sur leur territoire. Elles essaient alors de combler ce vide sur les territoires désertés – involontairement – par les associations.

Lors de nos auditions, nous avons constaté la grande diversité des associations. Il y en a de toutes petites, mais aussi de gigantesques, comme à Marseille où plusieurs associations se sont regroupées, ce qui assure d'ailleurs une certaine complémentarité. Cela étant, où commence la prévention spécialisée ? Où commence la prévention de la délinquance ? Où commence la prévention de la radicalisation ? C'est un vrai sujet.

Je ne vous cacherai pas que je souhaite que l'on fasse bien la distinction : la prévention spécialisée, dans ma conception, doit rester dans la protection de l'enfance et ne pas se trouver mélangée aux actions autres qui ont été imposées par les évènements. Ce sont des choses complètement différentes, même si certaines associations se sont investies dans la lutte contre la délinquance ou contre la radicalisation – « à côté » de la prévention spécialisée.

Il faut faire prévaloir cette idée sur tout le territoire. En effet, les politiques de lutte contre la délinquance et la radicalisation sont en train de « vampiriser » les moyens de la prévention spécialisée. Un redéploiement des moyens a lieu au détriment de la prévention spécialisée.

Je précise – pour rejoindre la question de Mme Orliac – que la prévention spécialisée évite des dépenses et des dégâts qui pourraient être importants. C'est pour cela que je la distingue des deux autres types de prévention.

Mme Orliac parlait de l'expérience de la Belgique : nous avons été frappés par les caractéristiques de l'action menée à Molenbeek. D'ailleurs, l'idée nous était venue de nous rendre dans cette ville parce que j'avais entendu parler du travail associatif qui y était réalisé – en matière de prévention d'une manière générale, et de prévention de la radicalisation en particulier.

On compte 1 500 associations à Molenbeek. Elles sont portées par un budget colossal venant de la commune – qui est le partenaire privilégié sur toutes ces questions.

L'association que nous avons visitée, « Le Foyer », s'apparente aux centres sociaux que l'on trouve chez nous dans de nombreux territoires, avec une offre très diversifiée et des intervenants de très haute qualité. Le jour de notre visite, on nous a présenté une action de décryptage de l'information et de l'image, menée en direction des jeunes, avec les enfants et leurs parents, et dirigée par une anthropologue. Je ne sais pas si, sur vos territoires, des anthropologues interviennent dans les centres sociaux… C'est vous dire tout l'intérêt et toute l'importance qui est donnée à ce travail de prévention dans sa globalité.

Monsieur Lurton, vous avez soulevé un problème important, en rapport avec la loi NOTRe et la métropolisation. Je partage vos inquiétudes, dans la mesure où la prévention spécialisée risque d'être détachée de la protection de l'enfance. C'est un sujet qu'il faudra suivre. On devra éclaircir les objectifs à poursuivre et les moyens qu'on voudra se donner pour les atteindre. Non pas que je sois contre les métropoles… Mais on a besoin d'une orientation claire. D'où les propositions que nous avons faites.

M. Sebaoun s'est interrogé sur le partage de l'information. Il est exact qu'à une certaine époque, les acteurs de la prévention spécialisée étaient très jaloux des informations qu'ils détenaient. Pour les communes, qui souhaitaient mener une action de protection de l'enfance efficace, cela posait problème. Celles-ci se sont parfois trouvées en opposition avec les acteurs de la prévention spécialisée qui ne voulaient pas dévoiler, qui les noms, qui les familles…

Malgré tout, une réflexion a été conduite sur le travail de la prévention spécialisée. Et ses acteurs sont prêts à travailler, parce qu'il en va de la protection de notre jeunesse. Ils ont analysé leurs pratiques. Nous avons d'ailleurs rencontré aujourd'hui des associations de prévention spécialisée très ouvertes et prêtes à évoluer.

Concernant l'extrémisme religieux, il faut retenir que la particularité de l'action de prévention spécialisée peut amener les éducateurs à être en contact avec des jeunes dont le comportement est susceptible d'alerter. D'ailleurs, à Molenbeek, c'est le cas. Sans faire de la prévention spécialisée la lutte contre la radicalisation par excellence, les éducateurs, et les personnes que reçoivent ces éducateurs, peuvent être aussi des acteurs de la lutte contre les extrémismes. L'un n'exclut pas l'autre.

Je suis d'accord avec Mme Levy qui pense que le travail doit être poursuivi et qu'il faut aller plus loin. C'est en tout cas le voeu de cette mission, lequel semble partagé par un certain nombre d'entre nous.

Oui, monsieur Cavard, la formation des éducateurs est nécessaire. Malheureusement, elle est limitée par les moyens dont disposent les associations. Mais soyons honnêtes. Si ce sont des associations qui les portent aujourd'hui, c'est parce que l'on y trouve un intérêt. Les associations coûtent moins cher qu'un service porté, par exemple, par les départements. On se doit donc de reconnaître le travail des associations et leur donner les moyens de le remplir dans les meilleures conditions – formation continue, mais aussi rémunération des éducateurs, dont le travail doit également être reconnu.

Madame Le Houérou, vous avez évoqué la relation que nous souhaitons établir entre éducation nationale, prévention, protection de l'enfance, et cohésion sociale. Il y a entre elles une grande complémentarité.

Vous avez également évoqué les associations « militantes ». Effectivement, on parle beaucoup des moyens qui sont mis à la disposition des associations pour payer le service, et notamment les salaires des éducateurs. Mais je voudrais m'arrêter sur le travail qui est réalisé par de nombreux bénévoles, qu'on ne reconnaît pas – ou en tout cas que l'on n'évalue pas. On doit leur rendre hommage pour ce qu'ils font sur les territoires, avec beaucoup d'abnégation et de compétence.

Notre collègue Véronique Massoneau est intervenue à propos de l'évolution récente de la prévention spécialisée et des dispositions réglementaires qui la régissent. La prévention spécialisée doit relever de la protection de l'enfance, même si des passerelles peuvent exister vers la cohésion sociale ou la lutte contre les dérives sectaires ou religieuses. La prévention spécialisée permet de prévenir la délinquance. Un lien existe forcément, et je crois que ce n'est pas contradictoire.

Monsieur Delatte, la prévention spécialisée a toute sa place dans les CLSPD, comme dans les réseaux qui peuvent être tissés sur les territoires, avec les agglomérations et, demain peut-être, avec la métropole. Et effectivement, cela peut venir en complément de l'action menée par le département.

Je terminerai sur la question de notre président Jean-Patrick Gille concernant l'orientation des politiques « jeunesse ». La prévention spécialisée n'est pas explicitement mentionnée dans le décret portant création du COPJ. Cependant on peut penser, au vu de l'investissement consenti par le ministère de la ville sur la prévention spécialisée, que les éducateurs de rue ne seront pas oubliés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion