Intervention de Arnaud Viala

Réunion du 25 janvier 2017 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Viala :

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui vise à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer. Je tiens à vous remercier, cher collègue Chassaigne, de mettre en évidence les difficultés énormes – à la fois économiques, sociales et sociétales – que rencontrent les agriculteurs retraités.

Dans leur immense majorité, ils perçoivent entre 700 et 800 euros de pension de retraite mensuelle. À la fin d'une vie de labeur, souvent longue et dure, ils ne s'en sortent que parce qu'ils sont logés dans leur maison familiale et qu'ils peuvent compter sur la production de leur potager et de leur poulailler. Ne parlons pas de leur capacité à financer une place en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) lorsque cela devient nécessaire. On comprend aisément qu'avec des revenus aussi bas, ce financement pose souvent un problème insurmontable. Cela est inadmissible et ne pourra pas être passé sous silence aux cours des débats liés aux échéances électorales qui nous attendent en 2017.

Votre texte propose de porter de 75 % à 85 % du SMIC, le niveau minimum de pension pour les agriculteurs retraités. Afin de financer cette hausse, vous envisagez de taxer les banques et les industries liées aux secteurs agricole et agroalimentaire. Si j'ai bien compris, vous souhaitez apporter une modification au texte initial sur ce point.

Comment ne pas partager l'objectif du rapporteur et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ? En tant qu'élu de terrain dans une circonscription rurale, je peux témoigner devant vous de la détresse dans laquelle se trouvent de nombreux agriculteurs retraités. Ils ne peuvent pas vivre décemment une fois retraités parce qu'ils perçoivent des pensions faibles alors qu'ils ont travaillé durant toute leur vie avec acharnement. À cette souffrance économique s'ajoute une souffrance sociale car ces faibles revenus engendrent un isolement et la privation d'activités que pratiquent les retraités ordinaires. Cette situation est d'autant plus indigne que les agriculteurs font vivre la « ferme France » et participent à la richesse de notre territoire. Les petites pensions de retraite, agricoles ou non, représentent un défi d'envergure auquel nous devons répondre, quelle que soit notre famille politique.

En 2012, le président Hollande s'était engagé à revaloriser les pensions de retraite agricoles. Or les quelques améliorations apportées ne sont pas conformes aux annonces initiales : il était question de faire appel à la solidarité nationale alors que la loi de finances pour 2017 prévoit de prélever des cotisations nouvelles sur le régime agricole lui-même. En outre, les mesures adoptées ne seront effectives que dans les prochains mois. C'est dire si la déception est grande parmi les retraités concernés.

Je souhaite à présent émettre des réserves quant au mode de financement de la mesure proposée. Vous indiquez que le surcoût représenté par le passage de 75 % à 85 % du SMIC s'élèverait à 266 millions d'euros en 2018, pour un nombre supplémentaire de bénéficiaires de l'ordre de 85 000. La MSA ne pourra prendre en charge ce surcoût ; le régime de retraite de base et le RCO ont déjà des difficultés à atteindre l'équilibre. L'article 2 de la proposition de loi prévoit donc d'assujettir les sociétés financières et non financières du secteur agricole, c'est-à-dire la grande distribution, les banques et les assurances, à une contribution financière dont le taux serait fixé par décret. Je crains que ces sociétés ne reportent la charge de cette contribution sur leurs clients, c'est-à-dire sur le consommateur. Dans le but de donner du pouvoir d'achat à certains, on en ferait donc perdre à d'autres. C'est pourquoi le vote au sein de notre groupe sera individuel et de sagesse.

Il nous semble que le meilleur moyen d'assurer aux retraités agricoles une pension décente est de leur permettre de gagner décemment leur vie quand ils sont en activité, afin que leurs cotisations puissent être plus importantes et leurs retraites, par voie de conséquence, revalorisées.

Il y a un très vaste débat à ouvrir sur la rémunération de l'acte de production agricole, sur les normes et les contraintes réglementaires qui pèsent sur l'activité agricole française et la rendent moins compétitive que celle de nos voisins européens, sur la question de la transmission – transmettre une ferme, c'est transmettre un patrimoine souvent familial, or cela engendre de nombreuses difficultés en l'état actuel du droit –, sur la place centrale de l'agriculture dans le monde rural, ainsi que sur les dispositions européennes censées accompagner le devenir de notre production agricole.

Malheureusement, avec la crise traversée par les agriculteurs depuis plusieurs années, leurs revenus sont en berne, ce qui laisse augurer des pensions de retraite bien maigres. Il est impératif et urgent de restaurer la compétitivité de nos exploitations agricoles afin que leur activité se développe et puisse se transmettre, et que les revenus des agriculteurs augmentent, leur permettant d'assurer leur avenir une fois à la retraite.

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