Intervention de Thierry Chopin

Réunion du 14 décembre 2016 à 8h30
Commission des affaires européennes

Thierry Chopin, directeur des études de la Fondation Robert Schuman :

Selon les enquêtes d'opinion post-Brexit, comme celle de la fondation Bertelsmann, le sentiment de confiance et d'adhésion à l'égard de l'Union européenne s'est accru dans les six grands pays membres, sauf l'Espagne. L'étude ne porte pas sur l'Autriche mais ce qui m'a beaucoup frappé dans la campagne autrichienne, c'est que le président nouvellement élu a tiré les leçons du référendum britannique en soulignant que, si son adversaire était élu, il organiserait un référendum sur la sortie de l'Autriche de l'Union européenne. Cela a pu jouer. L'effet de mémoire politique a sans doute aussi joué un rôle de verrou, encore aujourd'hui, mais l'Europe a été utilisée dans cette campagne, intelligemment et avec succès.

Je suis d'accord que l'Allemagne reste en partie dans une logique de rédemption, mais cela a évolué. Elle est encore dans cette logique sur certains sujets, comme la crise des réfugiés : l'attitude d'Angela Merkel ne s'explique pas uniquement par des raisons liées à la démographie de l'Allemagne mais aussi par des raisons liées à son histoire. De même, le mot « guerre » reste banni du débat public en Allemagne. Cette logique de rédemption a également produit des effets au plan budgétaire : si l'Allemagne est depuis toujours un contributeur net au budget européen, et même un colosse budgétaire, c'est sans doute en partie en raison d'une logique de rachat, au double sens financier et éthique du terme. Mais au plan économique et financier, je pense que l'Allemagne n'est plus dans cette logique.

Le rejet de l'establishment comporte au moins trois éléments importants : une demande de renouvellement, une demande d'efficacité dans les réponses apportées aux attentes des citoyens et une demande d'exemplarité. Un des ressorts de la montée du populisme réside dans les affaires de corruption, les scandales financiers et fiscaux qui émaillent la chronique de nos démocraties nationales depuis un certain nombre d'années. Si l'on parvenait à lutter contre la corruption et à répondre à cette demande de respect de l'État de droit, le problème serait en partie résolu.

Il existe des populismes de droite, des populismes de gauche, ainsi que des populismes qui empruntent aux deux camps. Le Mouvement 5 étoiles emprunte à différentes logiques. Sur certains sujets il est plutôt à gauche, sur d'autres plutôt à droite.

Certains pays, monsieur Schneider, ont fait leur marché dans le projet européen, en effet. Ils n'ont pas pris le menu, préférant la carte, dans une pure logique d'optimisation, pour reprendre le terme que nous avons employé tout à l'heure. Le Royaume-Uni et les pays du nord de l'Europe se singularisent par cette logique et ce n'est pas un hasard car cela dessine une certaine vision de la construction européenne, une vision de « l'Europe marché ». La construction européenne est dans une ambivalence entre deux conceptions : d'un côté, un marché qui aurait vocation à être élargi et, de l'autre, une vision plus ambitieuse politiquement, portée traditionnellement par la France, d'union politique. Cette dernière notion est restée un slogan un peu vague ; je pense que ce que nous avons dit au sujet du régalien est de nature à pouvoir lui donner un contenu. Le résultat du référendum britannique peut être une opportunité de trancher ce conflit de vocations.

L'un des éléments qui doit permettre de combattre les populismes, c'est de porter un message politique clair sur ce qui fonde l'Europe et sa légitimité. Il faut demander aux citoyens : « Voulez-vous le repli national ? Avec quelles conséquences ? » Le repli national permet-il de répondre à la crise des migrants ? Le repli national permet-il de lutter efficacement contre la menace terroriste ? Nos défis de sécurité sont des intérêts communs qui correspondent aussi à la défense de valeurs communes : n'avons-nous pas à défendre un modèle de société ? Souhaitons-nous le statu quo, dont nous voyons bien qu'il conduit aujourd'hui sur une pente déclinante, ou bien envisageons-nous de nouvelles coopérations – et avec qui ? – visant à partager l'exercice de certaines missions de type régalien sur des sujets d'intérêt commun ?

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