Intervention de Bruno David

Réunion du 7 décembre 2016 à 10h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Bruno David, président du Muséum national d'histoire naturelle :

Le Muséum est effectivement directement concerné par les questions de biodiversité discutées en ce moment à la conférence de Cancún.

Avant d'être président du Muséum, je suis un scientifique qui a une formation de paléontologue, et j'ai beaucoup travaillé sur les crises anciennes qui ont affecté la biosphère au cours des 500 millions d'années passées. Contrairement à ce qu'on raconte quelquefois en montrant une image de dinosaures qui voient une météorite traverser le ciel, celles-ci n'ont jamais été des hécatombes : elles ont plutôt été des périodes d'absence, des moments où il n'y avait plus de vie ou beaucoup moins de vie sur la Terre. Ces périodes correspondent à une diminution de ce qu'on appelle le succès reproducteur des espèces, c'est-à-dire à une baisse progressive du nombre d'individus présents d'une génération à l'autre. À l'échelle des temps géologiques, l'évolution peut être très rapide : les espèces s'effacent de la planète. Les bancs géologiques datant des époques où ces crises se sont produites sont vides, dépourvus de fossiles.

Que se passe-t-il aujourd'hui ? En trente ans, 420 millions d'oiseaux ont disparu de nos campagnes et de nos villes. Ce qui a disparu, ce sont non pas des espèces – il y a toujours des moineaux, des rouges-gorges, des pinsons et des mésanges –, mais des individus. Nous vivons le même genre de scénario que lors des grandes crises qui ont affecté la biodiversité dans le passé, et cela m'inquiète. Selon un rapport récent du World Wild Fund, 50 % des individus de l'ordre des vertébrés ont disparu au cours des quarante-deux dernières années. Si la conférence de Cancún doit prendre en compte et transmettre un message scientifique essentiel, c'est, de mon point de vue, celui-là : nous assistons à une érosion de la diversité très insidieuse, à savoir la disparition non pas d'espèces mais d'individus, qui affaiblit les populations. Je souhaiterais que l'on diffuse ce message le plus largement possible aux citoyens, ce que j'essaie de faire pour ma part au travers de conférences et d'un ouvrage que j'ai écrit. Il est triste, certes, que l'ours blanc disparaisse, mais cela ne constitue pas un bouleversement. En revanche, le fait que 25 % des oiseaux aient disparu au cours des trente dernières années est, selon moi, très inquiétant.

S'agissant de l'APA, le Muséum a effectivement 70 millions de spécimens dans ses collections. Nous avions demandé à ce que la « profondeur historique » de la période pendant laquelle devaient s'appliquer les règles en matière d'APA soit la plus réduite possible, car cela pose des problèmes insurmontables pour la gestion de ces collections. Il s'agit, je le rappelle, d'un patrimoine national, dont le Muséum est le garant et le gestionnaire, mais en aucun cas le propriétaire. Sinon, vous pensez bien que je vendrais nos pépites d'or de 2 kilogrammes pour procurer des ressources à l'établissement ! (Sourires.)

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