Intervention de Sergio Coronado

Réunion du 6 décembre 2016 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

La possibilité pour le Parlement de contrôler l'application de l'état d'urgence démontre, à travers votre rapport, tout son intérêt, puisque le travail que vous avez accompli avec M. Poisson fait apparaître l'impasse dans laquelle nous nous trouvons.

Lors de la première évaluation, Jean-Jacques Urvoas, alors président de notre commission, avait déclaré qu'il avait été facile d'entrer dans l'état d'urgence mais qu'il serait beaucoup plus difficile d'en sortir. Je crains, malheureusement, qu'il n'ait eu raison.

La gravité de l'attaque que nous avons subie et l'horreur qu'elle a suscitée nous ont conduits à légiférer sous l'empire de l'émotion – et les législations d'exception sont souvent adoptées dans de tels contextes –, mais nous nous trouvons aujourd'hui face à un casse-tête politique et juridique.

Nul ne conteste l'efficacité réelle de l'état d'urgence dans les jours qui ont suivi sa proclamation, l'effet de surprise et la brutalité de sa mise en oeuvre ayant été pour beaucoup dans cette efficacité. Mais nous nous éloignons aujourd'hui, alors que plus d'une année est révolue, de la volonté originelle du législateur, celui de 1955, qui s'est prononcé en faveur d'un état d'exception limité dans le temps.

Dans ces conditions, les propositions que vous faites témoignent sans doute de votre bonne volonté, mais elles ressemblent à un voeu pieux. D'abord parce que la plupart des dispositions mises en oeuvre ont déjà été intégrées au droit commun ; ensuite parce que vos efforts pour limiter la portée de cet état d'exception montrent que vous le jugez à la fois dangereux et non pertinent – et l'on peut en effet s'interroger sur la pertinence, contre la nouvelle forme de menace à laquelle nous sommes confrontés, d'un dispositif pensé au moment de la guerre d'Algérie.

Vous proposez enfin de conférer un caractère organique à la loi d'application de l'état d'urgence, ce qui exige une révision constitutionnelle. Or vous connaissez comme moi les conditions de cette révision, à savoir une majorité qualifiée. Il me paraît donc hautement improbable que ces propositions, pourtant sages, soient adoptées avant la fin de la législature.

On ne peut que saluer la lucidité de celles et ceux qui, depuis l'origine, nous ont présenté des rapports d'une grande qualité. Je ne peux m'empêcher de constater qu'émerge un sentiment d'impuissance face à un dispositif qui nous échappe et dont ne savons aujourd'hui ni empêcher la dérive ni limiter les abus.

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