Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du 8 décembre 2016 à 9h30
Prise en charge de l'autisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, mes chers collègues, la proposition de résolution dont nous avons à débattre ce matin nous invite à nous interroger sur la prise en charge du spectre autistique, conformément aux recommandations de la Haute Autorité de santé.

Il s’agit d’un sujet complexe, car il finit toujours par nous amener à réfléchir à des situations dans lesquelles sont entrelacés, par d’insoupçonnables attachements et affections, des sentiments d’amour, de peine et de désespoir.

Je pense bien évidemment, et avant tout, aux parents, aux mamans et aux papas qui font preuve d’une incroyable abnégation et d’un dévouement absolu à l’égard de leurs enfants autistes. Il est difficile d’appréhender parfaitement leur quotidien, souvent fait de moments difficiles à vivre, notamment lorsqu’ils doivent faire face au mutisme ou à l’indifférence de leur enfant.

S’ils se trouvent bien trop souvent démunis, à court de solutions et de réponses, ils ne manquent jamais de courage. J’ai une pensée sincère à leur égard.

Ce qui ne rend pas notre tâche facile, c’est qu’il n’existe pas un autisme, mais des autismes, pas un enfant, mais des enfants, qui sont tous des individus à part entière au coeur desquels, malheureusement, le spectre autistique s’exprime de mille façons.

Si la communauté scientifique est divisée sur la prise en charge de l’autisme, elle est unanime à reconnaître qu’il n’existe aucune solution unique pour le traiter et le prendre en charge.

Mais ce n’est pas parce que ce sujet est difficile que nous ne devons pas le traiter. Et la seule façon d’y parvenir, c’est de le faire dans la dignité. Dignité des parents, tout d’abord : il est nécessaire, évidemment, que les professionnels de santé et de soins respectent leurs choix, les écoutent et les guident objectivement au quotidien.

Toute culpabilisation, toute intimidation à leur égard – réactions qui avaient encore cours il n’y a pas si longtemps que cela – n’ont pas leur place dans le processus. Au contraire, la place des parents est au coeur des processus psychiatriques et médicaux, car ce sont eux qui restent, chaque jour comme chaque nuit, aux côtés de leurs enfants et qui calment leurs pulsions comme leurs crises de colère et de frustration.

Cette résolution défend et protège les familles : cela me paraît essentiel et permettra une meilleure protection comme une meilleure inclusion des enfants.

Dignité pour les médecins ensuite : il n’est pas question de remettre en cause ici la liberté des médecins, ni la pédopsychiatrie ou la psychanalyse. Il faut pouvoir faire la distinction entre la science médicale et ses praticiens.

Nos pédopsychiatres et nos psychanalystes sont appelés aux avant-postes de la prévention pour trouver des solutions aux difficultés auxquelles certains de nos concitoyens en très grande précarité sont exposés. Ils réalisent auprès de nos enfants autistes, pour lesquels il est ardu de percevoir toutes les nuances, un travail difficile.

Je pense à cette phrase qu’une maman d’un enfant autiste a écrite dans un livre de témoignages : « Chaque fois que je rencontre un enfant autiste qui a fait des progrès, je sais que quelqu’un s’est battu avec hargne pour lui. »

Nos médecins, nos scientifiques et nos chercheurs se battent avec hargne : oui, il faut le reconnaître. Leur rôle est inestimable, pour les parents comme pour les enfants.

Enfin, et surtout, dignité pour l’enfant. Elle doit primer. Certes, ces enfants atteints du trouble autistique semblent ailleurs, perdus dans leurs pensées, comme s’ils venaient d’une autre planète. Mais ils sont bien de notre monde et, comme chaque enfant et comme chaque individu dans notre pays, ils ont des droits.

Ils ont besoin d’une attention toute particulière afin de faciliter leur acceptation, leur intégration et leur inclusion dans notre monde. Cette attention et les soins qui l’accompagnent doivent respecter leurs choix, ainsi que leur intégrité physique et mentale.

Parce que chaque enfant atteint de troubles autistiques est unique – on mesure, là aussi, la dure tâche du personnel de santé et éducatif –, il faut respecter sa personnalité et l’expression de son autisme, comme sa capacité d’adaptation et sa vitesse de progression.

Oui, il existe des cas extrêmement graves. Alors que faire ? Persévérer ! Étudier, développer des théories scientifiques, laisser la psychiatrie et la psychanalyse libres de travailler, tout en respectant un cadre protecteur pour l’enfant comme pour les familles.

La dignité, mes chers collègues, commande également de suivre les recommandations de la Haute Autorité de santé en matière de soins. Je pense notamment à celles portant sur les troubles du sommeil, sur la structuration matérielle de l’environnement, sur les réponses à l’hyperactivité, sur le comportement alimentaire ainsi que sur la prescription de psychotropes.

Je pense également à ses recommandations en matière d’éducation : elles visent à intégrer les enfants concernés en milieu scolaire ordinaire, grâce aux personnels enseignants ainsi qu’aux auxiliaires de vie formés à cette prise en charge. Malheureusement, nous en manquons cruellement.

Et quand l’intégration en milieu scolaire ordinaire ne s’avère pas possible, il faut pouvoir les accueillir dans des établissements spécialisés adaptés à leur handicap.

Dans ceux-ci également, nous manquons cruellement de places : cette situation condamne les enfants à régresser alors que nous devons donner à chacun d’entre eux la chance de progresser.

De ce fait, les familles se trouvent souvent obligées de reprendre l’enfant à domicile, avec toutes les conséquences que cela entraîne sur la vie de famille. Parfois, l’un des membres du couple se voit contraint d’arrêter de travailler.

Je tiens à rappeler que l’État a été condamné en juillet 2015 à verser 240 000 euros à des familles d’enfants autistes pour défaut de prise en charge adaptée. Cet exemple est flagrant : l’État de droit n’existe pas plus pour ces enfants que pour ces familles.

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