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Intervention de Joaquim Pueyo

Réunion du 30 novembre 2016 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoaquim Pueyo, co-rapporteur :

Il n'est plus possible, aujourd'hui, de distinguer entre sécurité intérieure et sécurité extérieure. C'est pourquoi, à côté des mesures que vient de vous présenter Marietta Karamanli, le Pacte européen de sécurité contient également – je cite : « des propositions concrètes devant permettre de progresser vers une Défense de l'Union européenne globale, réaliste et crédible ». Ces propositions s'articulent autour de trois axes.

Le premier axe, c'est une coopération accrue en matière de Défense. Alors que la sécurité est désormais en haut de l'agenda européen, il est pour le moins aberrant qu'il n'y ait toujours pas de Conseil des ministres de la Défense. Ceux-ci se réunissent, certes, mais sous couvert d'un Conseil des Affaires étrangères. L'une des mesures du « Pacte de sécurité européen » vise donc à renforcer la prise de décision en matière de sécurité en institutionnalisant un Conseil des ministres de la Défense.

Le Pacte européen de sécurité contient également la proposition de mettre enfin en oeuvre la Coopération structurée permanente prévue par les articles 42§6 et 46 du Traité sur l'Union européenne entre « les États membres qui remplissent des critères plus élevés de capacités militaires et qui ont souscrit des engagements plus contraignants en la matière en vue des missions les plus exigeantes ». C'est un moyen d'aller de l'avant en matière de Défense en contournant l'obstacle de l'unanimité.

Enfin, au-delà de la CSP, la France et l'Allemagne estime également nécessaire de renforcer la coopération entre les États-membres par une coordination et une transparence accrue de leurs développements capacitaires et de leurs budgets de Défense. Cette coopération pourrait être appuyée par l'Agence européenne de Défense (AED) dans le cadre d'un « Semestre européen de Défense » sur le modèle du « Semestre européen » consacré à la coordination des politiques économiques et budgétaires.

Le deuxième axe est le développement de nouvelles capacités de Défense. En effet, la sécurité de l'Union européenne implique une autonomie stratégique qui ne peut être atteinte sans capacités militaires suffisantes, en hommes, en matériels et en technologie. Par conséquent, le « Pacte de sécurité européen » propose :

– un objectif de 20 % des budgets nationaux de la Défense consacrés à l'investissement, « afin d'engager un financement adéquat dans l'avenir de notre Défense ». Cependant, il serait contreproductif que ces investissements ne soient pas coordonnés au niveau européen. D'où la proposition, déjà évoquée supra, d'un « Semestre européen de Défense ». De tels investissements sont en outre nécessaires pour maintenir une véritable capacité industrielle européenne dans le secteur de la Défense ;

– un vrai programme de recherche défense pour le prochain cadre financier pluriannuel (2021-2027). C'est le corollaire de l'effort d'investissement précité. Il doit porter sur du matériel européen de dernière génération, lequel exige un effort de recherche considérable qui n'est possible qu'au niveau européen ;

– une extension du mécanisme de financement des opérations militaires (Athéna). Celui-ci ne finance, actuellement, que les coûts communs des missions militaires, si bien que l'essentiel du coût de celles-ci repose sur les États membres contributeurs qui, dès lors, peuvent être réticents à s'engager dans de telles missions militaires ;

– le renforcement de l'Eurocorps qui pourrait ainsi appuyer l'Union européenne pour des missions de formation, de conseil stratégique et d'assistance. L'Eurocorps continuerait également à pouvoir soutenir l'OTAN si nécessaire ;

– enfin, le développement de nouvelles capacités en matière de transport stratégique (terreairmer).

Enfin, développer de nouvelles capacités doit aussi s'entendre au sens juridique du terme. En effet, aux termes de l'article 41 du Traité sur l'Union européenne, strictement interprété par le service juridique de la Commission, il est aujourd'hui légalement interdit, pour l'Union européenne, de financer des dépenses afférentes à des opérations ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense. Par conséquent, alors que plusieurs missions de formation d'armées africaines sont en cours au Sahel, en particulier au Mali (EUTM Mali), l'Union européenne n'a pu fournir aux recrues les équipements (même non-létaux) nécessaires à leur entraînement, pas plus que par la suite, elle ne pourra équiper les bataillons ainsi formés.

C'est pourquoi la France et l'Allemagne soutiennent la proposition de la Commission européenne, rendue publique le 5 juillet dernier, d'autoriser un financement plus large aux acteurs du secteur de la sécurité dans les pays partenaires, y compris les acteurs militaires dans des circonstances exceptionnelles, sans toutefois aller jusqu'à la fourniture de matériel létal.

Enfin, le troisième axe du Pacte européen de sécurité, s'agissant de la défense, comporte des propositions visant à rendre les forces plus opérationnelles. Il propose ainsi :

– de renforcer la capacité de planification stratégique et de conduite militaire de l'Union, par la création d'un quartier général permanent pour les missions et opérations militaires et civiles ;

– de créer un commandement médical européen ;

– d'améliorer la capacité de déploiement des groupements tactiques, étant précisé que ces « Battlegroups » n'ont encore jamais été déployés ;

– d'améliorer le processus de génération de forces pour les missions et opérations de l'Union européenne, laquelle amélioration reposera notamment sur une meilleure prise en charge de leur coût par le mécanisme Athéna précédemment évoqué ;

L'ensemble de ces propositions visent à renforcer l'autonomie stratégique et opérationnelle de l'Union européenne, notamment pour lui permettre d'intervenir pour « assurer la paix, la sécurité et le développement dans des zones clés, en particulier la Méditerranée, l'Afrique de l'ouest et le Sahel, la République centrafricaine et la Corne de l'Afrique, zones dans lesquelles notre sécurité commune est en jeu ». Ces zones sont pour l'essentiel des zones où l'OTAN n'intervient pas. Toutefois, le lien entre la Défense européenne et l'OTAN n'est pas oublié. Bien au contraire, la coopération UE-OTAN doit être « intensifiée, notamment dans le domaine cyber, la lutte contre les menaces hybrides, le renseignement… ».

Une première étape dans le renforcement de la Défense européenne a été franchie lors du Conseil des ministres de la Défense, réuni le 14 novembre sous couvert, comme à l'habitude, d'un Conseil des Affaires étrangères, dont les conclusions reprennent un certain nombre des propositions du Pacte européen de sécurité. Cependant, le Conseil n'a défini qu'une feuille de route qu'il appartiendra à la Haute représentante et à la Commission de mettre en oeuvre en faisant des propositions au Conseil, au sein duquel le consensus devra être atteint.

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