Intervention de Lionel Tardy

Séance en hémicycle du 29 novembre 2016 à 15h00
Sociétés mères et entreprises donneuses d'ordre — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionel Tardy :

Pour le reste, même si vous ne voulez pas l’entendre, ce texte pose de vrais problèmes de constitutionnalité qui ont, là encore, été soulevés dès le début. Je rappelle qu’en première lecture, le Sénat avait rejeté la proposition de loi sur la base d’une motion préjudicielle, ce qui n’est pas rien ! Le rapporteur avait alors évoqué pas moins de trois arguments mettant en doute la constitutionnalité du texte, portant sur le principe d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, le principe de responsabilité et le principe selon lequel « nul ne plaide par procureur », auxquels s’ajoute une possible atteinte au principe de légalité des délits et des peines.

Plus globalement, nous sommes bien loin de ce qu’est et devrait être la responsabilité sociétale des entreprises, la RSE. Cette démarche a connu un certain succès et doit être soutenue car elle s’appuie sur une action volontaire. La grosse erreur, ici, c’est que ce n’est du tout pas le cas, puisque l’ensemble de cette proposition de loi a pour objet de montrer du doigt les entreprises, sans discernement. Voilà une énième épée de Damoclès qui pèse sur les entreprises françaises. Même si cela ne concerne que les grandes entreprises, c’est tout l’écosystème qui en pâtira. Les PME françaises vont sans doute subir des clauses contractuelles plus contraignantes, par ricochet.

Il y a un léger mieux par rapport à la proposition de loi initialement déposée par le groupe écologiste, qui prévoyait rien de moins qu’une présomption de responsabilité très lourde de la société mère. Mais les propos que j’avais tenus à l’époque en matière économique sont toujours d’actualité. Le problème de fond reste le même : en légiférant dans notre coin et sans réciprocité, nous pénalisons nos propres entreprises par rapport aux autres, notamment aux autres entreprises européennes.

L’état de l’investissement des entreprises et de l’économie française ne nous permet pas ce genre d’aventure. Aucune loi votée lors du présent quinquennat n’a réussi à restaurer un climat de confiance pour les entreprises. En plein Brexit, l’attractivité de notre pays pour les entreprises est toujours en berne. Un récent classement de la Banque mondiale plaçait la France au vingt-neuvième rang des pays facilitant l’installation et la réussite des entreprises, loin derrière la Nouvelle-Zélande, Singapour, le Danemark, l’Allemagne ou le Portugal.

Ce n’est pas cette proposition de loi pleine d’incertitudes juridiques qui fera changer les choses. Elle risque au contraire de décourager les grands groupes d’investir sur notre territoire. Le signal envoyé est décidément mauvais. Au lieu d’imposer de nouvelles contraintes à l’encontre des entreprises françaises, pourquoi ne pas s’en tenir à la directive de 2014 ?

Il fut un temps où le Premier ministre – futur ex-Premier ministre – déclarait dans toutes les langues qu’il aimait l’entreprise. Peut-être faudrait-il éviter les déclarations d’amour en contradiction avec les actes et raisonner sans idéologie et dans un cadre européen.

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