Intervention de Dominique Baert

Réunion du 8 novembre 2016 à 16h15
Commission élargie : finances - affaires économiques - développement durable - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Baert, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la politique de la ville :

Votre Rapporteur appellera à voter les crédits du programme 147 « Politique de la Ville » de la mission « Politique des territoires », car c'est un bon budget.

C'est un bon budget en lui-même : avec 416,20 millions d'euros en autorisations de programmes et en crédits de paiement, il consolide à 338 millions d'euros les crédits d'intervention territorialisés, toutes ces actions de proximité des contrats de ville, si importantes pour les élus, les acteurs sociaux et les quartiers. Pendant cette législature, malgré le défi considérable du redressement des comptes publics, la politique de la ville aura été préservée politiquement, et cela contraste favorablement avec le quinquennat précédent où les crédits ont été amputés de 250 millions d'euros !

C'est un bon budget aussi dans son environnement et ses priorités affichées.

Tout d'abord parce qu'il met l'accent sur l'emploi et la jeunesse : dispositifs pour l'emploi, 150 000 « garanties jeunes », services civiques, écoles de la deuxième chance, établissement de La Défense, Agence France Entrepreneur...

Ensuite parce qu'il est contemporain du retour de l'État à la table des financeurs de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), alors qu'à partir de 2009 l'État avait brutalement renoncé à verser des dotations, laissant Action Logement financer seule la rénovation urbaine. L'État va verser un milliard d'euros, dont 100 millions dès 2017 : c'est une excellente nouvelle.

C'est enfin un bon budget parce qu'il s'intègre dans un ensemble d'actions qui donne à la politique de la ville une masse budgétaire notable. J'ai trop souvent considéré que le ministère de la ville était un « nain budgétaire » pour ne pas me féliciter qu'aux 416 millions d'euros du programme 147 viennent s'ajouter 442 millions d'euros de dépenses fiscales, 300 millions d'euros des programmes d'investissement d'avenir (PIA), 880 millions d'euros de l'ANRU, 150 millions d'euros de dotation politique de la ville – augmentés cette année de 50 millions d'euros – et 4,6 milliards d'euros de crédits de droit commun fléchés sur la politique de la ville, comme le prévoit la loi de programmation du 21 février 2014.

L'ensemble représente un total de 6,8 milliards d'euros auxquels s'ajoutent les 100 millions d'euros annoncés pour l'ANRU, pour un total de 6,9 milliards pour la politique de la ville en 2017. À cela pourrait être ajoutée la majoration de la dotation de solidarité urbaine (DSU), soit 180 millions d'euros. Oui, avec un total de 7 milliards d'euros, c'est un bon budget pour 2017 !

La volonté politique est là, d'évidence, dans la stratégie gouvernementale. Cependant, madame et monsieur les ministres, je souhaiterais vous poser cinq questions.

Quand et comment, dans la procédure budgétaire, se concrétisera l'apport de 100 millions d'euros supplémentaires pour l'ANRU annoncés par le Président de la République ?

Peut-on envisager de réviser les critères d'attribution de la dotation politique de la ville (DPV) ? Car le critère du pourcentage de la population en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) est trop restrictif, puisqu'il ne tient compte ni de la situation financière de la commune, ni de la situation sociale réelle puisqu'il exclut les quartiers de veille.

Précisément, si la convergence des zones prioritaires – ville, éducation, sécurité – a fait des progrès, elle connaît toujours des carences imposant des correctifs. Ainsi, pour la réussite éducative en quartier de veille active, l'État a-t-il imposé un co-financement de la commune à hauteur de 50 % aujourd'hui, dégressif ensuite. Ce qui, pour une commune pauvre, reviendra à renoncer de fait à l'action pour les enfants en difficulté concernés, alors même qu'il s'agit d'une zone de sécurité prioritaire (ZSP). Peut-on éviter que l'État se désengage de ses actions territorialisées, et notamment de la réussite éducative dans les ZSP qui ne sont pas des quartiers prioritaires de la politique de la ville ?

À la fin de l'année 2015, l'ANRU 1 s'est terminé sur une « impasse » de 3,7 milliards d'euros, due à la différence entre les engagements pris et les paiements effectués. Par ailleurs, 600 millions d'euros sont annulés pour des projets qui ne se feront pas, et ce reliquat vient abonder l'ANRU 2. Mais 3,1 milliards d'euros restent à financer, dont déjà 1,03 milliard d'euros en 2016 et 800 millions d'euros en 2017 ! Or, depuis le début de l'année 2015, c'est le nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU), dit aussi « ANRU 2 », qui est engagé, avec de nouveaux quartiers, de nouveaux projets. Les élus et les habitants attendent des réalisations concrètes et rapides. Pour se réaliser l'ANRU 2 devra-t-elle attendre qu'on ait fini de payer l'ANRU 1 ?

Est-il possible de trouver les moyens d'engager concrètement l'ANRU 2, et sur quels crédits, par exemple en s'appuyant sur la Caisse des dépôts et consignation (CDC) ou sur les 100 millions d'euros annoncés par l'État pour 2017 ?

Enfin, je ne peux conclure sans répéter mon extrême préoccupation : la politique de la ville doit être souple, rapide, réactive ; or la façon dont la rénovation urbaine est conduite ne l'est pas ! La politique de la ville serait-elle en train de se technocratiser ? Deux ans après les décisions annonçant les quartiers ANRU 2, les protocoles de configuration sont à peine à la signature, il reste encore à lancer – parce que l'administration les réclame – de coûteuses et longues études, ainsi qu'à programmer des comités d'engagement, ce que veut faire le Gouvernement, à savoir changer rapidement et concrètement la vie des habitants et donner des emplois aux jeunes de nos quartiers. N'y a-t-il pas là une administration et une ingénierie chronophage digne de Courteline, allant parfois jusqu'à la caricature ? Les retards contractés constituent autant de raisons de désespérer, et sèment le doute sur la capacité de la République à agir selon votre volonté. Alors même que, par vos décisions, monsieur le ministre, vous avez fait des efforts considérables, singulièrement dans le domaine budgétaire.

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