Intervention de Emma Haziza

Réunion du 9 novembre 2016 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Emma Haziza, présidente du bureau d'études Mayane :

Il existe plusieurs bureaux d'études comme Mayane en France, mais ils sont encore trop peu nombreux. Permettez-moi de revenir sur la création de Mayane : il y a une dizaine d'années, j'ai soutenu ma thèse à l'École des mines de Paris sur l'optimisation de la gestion du risque d'inondation en France – le sujet est encore d'actualité. J'ai ensuite fait le choix de créer une structure assez novatrice pour répondre aux questions se posant sur le terrain. Je comprends donc vos interrogations ; nous travaillons au quotidien avec l'État sur ces sujets.

En dix ans, nous avons considérablement progressé. Ayant siégé au collège d'experts de la sécurité civile de l'Hérault, j'ai suivi avec le préfet de ce département toutes les situations de crise qui se sont produites au cours de la décennie. Dans les années 2000, nous ne disposions pas encore de vigilance météorologique adaptée à la population, ni même de vigilance hydrologique. Certes, les mécanismes actuels ont encore des faiblesses et doivent être améliorés, mais songez qu'auparavant, aucune information n'était communiquée à la population !

Nous devons désormais mettre en cohérence l'ensemble des outils, sachant que le système français de gestion du risque d'inondation, dont nous connaissons les faiblesses, est tout de même reconnu comme l'un des meilleurs au monde. Prenons quelques exemples. Le système de prévention APIC permet de communiquer une alerte directe et immédiate au maire en cas d'événement majeur ; or, aucun maire ou presque n'en connaît l'existence. Pour en bénéficier, les maires doivent solliciter un abonnement ; encore faudrait-il qu'ils le sachent. Il faut donc faire davantage connaître les outils existants aux acteurs auxquels ils sont destinés.

De même, le site Vigicrues ne permet pas encore de consulter l'ensemble des stations à partir d'un smartphone, bien que cela soit possible depuis un ordinateur. Ce système a été créé en 2005 ; depuis, les réseaux sociaux sont apparus, d'où un énorme décalage. Le mot-clé « inondations » donne accès sur ces réseaux à des communautés d'acteurs dont les recherches et analyses sont extrêmement pertinentes et qui peuvent fournir toutes les informations en temps réel. Ainsi, au système Vigicrues, qui répondait à un besoin, s'ajoutent désormais d'autres systèmes que je conseille aux maires d'utiliser, les sites internet en question – Twitter et Facebook – étant accessibles et gratuits et fournissant des informations simples. Avec un niveau de maillage très fin, les prévisions sont très complexes.

Pour avoir suivi minute par minute les événements qui se sont produits à Paris, j'ai constaté une évolution très variable des vitesses, le niveau pouvant monter d'un centimètre par heure puis, soudain, cinq fois plus vite pour rebasculer. Cela s'explique par la complexité considérable du système de concomitance de crues dans un bassin global. Le scénario de propagation de la crue aurait d'ailleurs pu être bien plus catastrophique encore. L'établissement public territorial de bassin Seine-Grands Lacs, qui a conduit une mission de retour d'expérience, a fait une simulation consistant à reporter les graves crues qui ont touché le Loiret – où l'autoroute a été coupée – sur le bassin de l'Yonne : l'eau y aurait atteint les hauteurs de 1910. En clair, le niveau de 1910 n'était pas loin ; une crue de cette ampleur aurait très bien pu se produire. Ce dernier événement fut une piqûre de rappel qui pourrait bien se renouveler car, historiquement, les crues de la Loire et de la Seine ont tendance à être récurrentes sur plusieurs années. En 1940, la crue de la Têt et du Tech, dans les Pyrénées-Orientales, a tant remobilisé le territoire qu'elle a empêché les Allemands d'y pénétrer.

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