Intervention de Patrice Carvalho

Séance en hémicycle du 15 novembre 2016 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2017 — Santé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Carvalho :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner deux programmes budgétaires relatifs à la mission « Santé ».

Le premier, le programme 204 relatif à la prévention, baisse de près de 13 % par rapport au dernier projet de loi de finances. Cette évolution nous interroge puisque le Gouvernement ne cesse de mettre en avant, à juste titre, l’impérieuse nécessité de faire de la prévention une priorité absolue – comme vous venez de le faire, madame la ministre.

En commission élargie, Mme Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, nous a expliqué que cette baisse de crédits n’en était pas réellement une et qu’elle n’impacterait aucune action concrète de prévention pour nos concitoyens. Il s’agirait d’une baisse apparente, qui résulterait de la mise en oeuvre de mesures de simplification budgétaires.

Mme Neuville a même annoncé que les agences régionales de santé pourront décider de mobiliser, en plus de l’enveloppe de financement qu’elles perçoivent du fonds d’intervention régional – le FIR –, des moyens supplémentaires en termes de prévention là où elles le jugent nécessaires.

Au-delà du débat autour des chiffres, cette mesure illustre, une fois encore, le pouvoir exorbitant donné aux ARS depuis leur création par la droite et sans cesse renforcé par ce gouvernement, alors que les expériences relayées par les personnels et des élus, partout sur le territoire, montrent à quel point les ARS ferment ou distribuent des crédits avant tout selon des critères d’économie comptable, sans se soucier des besoins des populations. Je doute que les ARS compenseraient éventuellement une partie des 65 milliards d’euros de crédits que ce gouvernement économise sur le budget de prévention. Le risque est donc réel que cela se traduise par moins d’actions publiques de prévention dans nos territoires, au détriment de nos concitoyens.

La baisse du budget dédié à la prévention résulte également d’économies attendues par la création de l’Agence nationale de santé publique, regroupant trois instituts de prévention. S’il ne s’agit que d’économies sur les fonctions support, elles ne sont pas en soi contestables, mais j’ai déjà exprimé mes craintes à ce sujet : l’expérience montre que les mutualisations sont pratiquement toujours le prétexte à une réduction des moyens et donc, in fine, à celle des effectifs.

À ce titre, je rappelle qu’entre 2010 et 2015, 65 postes équivalents temps plein ont déjà été supprimés dans l’ensemble de ces trois structures. Aussi, la baisse du budget consacré à la prévention me laisse-t-elle perplexe sur le maintien à terme des moyens pour cette nouvelle agence.

J’en viens au second programme, le 183, relatif à la protection maladie : contrairement au précédent, il est en augmentation de plus de 70 milliards d’euros. Cette hausse est due au renforcement à hauteur de plus de 10 % des crédits alloués à l’aide médicale d’État, dite AME.

Si je tiens à saluer le fait que ce gouvernement a résisté, pendant tout le quinquennat, aux assauts répétés de la droite pour supprimer ce dispositif, je dois dire mon regret de constater que cette augmentation s’effectue au détriment des crédits alloués au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante qui, lui, est réduit de près de 40 % ! Cela s’appelle « déshabiller Pierre pour habiller Paul » et relativise sérieusement l’ampleur du geste – même si je rejoins Mme la ministre lorsqu’elle déclare que l’AME est « une mesure humaine et éthique ».

Ce dispositif honore notre pays car les bénéficiaires, toujours plus nombreux au regard de la paupérisation galopante, sont des personnes malades et en grande précarité. J’ajoute qu’il s’agit, plus largement, de protéger l’ensemble de la population en permettant d’éviter que ne se propagent des maladies infectieuses telles que la tuberculose ou le VIH. Notre collègue, Gérard Sebaoun, a eu raison de rappeler en commission que 4 827 cas de tuberculose ont été détectés en 2014, dont la moitié en Île-de-France.

Mais si l’augmentation des moyens pour l’AME est une très bonne chose, ce dispositif est efficace grâce à la présence d’établissements de santé, notamment ceux dédiés à l’accueil de ce type de population très précaire, avec leur savoir-faire adapté à ces situations.

J’insiste sur ce point car c’est le cas de l’hôpital public de Nanterre, dont l’ARS a fermé le service de pneumologie – ainsi d’ailleurs que toute la chirurgie – alors qu’il reçoit quotidiennement près d’un millier de personnes en très grande précarité, que les autres hôpitaux du territoire refusent très souvent de prendre en charge. Il y a là une contradiction de taille, d’autant plus préoccupante qu’elle met en jeu des vies.

Finalement, cette mission « Santé » en trompe l’oeil reflète les choix politiques d’austérité de ce gouvernement, choix que nous avons encore dénoncés lors du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, quand il aurait été urgent de tout faire pour réduire la fracture sociale et répondre aux besoins de nos concitoyens.

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