Intervention de Jean-Marc Ayrault

Réunion du 7 novembre 2016 à 16h00
Commission élargie : finances - affaires étrangères - affaires culturelles - affaires économiques

Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international :

La diminution globale des crédits s'explique, enfin, par des mesures structurelles liées à la modernisation du ministère et à la rationalisation de ses outils.

D'une ampleur maîtrisée, puisqu'elles représentent 38 millions d'euros en tout, soit 1,2 % des crédits de la mission, elles sont le fruit de la politique de rationalisation des réseaux engagée depuis deux ans, avec la fin du dispositif des postes à présence diplomatique (PPD) prévue pour 2017 – nous ne lancerons pas de troisième vague de PPD –, la mise en cohérence du réseau des instituts français avec celui des Alliances françaises, et la dématérialisation de certaines activités – je pense notamment au « e-consulat ».

En termes d'emplois, après la prise en compte des créations au titre du plan de sécurité, le plafond d'emploi du ministère est quasiment stabilisé, avec une diminution de 48 équivalents temps plein (ETP). Celui de l'AEFE, opérateur le plus important en termes d'effectifs, est inchangé – le nombre total d'emplois, en comptant les emplois hors plafond, va même augmenter. Alors que Bercy nous demandait un effort supplémentaire, je me suis battu pour que nous en restions au niveau du programme triennal et j'ai obtenu satisfaction, arguant du fait qu'il n'était déjà pas si facile de fonctionner avec les effectifs actuels – je suis tout à fait d'accord avec Mme la présidente de la commission des affaires étrangères sur ce point.

Enfin, le ministère contribuera encore cette année au désendettement à partir du produit de ses cessions immobilières à l'étranger. Ces cessions, qui ont rapporté environ 470 millions d'euros depuis 2012, servent d'abord à financer la programmation immobilière du ministère, avec l'ouverture de nouveaux locaux, des regroupements immobiliers, des colocalisations avec nos partenaires européens – une dizaine ont déjà été réalisées, et trois sont en cours de réalisation à Dacca, Abuja et Assomption.

Ce dont nous n'avons pas l'usage pour notre programmation est rendu au budget de l'État : cela a représenté une somme de 225 millions d'euros depuis 2012, dont 100 millions pour la seule année 2016, et il est prévu de rendre 60 millions en 2017. Le solde disponible permettra au ministère de mener à bien sa programmation, c'est-à-dire les opérations nouvelles, et non pas l'entretien. L'entretien lourd à l'étranger ne sera pas assuré par le produit des cessions, mais à partir des crédits du programme 105 prévus à cet effet, et qui augmentent de 5 millions d'euros, ce qui représente une augmentation de 69 %.

Aujourd'hui, l'état des ressources disponibles au titre de nos cessions permet de couvrir notre programmation immobilière pour l'an prochain. Cette programmation s'inscrit dans une véritable approche pluriannuelle : j'ai en particulier demandé à 21 de nos postes, qui représentent 50 % des surfaces et 75 % de la valeur du parc à l'étranger, d'élaborer un schéma pluriannuel de stratégie immobilière sur une période de cinq à dix ans. J'ajoute que chacun de ces schémas est examiné pour avis par la Commission interministérielle sur les opérations immobilières à l'étranger (CIME).

Enfin, nous utilisions jusqu'à présent une partie de nos cessions immobilières pour financer des opérations de sécurisation – pour 10 millions d'euros en 2016. Grâce au plan de sécurité que j'ai obtenu en 2017, les crédits budgétaires du programme 105 ont été renforcés. Cela libérera à l'avenir autant de ressources sur nos cessions immobilières au profit de notre programmation hors sécurité.

François Loncle a défendu avec enthousiasme la politique d'influence de la France en matière culturelle, et je le remercie pour l'attention vigilante qu'il porte à nos moyens de rayonnement et d'influence. S'il est vrai que les crédits du programme 185 diminuent, il faut relativiser. À périmètre constant, la baisse n'est que de 0,8 % – 1,3 % si l'on raisonne hors crédits de rémunération. Je me suis attaché à ce que la baisse – c'en est une, j'en conviens – soit limitée et à ce que notre action de diplomatie culturelle et d'influence ne porte qu'une part minimale des efforts visant à la réduction du déficit public. J'en veux pour preuve que cette baisse est moindre que celle de la mission « Action extérieure de l'État » prise dans son ensemble – moins 4 % hors crédits de rémunération. Cela veut dire que les efforts d'économies qui ont été faits ont surtout porté sur le programme 105 – l'action diplomatique.

Audrey Azoulay et moi-même avons réfléchi aux moyens de mieux faire coopérer nos deux ministères pour l'influence culturelle de la France à l'étranger, notamment en recourant davantage à nos opérateurs respectifs et à tous les établissements culturels français – je pense notamment aux musées, dont l'action extérieure est très importante. J'ai également entamé un dialogue avec la ministre de l'éducation nationale, chez qui j'ai senti un enthousiasme plus modéré.

Ma priorité a été de préserver les opérateurs, acteurs indispensables de la mise en oeuvre d'une diplomatie globale. Tous opérateurs confondus, leurs moyens sont stabilisés dans le PLF 2017 ; ils augmentent même très légèrement – plus 0,5 million d'euros. C'est un paramètre important car, à eux seuls, les opérateurs représentent 72 % des crédits hors rémunération de la mission.

Pour autant, les évolutions opérateur par opérateur ont été différenciées en fonction de leur situation. La dotation de l'AEFE augmente de 1,7 million d'euros, celles d'Atout France et de Campus France sont stables ou quasi stables ; en revanche, celle de l'Institut français diminuera de 3 % l'an prochain – mais les crédits de la sécurité permettront de disposer de marges de manoeuvre supplémentaires, comme je l'ai indiqué.

Par ailleurs, le renforcement de certains moyens n'a pas attendu le PLF 2017. C'est le cas pour Atout France sur le tourisme, avec le plan de 10 millions d'euros. Cela veut dire que nous injectons dès maintenant pour Atout France l'équivalent du tiers de sa dotation annuelle. Une part très importante de ces moyens additionnels produira ses effets sur l'exercice 2017. Pour être tout à fait complet sur la situation d'Atout France, et en réponse à une question qui m'a été posée, le versement des 4,5 millions d'euros de retour sur les recettes « visas » est en cours.

Les crédits des Alliances françaises augmentent de 25,6 %, avec notamment l'injection de 2 millions d'euros pour leur sécurité. La situation n'est pas la même partout : si certains pays bénéficient de partenariats et de mécénats très dynamiques, ce n'est pas le cas pour d'autres, qui ont besoin d'une aide directe plus importante.

Avec les 4,6 millions d'euros obtenus pour leur sécurisation, nos instituts français seront soulagés des dépenses de sécurité, qu'ils autofinançaient jusqu'alors en devant puiser dans leurs fonds de roulement et donc émargeant sur leurs moyens d'intervention.

Pour ce qui est du tourisme, j'appelle votre attention sur le fait que les 10 millions d'euros que nous mettons dès aujourd'hui à disposition d'Atout France représentent le tiers de sa dotation annuelle, et quarante fois le montant de la baisse prévue dans le cadre du PLF 2017.

Pour répondre à M. Le Ray, la modernisation d'Atout France, effectivement nécessaire, est en cours, et ne saurait se résumer à modifier son appellation. Comme en témoigne son site internet, ce réseau de plus en plus connu, utilisé et apprécié, monte actuellement en puissance. C'est d'ailleurs le cas de tous les opérateurs. J'ai participé récemment à une réunion de Business France dont le chantier, lancé au début du quinquennat, n'a pas été une entreprise aisée, puisqu'il s'agissait de faire fusionner Ubifrance et l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), deux entités aux cultures très différentes, avec des personnels ayant chacun leur propre statut. Aujourd'hui, nous avons passé ce cap, et Business France fait montre d'une cohésion et d'un dynamisme rassurants. La mise en place des différents opérateurs demande du temps, mais l'enjeu mérite que nous nous mobilisions pour cela.

M. Woerth a évoqué la régulation des plateformes de location. Il serait vain de nier le développement de l'économie numérique dans le secteur du tourisme, mais j'y vois pour ma part une chance à saisir : nous devons encourager les professionnels à investir massivement dans le numérique – c'est l'un des thèmes qui seront abordés lors des Assises du tourisme qui se tiendront la semaine prochaine, avec la formation professionnelle.

Cela dit, vous avez raison de souligner qu'il faut éviter les pratiques pouvant s'assimiler à de la concurrence déloyale. À l'heure actuelle, les inégalités de traitement entre les plateformes d'hébergement et les hôteliers sont source de tensions. Après avoir reçu les professionnels, y compris ceux du numérique, j'ai pesé, avec votre appui, pour que la loi pour une République numérique renforce les conditions d'une concurrence loyale entre tous – nous travaillons maintenant à l'adoption rapide des textes d'application de la loi. Les collectivités locales, notamment les régions, doivent être étroitement associées au chantier en cours, afin de parvenir à davantage de cohérence et d'harmonie – la Caisse des dépôts et consignations (CDC) va également nous aider à progresser sur ce projet qui constitue une priorité.

Nous devons, bien évidemment, continuer à renforcer notre audiovisuel extérieur. Les crédits sont confiés au ministère de la culture, ce qui implique une dotation croissante des moyens. Nous tenons nos engagements en vue de répondre à la nouvelle stratégie de développement de France Médias Monde, validée au sein du nouveau contrat d'objectifs et de moyens : il s'agit du lancement de la chaîne France 24 en espagnol en 2017 et de sa diffusion en haute définition, du déploiement de la TNT en Afrique, et d'une stratégie du numérique impliquant une augmentation de notre participation de 23,1 millions d'euros d'ici à 2020.

Le cinéma constitue également un travail en commun avec le ministère de la culture. La Chine représente un marché considérable, compte tenu de sa population et de son nombre de salles : cela a été l'un des thèmes évoqués lors de mes rencontres bilatérales en Chine, fin octobre, lors desquelles j'ai demandé la diffusion de plus de films français en Chine – la production chinoise étant, elle, largement diffusée en France. Nous devons également encourager le tournage de films étrangers en France, qui représente un atout économique important, notamment en matière d'emploi. Dans la région des châteaux de la Loire, un travail énorme est fait en association avec les collectivités locales afin d'être en mesure de formuler des offres très attractives. Je rappelle notre soutien à Unifrance pour la promotion de notre industrie cinématographique.

Il me paraît important de préserver le statut financière des instituts français et des établissements de recherche à l'étranger, qui combinent rattachement à nos ambassades et autonomie financière. La remise en cause de cette autonomie aurait de très graves conséquences sur l'autofinancement des instituts, leur capacité à lever des cofinancements et les exonérations fiscales dont ils bénéficient de la part des États étrangers. Nous devons être très vigilants sur ce point, et j'estime pour ma part que seule une modification de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) permettra d'apporter une réponse satisfaisante et pérenne. J'insiste sur le fait qu'il s'agit d'une question politique, ayant pour enjeu la préservation de notre influence.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion