Intervention de François Loncle

Réunion du 7 novembre 2016 à 16h00
Commission élargie : finances - affaires étrangères - affaires culturelles - affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Loncle, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour le programme « Diplomatie culturelle et d'influence » :

C'est la cinquième fois que j'ai l'honneur et le plaisir de rapporter pour avis la matière passionnante de l'action culturelle extérieure de l'État, part importante de l'image de la France à l'étranger.

Je sais gré au ministre d'avoir essayé de limiter les diminutions de crédits et d'avoir obtenu des crédits nouveaux pour la sécurité. La réalité reste cependant celle d'un programme encore en baisse et d'une diplomatie culturelle affaiblie année après année. Je note un déclin constant depuis 1994 – j'étais déjà là.

Ce ne sont pas tant les diminutions prévues pour 2017 que je conteste que le niveau des crédits qui résulte de la baisse continue des moyens. Je dresse un bilan décevant de cette législature pour le programme 185.

En 2017, les crédits s'établiront hors rémunérations à 637 petits millions d'euros, soit une baisse de 1,3 %. Ils intègrent pourtant 17,1 millions d'euros de crédits nouveaux affectés à la sécurité, dont 2 millions pour les alliances françaises, 14,7 millions pour l'AEFE et 0,4 million pour Atout France. Ces crédits neutralisés, les crédits du programme, hors rémunérations, sont en baisse de 3,9 %. Je sais bien que certains besoins de sécurité auraient été financés sur fonds propres sans le plan. Mais il n'y a pas d'effet de substitution complète et de toute manière il s'agit de besoins nouveaux : La menace s'est accrue et s'est transformée.

Concernant Atout France, permettez-moi, cher Éric Woerth, de dire qu'il faut changer ce nom, Laurent Fabius m'avait promis qu'il le ferait. « Atout France », ce n'est pas formidable : cela évoque un jeu de cartes, mais ne représente rien à l'étranger. Le montant des crédits, hors subventions et hors rémunérations, à l'AEFE et à Atout France, qui n'était pas dans le programme au début de la législature, sera de 208 millions d'euros, contre 247 millions en 2012. Pendant cette période, le champ de compétence des agents de la diplomatie culturelle n'a pourtant cessé de croître : économie, attractivité, gastronomie, sport, et j'en passe…

Quelques chiffres : la subvention à l'Institut français aura baissé, depuis sa création en 2010, de 24 % et ses crédits d'intervention de 35 %. Les crédits alloués au cinéma français sont ainsi passés de 1,66 million en 2012 à 963 000 euros cette année, ceux du département de français de 3,12 à 1,9 million.

Les réformes de structures ont été massives et ont produit des résultats très positifs. Mais nous arrivons au bout. L'autofinancement est à 67 % mais avec des capacités très contrastées. Par exemple, dans les pays dits « à Alliances françaises », il n'y a pas de capacités d'autofinancement. C'est le cas de l'Irlande, où je me suis rendu cette année et où le poste dispose, pour l'ensemble du programme 185, de 176 616 euros !

Il est illusoire de penser que l'on peut désormais faire mieux avec moins et que la recherche de financements alternatifs permet encore de compenser les baisses de crédits. Mon collègue et ami Pascal Terrasse a dit ce qu'il fallait sur ce sujet.

J'ajoute que la difficulté ne réside pas seulement dans la baisse des dotations. La difficulté supplémentaire, qui ne peut être surmontée, est la ressource humaine trop limitée. Le nombre de personnes chargées de mettre en oeuvre la diplomatie culturelle et d'influence est devenu insuffisant pour assurer les missions confiées et opérer dans le même temps la recherche de financements. Le système s'autolimite.

Pourtant, dans un environnement international inquiétant, le seul effort, même s'il est évidemment bienvenu, ne peut consister à améliorer la sécurité des bâtiments et personnels du réseau diplomatique. L'action culturelle est un outil privilégié de diffusion d'une certaine conception des rapports humains. Je pense aussi aux pays européens, que l'on a trop longtemps négligés et en faveur desquels, dans ces temps de crise européenne, une inflexion stratégique s'impose. Dans un contexte où le redressement économique de la France est une priorité, la diplomatie globale repose aussi en grande partie sur le rayonnement culturel, parce que les industries culturelles et créatives produisent de la croissance et parce que l'image de la France est un immense atout pour sa présence.

J'ai adressé un courrier au Président de la République, au Premier ministre, à vous-même, monsieur le ministre, et au ministre du budget, demandant un effort pour mettre un terme à cette évolution très préjudiciable pour la France. J'y sollicite également, comme l'an passé, une meilleure participation des ministères de l'éducation nationale et de la culture, qui sont mieux lotis : le budget de la culture augmente ainsi de 5 % cette année, ce dont nous nous félicitons tous. Aucun des postes créés dans l'Éducation nationale n'a bénéficié à notre réseau d'enseignement à l'étranger, alors qu'un tiers de ses élèves sont français. Au prorata des effectifs scolarisés, nous devrions aboutir à 600 enseignants supplémentaires !

Le ministère de la culture a quant à lui désormais la cotutelle de l'Institut français, mais ne lui verse pas de subvention et finance seulement quelques projets.

On m'a fait savoir qu'il n'y aurait pas d'augmentation des crédits du programme. On m'invite seulement à déposer des amendements au budget du ministère de la culture pour lui prélever des crédits. J'évoquerai bien sûr le sujet lors de l'examen des crédits de la culture, mais, au-delà de la convocation d'une réunion interministérielle qui, je le crains, n'est pas de ma compétence, il faut une prise de conscience au plus haut niveau de l'État.

Je voterai les crédits de la mission malgré mes réserves. Je connais, monsieur le ministre, votre détermination à faire progresser l'action extérieure de la France, et vous l'avez montrée dès cet exercice budgétaire.

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