Intervention de Axelle Lemaire

Réunion du 4 novembre 2016 à 9h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires étrangères - développement durable

Axelle Lemaire, secrétaire d'état chargée du numérique :

L'économie représente l'une des grandes priorités du Gouvernement, qui s'attache, depuis 2012, à développer un environnement apte à favoriser le retour d'une croissance durable et non simplement conjoncturelle. Nous avons beaucoup fait : le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), le pacte de responsabilité, le crédit d'impôt recherche (CIR), le crédit d'impôt innovation (CII), le renforcement du dispositif des jeunes entreprises innovantes, le choc de simplification, le programme des investissements d'avenir, etc. Grâce à cette politique, la France obtient des résultats, comme la hausse du taux de marge des entreprises : 29,4 % de la valeur ajoutée en 2014, 31,3 % à la fin de l'année suivante, la progression devant atteindre 4 % cette année. Ces marges retrouvées permettent aux entreprises d'investir dans l'emploi et dans l'appareil productif.

L'investissement privé dans nos jeunes pousses – les start-up –, soutenu par Bpifrance, a doublé entre 2014 et 2015, cette dynamique se poursuivant puisque les levées de fonds ont crû de 25 % au deuxième trimestre de cette année par rapport à celui de l'année dernière.

Les crédits de la mission « Économie », que le Gouvernement a souhaité préserver, participent de cette politique volontariste. Les moyens alloués à la mission en 2017 s'inscrivent dans les grandes orientations triennales des années 2015 à 2017 et restent presque stables par rapport à ceux de cette année, en s'élevant à 1,6 milliard d'euros. Cette mission s'avère essentielle, car elle accompagne les entreprises dans nos territoires, permet la reconquête économique et industrielle, et conforte l'action des administrations qui travaillent au service des entreprises – la direction générale des entreprises (DGE), la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), Bpifrance et Business France – et qui doivent tout particulièrement contribuer au développement des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI).

La mission participe aux efforts partagés d'économies pour redresser les comptes publics, et 136 équivalents temps plein (ETP) de son champ quitteront la fonction publique en 2017. Tous les ministères doivent consentir un effort financier, et le nôtre participe pleinement à cette action collective.

Le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » constitue le coeur de cette mission. En regroupant les différents instruments de soutien aux entreprises, aux secteurs de l'industrie, du commerce, de l'artisanat, des services et du tourisme, il a pour but d'assurer une concurrence saine entre les acteurs économiques ainsi que la protection des consommateurs. Les crédits de paiement s'élèveront à un milliard d'euros en 2017, ce montant traduisant une stabilité globale par rapport à 2016.

L'une des principales évolutions dans le champ industriel concerne les électro-intensives. Le Gouvernement a mis en place cette année la compensation carbone, dispositif phare de soutien à l'industrie lourde. Portée par la DGE, elle consiste à rembourser les industriels du surcoût de l'électricité induit par le marché européen du carbone. Celui-ci conduit en effet à taxer les centrales électriques à charbon et au gaz, ce qui contribue à la réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2), mais renchérit le coût de l'électricité pour tous les consommateurs, y compris les industriels exposés à la concurrence internationale, qui se trouvent ainsi désavantagés par rapport à leurs concurrents américains ou asiatiques. Les textes européens prévoient ce mécanisme de compensation, qui corrige cette perte de compétitivité et qu'appliquent depuis longtemps certains pays, notamment l'Allemagne. Il était anormal que la France ne l'ait pas mis en place. L'augmentation du budget résulte de ce choix et de la hausse du prix du CO2 dans des proportions identiques.

Nous avons souhaité accompagner au mieux nos entreprises à l'étranger. Monsieur Gagnaire, les pôles de compétitivité visent à renforcer la compétitivité des entreprises par le biais de projets collaboratifs et innovants centrés sur la recherche et développement. Cette politique, lancée en 2012, entre dans sa troisième phase, et nous souhaitons maximiser son impact sur les marchés. La gouvernance des pôles a été redéfinie au début de cette année pour que ceux-ci soient le levier de la politique industrielle et d'innovation de l'État, les régions devant élaborer des stratégies de développement international et d'innovation. Dans la troisième phase, nous souhaitons que l'État et les régions, impliqués dans la politique des pôles, bâtissent des relations plus partenariales. Les discussions avec les régions et l'ensemble des acteurs impliqués dans les pôles industriels se poursuivent actuellement ; nous avons envisagé l'installation d'une plateforme commune entre l'État et les régions pour mettre en oeuvre une décentralisation adaptée. France Stratégie doit remettre un rapport dressant le bilan de l'activité des pôles. Ceux-ci restent à mes yeux un outil de pilotage stratégique de long terme en matière industrielle, permettant aux territoires de préserver le maximum de capacités d'innovation, en lien avec la stratégie industrielle nationale élaborée par l'État. Le projet de loi de finances prévoit de maintenir en 2017 le financement de l'animation des pôles à son niveau de 2016 ; contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur Gagnaire, cette ligne budgétaire est en hausse et non en baisse, cette option ayant été prise dans l'attente de décisions précises sur les pôles de compétitivité.

Madame Le Loch, La Poste fait face à une mutation fondamentale – vous avez employé le terme de « métamorphose » – que l'État doit accompagner, la concurrence des géants de l'internet obligeant le groupe à repenser son action. Témoignage de la tradition de dialogue au sein de l'entreprise, de nombreux accords sociaux y sont signés – onze accords nationaux et mille locaux en 2015 ; le 3 octobre dernier, un accord majoritaire sur l'insertion des jeunes et l'emploi des seniors a été paraphé. Nous recevons régulièrement le président de La Poste, M. Philippe Wahl, qui apporte une réponse adéquate à la situation sociale. Le Gouvernement avait demandé la tenue d'une négociation ouverte sur les métiers et les conditions de travail des facteurs et de leurs encadrants, qui a débuté le 26 octobre dernier ; de même, des discussions porteront sur la situation des guichetiers et des conseillers financiers. Les réorganisations locales de La Poste sont suspendues, conformément au voeu du Gouvernement, jusqu'à la fin de ces négociations. Ces dernières doivent aboutir, afin que la transformation de La Poste se poursuive dans un climat apaisé. Le Gouvernement se montre vigilant sur la situation sociale, la qualité du dialogue social et l'état économique du groupe ; il encourage fortement la direction à mener à bien ces négociations, même s'il ne peut s'immiscer dans des discussions qui relèvent des partenaires sociaux.

Nous avons fixé les nouvelles conditions applicables à la mission de service public de transport de la presse pour les années 2016 à 2018 : la tarification des suppléments sera progressivement alignée sur le droit commun, ce qui requiert des modifications du code des postes et des télécommunications électroniques pour lesquelles des travaux préparatoires ont été engagés par les ministères concernés. Afin de ne pas déstabiliser les éditeurs, l'entrée en vigueur de cette nouvelle tarification sera lissée sur quatre ans, de 2017 à 2020. La catégorisation des hebdomadaires relève de la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), et ces journaux pourront accéder aux tarifs de la presse d'information politique et générale s'ils remplissent les critères réglementaires qui ne devraient pas évoluer.

La Caisse des dépôts et consignations (CDC) a la mission de négocier des partenariats avec les grands acteurs des services publics – caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), caisse d'allocations familiales (CAF), Pôle Emploi, Gaz réseau distribution France (GRDF), etc. – pour les maisons de services au public (MSAP). Celles-ci doivent accompagner la dématérialisation des services publics et assurer la médiation numérique pour les usagers en manque de repères. Le ministre chargé de l'aménagement du territoire et le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) définissent ces partenariats ; parallèlement, nous encourageons les maisons de services au public à étoffer leur offre de services territoriaux, notamment en délivrant des documents administratifs. Le Gouvernement a lancé le projet des MSAP, aujourd'hui à ses débuts, et le soutien financier de l'État s'avère significatif, puisqu'il prend en charge, via le fonds postal nationale de péréquation territoriale, 75 % du financement de ces maisons – le dernier quart devant provenir, selon notre souhait, de conventions impliquant les grands services publics.

Les crédits du programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » connaissent une stabilisation globale ; ils financent plusieurs outils qui visent à stimuler directement l'innovation des entreprises. Le volume d'activité de Bpifrance a été multiplié par 1,7 depuis 2013 ; le soutien direct à l'innovation représente 1,3 milliard d'euros et a aidé 5 300 entreprises en 2015. Parmi l'ensemble des services offerts, les aides individuelles à l'innovation constituent un outil efficace, utile et rapide de subvention directe des entreprises. Le Gouvernement continue d'appuyer le développement des jeunes entreprises innovantes en forte croissance, grâce notamment aux bourses de la French Tech : en deux ans, Bpifrance a soutenu 1 034 projets et engagé 27 millions d'euros.

En 2012, faire d'une banque publique d'investissement un acteur majeur de l'écosystème représentait un pari qu'aucun pays au monde n'avait tenté, à l'exception d'Israël qui a développé un système de financement mixte, public et privé, de l'innovation. Le pari est aujourd'hui réussi, au point que certains s'interrogent sur le poids excessif de Bpifrance dans l'écosystème d'innovation, préoccupation que nous ne partageons pas.

Monsieur Gagnaire, les trois composantes de l'activité d'innovation de Bpifrance sont les aides individuelles à l'innovation, inscrites au programme 192, les dispositifs de soutien aux programmes collaboratifs de recherche et développement, portés notamment par les pôles de compétitivité, et les prêts.

La dotation budgétaire du programme 192 baisse depuis plusieurs années, mais on a compensé cette diminution par l'optimisation des dispositifs et par la mobilisation des fonds disponibles du programme d'investissements d'avenir (PIA), qui ont permis de maintenir le volume global d'intervention. Le troisième volet du PIA prévoit d'allouer 550 millions d'euros au soutien à l'innovation collaborative, 500 millions à l'accompagnement et à la transformation des filières, 350 millions aux industries du futur et 100 millions au concours d'innovation, sans compter les fonds propres qui permettent d'investir dans des projets particulièrement innovants. En fin de compte, l'activité d'innovation de Bpifrance en 2017 sera financée par une dotation de 160 millions d'euros, équivalant au montant des crédits budgétaires pour 2015 ; le Gouvernement souhaiterait que Bpifrance accentue son engagement dans les financements des entreprises à très forte croissance et que le capital privé se développe. La tendance est positive, de plus en plus d'investisseurs étrangers s'intéressant à l'écosystème d'innovation. Bpifrance aurait intérêt à concentrer son action sur les PME industrielles innovantes pour accompagner la transition numérique des entreprises traditionnelles.

Madame Erhel, s'agissant du programme 343 « Plan France très haut débit », le Gouvernement a pris des mesures à la fin de l'année 2015, à la demande du président de la République et du Premier ministre, pour accélérer le traitement des dossiers d'instruction présentés par les collectivités locales ; elles se sont traduites par des embauches au sein de l'Agence du numérique et de la DGE, qui ont permis de doubler le nombre des instructions de projet. 12,5 milliards d'euros sont désormais mobilisés pour apporter l'internet à très haut débit aux territoires ruraux. Le plan « France très haut débit » n'a pas d'équivalent en Europe et rendra notre pays très compétitif en 2021. L'objectif d'apporter le très haut débit à la moitié de la population devait être atteint à la fin de l'année 2017, mais il le sera dès la fin de cette année. L'augmentation du budget s'explique par l'accélération du déploiement du très haut débit, par le soutien aux collectivités et par l'insertion d'un nouveau programme qui concerne la couverture mobile dans les communes et les territoires enclavés ; dans ce cadre, le nouvel outil France Mobile devrait assurer la couverture de 1 300 nouveaux sites d'ici à 2020.

Le législateur a confié de nouvelles missions à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) sur la tarification des réseaux d'initiative publique (RIP), la neutralité de l'internet et l'ouverture des données de couverture mobile des opérateurs ; l'année prochaine, l'Autorité prendra la présidence de l'organe des régulateurs européens, ce qui lui conférera une position stratégique. Nous avons maintenu les moyens humains de l'ARCEP et accru son budget de fonctionnement, répondant ainsi à une demande récurrence de cette structure. En 2017, les crédits dévolus à l'ARCEP augmenteront de 29 % et atteindront 7,5 millions d'euros, permettant ainsi à l'Autorité de se doter de nouvelles expertises. Il convient de saluer le lancement, par l'Autorité, de la revue stratégique, qui vise à concentrer les moyens sur les missions les plus utiles et dans de nouveaux domaines comme l'internet des objets. En contrepartie de la progression du budget de fonctionnement, le Gouvernement entend que l'ARCEP se montre irréprochable dans son coeur de métier, qui consiste à veiller au bon fonctionnement du secteur des télécommunications et à prévenir les abus.

Madame Erhel, SFR est un acteur très important du secteur, qui a fusionné avec Numericable en 2014. Le Gouvernement avait obtenu des engagements sur le maintien de l'emploi, l'investissement dans les réseaux, la politique d'achat et le traitement réservé aux sous-traitants. Ces engagements doivent être respectés, et nous avons demandé à M. Patrick Drahi de rendre des comptes. Michel Sapin, Christophe Sirugue et moi-même le recevrons de nouveau la semaine prochaine, et nos équipes se sont entretenues avec l'ensemble des syndicats de SFR. Il est temps pour les dirigeants de l'entreprise de dresser un bilan. Conformément aux engagements pris, il n'y a pas eu de plan de départs chez SFR depuis la fusion. En revanche, à partir de la mi-2017, les effectifs seront réduits de plus de 14 000 à 10 000 salariés d'ici à 2019 avec un plan de départs volontaires, qui devra respecter totalement le droit du travail. Les dirigeants sont responsables devant leurs salariés.

Il serait malvenu que l'État remette en cause un accord majoritaire signé par les partenaires sociaux, qui traduit le souhait de nombreux collaborateurs de quitter l'entreprise ; pour autant, le Gouvernement partage vos légitimes préoccupations. Comment un opérateur aussi important entend-il assurer un service de qualité à ses clients, investir pour développer un réseau – comme il s'y est engagé – et continuer à innover, tout en supprimant plus d'un quart de ses effectifs ? SFR a perdu un million de clients en un an, preuve de la baisse de la qualité du service.

On peut regretter que, contrairement à ce qui avait été fait avec Nokia, les engagements pris par SFR au moment du rachat de Numericable n'aient pas explicitement prévu de méthode de suivi de leur mise en oeuvre ; une telle formalisation n'a pas davantage été élaborée entre septembre 2014 et septembre 2016.

Les investissements nécessaires à la couverture numérique des territoires accusent un retard important, et nous serons intransigeants pour faire respecter les engagements pris. Pour preuve, le préfet de la région Hauts-de-France a notifié un constat de carence sur ce sujet. SFR n'est pas un marchand de tapis, mais un opérateur régulé tenu à des obligations d'étendue et de qualité de couverture, énoncées par des textes législatifs et réglementaires. L'ARCEP est très mobilisée et n'a pas hésité à sanctionner SFR pour son retard dans la couverture mobile. La loi a renforcé les moyens d'enquête des agents de l'ARCEP, en augmentant sa faculté à faire procéder à des vérifications de couverture et en l'autorisant à mettre en demeure à titre préventif les opérateurs. Lorsque M. Michel Combes, président-directeur général de SFR Group, explique que le Gouvernement dirige et administre l'économie, je lui réponds que SFR remplit un rôle d'intérêt général en fournissant son service à des millions de clients, dont des entreprises. Le Gouvernement doute de la capacité de cet opérateur à assumer ses responsabilités.

S'agissant du programme 220 « Statistiques et études économiques », et plus particulièrement de l'INSEE, monsieur Giraud, le projet de loi de finances qui vous est soumis garantit – grâce à votre intervention – la compensation intégrale des pertes de ressources propres liées à la mise en oeuvre du principe de gratuité des données publiques, inscrit dans la loi pour une République numérique : en 2017, 11 millions d'euros viendront abonder les ressources de l'INSEE, qui aura ainsi les moyens d'assurer les missions qui lui sont confiées.

Des inquiétudes se sont fait jour sur le niveau des ressources de 2016, certains pouvant être tentés de ne pas acheter en 2016 des données qui deviendront gratuites en 2017. Il apparaît que ces tentations demeurent marginales, et le niveau des recettes pour le mois de novembre est conforme aux prévisions établies en début d'année.

Vous évoquez le déménagement à Montrouge et vous m'alertez sur les besoins en crédits de paiement. Je peux vous garantir que ces besoins seront traités en cours de gestion 2017, en fonction de l'avancement du projet.

En ce qui concerne le centre statistique de Metz et les postes aujourd'hui inoccupés, nous recherchons activement des administrations susceptibles de rejoindre ce bâtiment. Nous devrions être en mesure d'aboutir rapidement.

Enfin, pour ce qui est du projet relatif aux données de caisse, une réunion de concertation associant l'ensemble des enseignes de la grande distribution a été organisée à la fin du mois de juin 2016. Elle a permis d'examiner les difficultés potentielles rencontrées dans la transmission des données. Nous ne devrions pas rencontrer d'obstacles majeurs ; des échanges se poursuivent avec quatre enseignes, deux qui n'étaient pas présentes à cette réunion, deux sur des questions techniques de transmission.

L'INSEE doit devenir un acteur majeur de l'écosystème d'innovation qui se construit autour de la disponibilité des données. L'État sera au rendez-vous pour accompagner cette évolution et faire de l'INSEE un leader de l'économie de la data.

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