Intervention de Corinne Erhel

Réunion du 4 novembre 2016 à 9h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - affaires étrangères - développement durable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCorinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, pour les communications électroniques et l'économie numérique :

Mesdames les secrétaires d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'analyse des crédits dédiés aux communications électroniques pour l'année 2017 appellent plusieurs commentaires positifs. Avec 407,5 millions d'euros au lieu de 150, le programme 343 « Plan France très haut débit » est mieux pourvu que prévu, ce qui témoigne de l'accélération du déploiement de la fibre en France, notamment grâce aux réseaux d'initiative publique. On ne peut que s'en réjouir.

En ce qui concerne le programme 134, au sein duquel sont notamment logés les crédits dévolus à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et à l'Agence nationale des fréquences (ANFR), saluons l'augmentation – enfin ! – du budget de l'ARCEP, après plusieurs années d'économies, une augmentation bienvenue, alors que de nouvelles missions lui sont périodiquement assignées par le législateur. L'ANFR, recevant pour sa part une subvention de fonctionnement stable, pourra continuer à accompagner la transition vers la télévision numérique terrestre (TNT) pour tous dans de bonnes conditions financières grâce à une dotation issue des recettes de la bande des 700 mégahertz, qui ne devraient pas baisser cette année.

Soyons cependant vigilants sur un point : j'ai été surprise de constater que l'ARCEP subissait des mesures de régulation budgétaire - de gel des crédits – en plus des efforts déjà décidés par le Parlement. Cela rend la gestion de la fin de l'exercice budgétaire particulièrement délicate pour l'Autorité. Je constate ainsi que les efforts fournis depuis plusieurs années par l'ARCEP ne suffisent pas à la protéger de nouvelles coupes qui la placent dans une situation financière inextricable. Si le Gouvernement a effectivement un rôle de mise en oeuvre de la loi de finances, il est moins évident qu'il doive intervenir pour réguler l'exécution du budget des autorités administratives indépendantes, qui n'ont en principe à répondre que devant le Parlement. J'aimerais connaître vos observations sur ce point sensible.

J'émets un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux communications électroniques et au numérique pour 2017.

J'ai choisi de consacrer la partie thématique de mon rapport à l'analyse de la situation du groupe SFR, acteur majeur du secteur des télécommunications, groupe dont vous savez qu'il prévoit de supprimer 5 000 de ses 15 000 emplois. J'ai donc auditionné les représentants du personnel et la direction du groupe, à deux reprises, ainsi qu'un représentant du ministère. La perspective de telles suppressions d'emplois, portant d'une ampleur inédite, n'a rencontré qu'un très faible écho ce qui a également motivé ma démarche.

Le groupe SFR est en fait le fruit de la fusion, en 2014, de SFR et Numericable, désormais regroupés dans le groupe Altice dont le propriétaire est M. Patrick Drahi. Sous la forme d'une lettre, ce dernier avait, au mois d'avril 2014, pris plusieurs engagements envers le Gouvernement et la commission des affaires économiques, dont celui de s'abstenir pour une période de trente-six mois, soit jusqu'au 30 juin 2017, de supprimer des emplois dans le périmètre du nouveau groupe.

Cependant, le projet d'une restructuration de grande ampleur est déjà enclenché pour mettre en place une vision industrielle autour de la convergence des réseaux et des contenus. Le 20 juin dernier, M. Drahi déclarait publiquement que le groupe était en sureffectifs, en raison, selon lui, de cet engagement de maintien de l'emploi. Par la suite, la restructuration annoncée a été soigneusement préparée par la direction de SFR Télécom : un accord de méthode majoritaire a été signé avec l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) et avec la Confédération française démocratique du travail (CFDT) : le principe d'un plan de départs volontaires et d'une externalisation des centres d'appel dans une filiale d'Altice, Intelcia, a été décidé. Ce plan et cette externalisation devraient intervenir après l'extinction de l'engagement pris devant le Gouvernement, soit en juillet 2017.

Pour la direction du groupe, une rationalisation est nécessaire au retour de la compétitivité. Elle s'impose pour faire face à la concurrence d'opérateurs qui se sont déjà restructurés ou qu'une croissance forte dispensait de se restructurer. Par exemple, selon ses dirigeants, SFR doit encore fonctionner avec plus de dix systèmes d'information, tandis que les fonctions support – notamment au sein de la direction financière – comptent plus de salariés que chez les opérateurs concurrents. Pour la direction de SFR, ce fonctionnement en silo n'est pas compatible avec un contexte concurrentiel. Cependant, ces faits étaient forcément connus en 2014, lors de la fusion ; la restructuration était donc prévisible et pouvait être anticipée. Les conditions de sa mise en oeuvre laissent planer le risque qu'un malaise social grandissant ne s'empare des salariés.

En outre, le détail des emplois concernés par le plan de départs volontaires est flou. On sait seulement qu'il se fera dans des conditions, dit-on, très favorables. Cette absence de visibilité est de nature à susciter l'inquiétude des salariés. Qui sera concerné par le plan ? Qui aura le droit de partir ? La cohésion sociale interne du groupe est en jeu. Malgré mon insistance, je n'ai pas pu obtenir les réponses que je réclamais quant aux fonctions précises du groupe qui seront effectivement concernées.

La situation interne du groupe n'est pas ma seule préoccupation. C'est également la vigilance et l'anticipation dont l'État devait faire preuve dès 2014 que j'interroge aujourd'hui. Le Gouvernement a bien fait d'exiger des engagements de la part du groupe Altice, mais il faut aller jusqu'au bout de la démarche. Une méthodologie d'évaluation et de suivi de ces engagements et des outils de contrôle ont-ils été mis en place ? Il s'agissait de ne pas s'en tenir à une simple lettre. Et comment analysez-vous cette « externalisation en interne » qui consiste à transférer les centres d'appels – 1 000 emplois concernés ! – hors de SFR mais toujours dans Altice, par le truchement d'une filiale, Intelcia, qui a des implantations extra-européennes ? Quels moyens le Gouvernement a-t-il mis en oeuvre pour suivre de près la situation du groupe SFR ? L'enjeu va au-delà de la situation du groupe. Comme c'est un acteur important de la filière qui est concerné, un acteur majeur des télécommunications, c'est tout un tissu de sous-traitants et de nombreux clients, particuliers ou professionnels, qui peuvent être affectés. Il faut une visibilité.

Quelle est donc votre analyse ? Quelles actions envisagez-vous ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion