Intervention de Christian Eckert

Réunion du 3 novembre 2016 à 9h30
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles - défense nationale

Christian Eckert, secrétaire d'état chargé du budget et des comptes publics :

Voulez-vous, monsieur Larrivé, que je vous fasse le coup du canard à chaque amendement redéposé huit fois – en loi de finances, en loi de finances rectificative, en première lecture, en deuxième lecture, chaque année ? Je vous ferai désormais la même réponse dans l'hémicycle lorsqu'on reviendra sur le taux de TVA applicable au bois de chauffage ou sur d'autres amendements qui, régulièrement repoussés par le Parlement, sont ensuite régulièrement représentés, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Sur chaque texte financier, un millier d'amendements sont déposés, et la plupart d'entre eux sont des « marronniers ». Je me souviendrai donc de votre intervention, monsieur Larrivé. Vous ne participez pas tellement à ces débats budgétaires, ce dont je ne vous fais pas le reproche : chacun s'investit dans les domaines qui sont les siens, je le sais en tant qu'ancien parlementaire. Mais venez donc un jour sur l'allée des marronniers que nous traversons à chaque débat budgétaire, plusieurs fois par an…

D'autre part, je n'ai pas plus que Bernard Cazeneuve l'habitude de ne pas assumer les propositions que nous faisons : elles sont formulées par le Gouvernement et non par l'administration. Nous sommes à peu près assurés de ne pas faire un triomphe avec une telle proposition. Si nous vous la soumettons, c'est que je suis constamment relancé par des parlementaires et, plus largement, par des usagers qui nous demandent de mettre en oeuvre, au sein de l'administration, des moyens modernes de fonctionnement – pour le paiement des amendes, pour la déclaration et le paiement des impôts, etc. Nous nous félicitons généralement de pouvoir proposer à nos concitoyens des moyens de communication dématérialisés, d'emploi facile et rapide, accessibles de chez soi, pour la délivrance de documents et la consultation de certaines informations.

Je comprends tous les arguments qui ont été développés, mais on peut se demander s'il est très bon, pour le bilan carbone, de couper des arbres pour faire du papier, puis d'enfouir le papier, comme on l'a proposé. Pascal Popelin suggère une solution de compromis, sur laquelle on pourra réfléchir. Quoi qu'il en soit, le débat aura lieu dans l'hémicycle. Toutes les positions sont respectables et le Gouvernement en tirera les conséquences.

Notre objectif n'est pas seulement de faire des économies. Les entreprises, les citoyens ont le droit d'exiger de l'État qu'il permette d'effectuer certaines démarches sur internet. Mais lorsque c'est l'État qui tente de modifier les procédures, que n'entend-on pas ? Rappelez-vous le débat qui s'est développé autour de l'obligation de télédéclarer ses impôts – qui n'est pas très contraignante.

Monsieur Marleix, j'ai en effet souri quand vous avez comparé la RGPP à certaines des réformes structurelles que nous avons engagées, notamment celle qui concerne les préfectures, le PPNG. En 2011, François Cornut-Gentille – qui, je crois, n'est pas un extrémiste de gauche et qui, à l'époque, ne combattait pas le gouvernement – et moi-même avons produit un rapport parlementaire sur la RGPP : nous y montrions qu'elle avait eu le tort de ne pas faire ce que vous avez prétendu qu'elle a fait, c'est-à-dire de ne pas avoir préalablement clarifié les missions de l'État pour en tirer les conséquences en termes d'investissements, de personnels, et pour développer certains outils. Un fonctionnaire sur deux partant en retraite n'était pas remplacé, quelle que soit sa mission, sa fonction, l'endroit où il travaillait. Et, comme la plupart des économies réalisées ont été recyclées dans des mesures catégorielles, le gain a été quasi nul. Je vous renvoie à ce rapport, qui nous a demandé beaucoup de travail et qui se fondait sur d'innombrables auditions.

Monsieur Marleix, notre stratégie est complètement différente. Reste que je n'ai pas très bien compris votre message. Regrettez-vous que le PPNG aille trop vite et qu'il supprime trop d'emplois ? Ou regrettez-vous qu'il aille trop lentement ? Je crois savoir que certains veulent « économiser » 300 000 fonctionnaires, voire davantage. De votre côté, vous avez pointé le fait que 813 emplois ont été supprimés de telle année à telle année. Était-ce un reproche ? Souhaitez-vous qu'il y en ait davantage ?

En 2014, quand je suis arrivé à Bercy, la première conférence budgétaire que j'ai organisée l'a été avec Bernard Cazeneuve. Il venait de quitter le bureau que j'occupais alors, pour se retrouver au ministère de l'intérieur. Nous avons débattu du sujet suivant : à quel rythme peut-on réduire les effectifs, notamment dans le cadre des missions des préfectures, telles qu'elles ont été décrites ? Nous nous sommes un peu chamaillés. Bernard Cazeneuve défendait les crédits dont il estimait avoir besoin pour mettre en place des plateformes pour la délivrance des titres, ainsi que des pôles spécialisés, par exemple, dans le contrôle de légalité ou les affaires complexes, et pour faire du dialogue social avec les personnels. Aussi n'avons-nous pas suivi la trajectoire de réduction des effectifs que nous avions prévue dans notre loi de programmation des finances publiques. Au ministère de l'intérieur, il y eut à cela deux raisons : la première est liée aux efforts que nous avons dû faire pour assurer la sécurité des Français et lutter contre le terrorisme ; la seconde est liée à l'argumentation du ministre. Bernard Cazeneuve estimait que c'était incompatible avec la situation sociale des personnels, et avec la démarche constructive qu'il entendait engager afin de garantir, dans la durée, une meilleure efficacité.

Monsieur Marleix, votre propos me semble caricatural, plutôt erroné et en pleine contradiction avec la démarche qui a été suivie. Quelques ministères ont réduit les effectifs sans engager de réforme structurelle ; je n'en citerai aucun, mais les résultats ont pu être décevants. Ce ne fut pas le cas du ministère de l'intérieur, et il faut reconnaître que la mise en oeuvre des réformes qu'il a engagées a de quoi rassurer.

Madame Dalloz, vous êtes revenue sur les conséquences de la réforme territoriale issue de la loi NOTRe et sur les économies qu'avait annoncées un secrétaire d'État de l'époque, André Vallini. Les choses mettent du temps à s'organiser dans les nouvelles régions, aussi bien au niveau des conseils régionaux que de l'administration. Il se trouve que, sur deux points au moins, j'avais travaillé avec les nouveaux préfets – à l'époque préfets préfigurateurs. Notre analyse était plutôt de nature budgétaire. Selon nous, les implantations des nouvelles directions régionales étaient liées non seulement à des questions d'organisation, mais aussi à des questions d'ordre immobilier. Lorsqu'un site se prêtait à accueillir une direction régionale, il y avait lieu d'en tenir compte. L'inverse était tout aussi important : parfois, il pouvait être impossible d'accueillir, en tout cas à moindres frais, certains services dans certaines villes, futures ou anciennes capitales régionales. Certes, l'immobilier de l'État se modernise et sa gestion s'améliore. Mais nous devons reconnaître que, depuis quelques décennies, elle n'a pas toujours été exemplaire, du point de vue strictement financier comme du point de vue de l'entretien des bâtiments.

Vous avez également soulevé la question des achats. Il est vrai que le service des achats de l'État obtient aujourd'hui des résultats assez impressionnants – renégociation des baux de location, passation de marchés en commun par plusieurs ministères, au niveau national comme au niveau régional.

En conclusion, il me paraît aujourd'hui prématuré de chiffrer les économies liées à la loi NOTRe ou à tout autre texte concernant les administrations territoriales. Certaines économies apparaîtront au cours du temps, qui ne sont pas forcément perceptibles dans l'instant.

Dominique Baert a évoqué la question de la délivrance des titres sécurisés, notamment la prise en compte d'éventuels changements d'adresse sur les cartes nationales d'identité. Je transmettrai votre point de vue à Bernard Cazeneuve. Peut-être pourra-t-on réfléchir à la question, qui relève, selon moi, plutôt du domaine réglementaire.

Marc Dolez a lui aussi parlé du PPNG. S'agissant des personnels, il n'y a eu aucune mobilité contrainte. La rotation des effectifs a eu lieu à l'issue d'une grande concertation : 4 000 agents travaillaient sur les titres concernés par ce plan ; à compter de 2017, 1 500 vont intégrer les CERT ; 200 vont gérer des missions de proximité ; 1 000 seront effectivement redéployés ; et 1 300 contribueront à la réduction des schémas d'emplois de 2017 et de 2018. Avec les 1 000 emplois qui seront redéployés dans d'autres fonctions sur l'ensemble du territoire national, on devrait pouvoir absorber ces évolutions en évitant toute mobilité contrainte.

S'agissant des formations, j'ai déjà donné quelques précisions : 2 300 agents sont déjà entrés en formation ; 1 000 agents de catégorie A et 900 agents de catégorie B le feront d'ici à 2020, tout en réalisant le schéma d'emplois. Cela permettra le repyramidage des services, et l'on ouvrira des places aux concours pour assurer les évolutions de carrière. Je pense que, là aussi, les choses seront gérées avec souplesse.

Monsieur Marleix, vous avez parlé des délais d'instruction des ICPE, qui ont en effet tendance à s'allonger. Cela s'explique par la place que l'on accorde à la consultation du public. On nous reproche parfois la brutalité des décisions concernant les ICPE. Mais, aujourd'hui, le Gouvernement entend développer la concertation et la consultation citoyenne.

Dans le même temps, je le rappelle, d'autres délais ont été réduits. En effet, certaines procédures ont été regroupées dans un système d'autorisations unique. Il n'en reste pas moins que les différentes formes d'appel ou de procédures contradictoires allongent les délais à l'excès.

Madame Louwagie, les maires qui vont délivrer les cartes nationales d'identité s'inquiètent du calendrier et du nombre de dispositifs de recueils biométriques dont ils seront équipés, ainsi que de l'indemnisation dont ils bénéficieront. En accord avec l'Association des maires de France, présidée par M. Baroin, le Gouvernement a accepté de satisfaire les demandes portant sur le nombre des dispositifs de recueils biométriques, et un accord a été trouvé sur la question de l'indemnisation. Malgré tout, le Gouvernement s'en tient au calendrier prévu qui, d'ailleurs, conditionne la mise en oeuvre de l'ensemble du programme PPNG auquel les agents de l'État sont formés individuellement.

Des questions ont été posées sur la réforme des arrondissements et le nombre de sous-préfectures. J'aimerais que M. Marleix nous dise combien de sous-préfectures il souhaite supprimer, tout en accordant davantage de pouvoirs aux préfets et aux sous-préfets. Nous devons tous nous engager à être plus clairs : on ne peut pas nous reprocher de supprimer trop de postes de fonctionnaires, tout en annonçant qu'on a l'intention d'en supprimer 300 000 !

Le président Carrez a remarqué que, pour chaque mission du budget, les demandes de crédits supplémentaires se multiplient, notamment du côté droit de l'hémicycle. Quand j'entends que certains veulent faire 100 ou 150 milliards d'euros d'économies, j'ai du mal à ne pas sourire. Il y a des cohérences qui m'échappent…

La mise en cohérence des limites des arrondissements dans soixante-douze départements, avec les nouvelles limites des établissements publics de coopération intercommunale, se fera par arrêté des préfets de région. C'est une procédure simple et qui pourra aboutir dans des délais plutôt rapides.

J'ai répondu tout à l'heure sur les 8 millions de la dématérialisation. Mais chacun a compris que l'article 52 avait une durée de vie limitée…

La question de la création des fichiers a été évoquée hier par le ministre de l'intérieur, à l'occasion d'une question d'actualité. Je pense que tout a été dit et qu'il n'est pas utile de vous relire le contenu de la réponse de Bernard Cazeneuve. Là aussi, la schizophrénie nous menace : les uns disent que l'on en fait trop en matière de surveillance et de sécurité, et les autres, qui sont parfois les mêmes, que l'on n'en fait pas assez. La CNIL est là, qui surveille. J'observe que cette question se pose dans d'autres domaines, dans d'autres ministères, sur l'utilisation des fichiers, des numéros d'identification personnalisée, s'agissant notamment des impôts.

Monsieur Popelin, vous m'avez interrogé sur le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, qui a été transféré au ministère de l'intérieur. Ce ne sont pas forcément des crédits nouveaux, mais des crédits majorés : 17,4 millions d'euros sont consacrés aux actions en faveur des jeunes – actions de prévention de la récidive, insertion professionnelle – ; 9,6 millions d'euros sont consacrés à la prévention des violences faites aux femmes, des violences intrafamiliales et à l'aide aux victimes ; 16,2 millions sont consacrés aux actions visant à améliorer la tranquillité publique, à soutenir l'ingénierie de projets et aux autres actions de prévention de la délinquance – dont la vidéoprotection.

Quelles sont les méthodes utilisées pour retenir les dossiers ? Vous avez évoqué deux dossiers en souffrance – s'il n'y en avait que deux dans ce pays, cela se saurait… Mais le ministre de l'intérieur vous répondra directement sur la façon dont son ministère travaille pour classer les dossiers qui lui sont présentés selon un ordre de priorité.

Le plan de lutte antiterroriste bénéficiera quant à lui de 15,1 millions d'euros, notamment pour l'équipement des polices municipales avec les gilets pare-balles et les terminaux radio portatifs, et de 22 millions d'euros – il n'y avait d'ailleurs rien en 2016 – pour le GIP « Réinsertion et citoyenneté » qui doit assurer le pilotage des nouveaux centres de déradicalisation.

Enfin, M. Tardy m'avait interrogé sur la Commission nationale de contrôle des comptes de campagne. La réponse, que je n'ai pas, lui sera transmise.

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