Intervention de Michel Zumkeller

Réunion du 3 novembre 2016 à 9h30
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles - défense nationale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Zumkeller, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les programmes « Administration territoriale de l'état » et « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » :

En tant que rapporteur pour avis des programmes « Administration territoriale » et « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », je me suis particulièrement penché cette année sur les dépenses de contentieux du ministère de l'intérieur,qui ont récemment fait l'objet de travaux d'évaluation par l'inspection générale de l'administration (IGA), puis d'un plan d'action validé par le secrétariat général du ministère.

Très diverses, les dépenses de contentieux peuvent résulter d'une condamnation juridictionnelle, d'un règlement négocié à l'amiable ou de frais d'honoraires d'avocats, d'experts et d'auxiliaires de justice sollicités pour assister l'État dans le cadre d'un contentieux opposant ce dernier à un tiers. Ces dépenses, lorsqu'elles relèvent du ministère de l'intérieur, sont portées par l'action « Affaires juridiques et contentieuses » du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ». Cinq types de litigessont plus particulièrement concernés : refus de concours de la force publique ; contentieux des étrangers ; protection fonctionnelle des fonctionnaires ; dépenses d'indemnisation liées aux accidents de la circulation ; indemnisations liées aux attroupements.

En dépit d'une volonté d'« amélioration de la prévision et du pilotage des dépenses de contentieux », selon les termes du projet annuel de performance, la tradition de sous-budgétisation des crédits destinés à couvrir le coût du contentieux ne semble pas se démentir : pour 2017, 55 millions d'eurossont prévus à ce titre sur l'action « Affaires juridiques et contentieuses », à comparer aux 63,3 millions d'euros votés en loi de finances, au titre de 2015, pour des dépenses effectives de 97,9 millions d'euros.

Cela m'amène à une première série de questions, monsieur le secrétaire d'État.

Quelles sont les perspectives de dépenses effectives pour 2016 et 2017 ? Comment remédier à cette sous-budgétisation ? Cette situation n'est-elle pas génératrice de dépenses supplémentaires, notamment avec la revalorisation des taux d'intérêt ?

Faut-il envisager un rebasage des crédits de contentieux ? L'inspection générale de l'administration l'avait expressément écarté dans son rapport de 2013, mais il semble que le responsable du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » le demande chaque année lors des travaux de construction du projet de loi de finances.

Notre pays a connu au second semestre 2015 et durant le premier semestre de l'année 2016 beaucoup de débordements violents : manifestations d'agriculteurs, manifestations liées au barrage de Sivens ou à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes qui ont entraîné de nombreux dégâts, manifestations contre le projet de la loi « travail »… À rebours de ces événements, les indemnisations liées aux attroupements sont stables, avec une dotation de 1,25 million d'euros, pour un tendanciel évalué à 2 millions. Comment expliquer que les indemnisations soient demeurées si faibles en dépit des dégâts que chacun a en mémoire ? Y a-t-il eu un durcissement dans les conditions d'engagement de la responsabilité sans faute de l'État ? Comment sont indemnisés les commerçants ou les professionnels dont l'activité a été paralysée, ou les installations dégradées ?

J'en viens aux réformes récemment mises en oeuvre. Au terme de trois années, les effets du plan d'action, élaboré en 2014 par la direction des libertés publiques et des affairesjuridiques(DLPAJ) du ministère, sur la base des recommandations de la mission de l'IGA, n'ont pas permis de compenser complètement l'insuffisance budgétaire en matière de dépenses de contentieux. Grâce à ces efforts, il a toutefois été possible de diminuer significativement le socle des dépenses récurrentes. Une expérimentation a ainsi été conduite dans deux zones de défense, Lyon et Bordeaux, afin de supprimer le recours systématique aux avocats dans le cas d'outrages simples des agents de la police nationale. Faut-il envisager une généralisation de cette mesure à l'ensemble des secrétariats généraux de l'administration de l'intérieur ?

En matière de contentieux des étrangers, les actions conduites sous l'impulsion de la DLPAJ sont essentiellement à visée préventive. Elles consistent à sécuriser les actes juridiques et à augmenter le taux d'affaires gagnées par les préfectures devant les juridictions, grâce à la mise en ligne d'une veille jurisprudentielle ou à des formations.

Où en est-on de la réorganisation, qui avait été annoncée lors des débats sur le projet de loi relatif au droit des étrangers en France, pour permettre la professionnalisation des agents et la mutualisation des ressources existantes ? Ne peut-on envisager un recours accru aux réservistes en vue d'améliorer la défense de l'État, pour un moindre coût ?

Dans le cadre du plan « préfectures nouvelle génération » ont été créés des pôles d'appui juridique, pilotés et animés par la DLPAJ, qui, à terme, doivent permettre des économies en prévenant le contentieux et en assurant une défense contentieuse optimisée. Ces pôles d'appui interviendront pour le compte de l'ensemble des préfectures souhaitant faire appel à leurs services, en conseil juridique comme en contentieux. Les deux premiers pôles d'appui seront mis en place cet automne à Dijon et à Orléans.

Quel est le calendrier de déploiement prévu pour les prochains pôles d'appui juridique ? La DLPAJ va mettre à disposition de ces pôles, des bibliothèques de paragraphes argumentés pour la défense contentieuse, voire des mémoires types, dès lors quele thème s'y prête, comme elle le pratique déjà, pour l'ensemble des préfectures, en matière de contentieux des étrangers.

Au-delà de ces évolutions bienvenues, ne faudrait-il pas mettre en oeuvre une politique systématique d'appel et de cassation afin de prévenir le développement des contentieux les plus coûteux ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion