Intervention de Michel Terrot

Réunion du 2 novembre 2016 à 9h00
Commission élargie : finances - affaires étrangères - lois constitutionnelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Terrot :

Regardez les données, madame la présidente, la véritable rupture intervient en 2012.

En tout cas, mes chiffres sont exacts : depuis 2012, le recul est supérieur à 20 %, soit plus de 600 millions d'euros. L'aide publique au développement est le budget qui a subi la plus forte baisse, après celui des anciens combattants. Pire, c'est le programme 209, qui concerne l'aide bilatérale aux pays les plus pauvres, pour la plupart francophones, qui absorbe la grande majorité des coupes : sur le quinquennat, il aura perdu 500 millions d'euros.

Après avoir été longtemps deuxième donateur, au milieu des années 1990, la France se place aujourd'hui derrière les États-Unis, le Royaume Uni, l'Allemagne et, depuis 2015, le Japon. Cette cinquième position n'est pas conforme au rang et aux traditions de notre pays en matière d'aide internationale. Les engagements pris par les autorités françaises, au G8 de 2005, de consacrer 0,7 % du revenu national brut en 2015 n'ont pas été tenus, et nous nous en sommes même fortement éloignés au cours de ce quinquennat.

Sur un autre sujet, je constate que, depuis de longues années, un nombre croissant de commissaires aux affaires étrangères demandent un rééquilibrage entre le multilatéral et le bilatéral au bénéfice de ce dernier. Ces parlementaires demandent avec la même insistance qu'au sein du bilatéral, la part du don ou de la subvention soit sensiblement augmentée par rapport à celle du prêt. Pourtant, depuis 2012, la part du don n'a cessé de décroître, à tel point qu'elle n'est devenue que résiduelle et qu'elle ne permet pas de venir en aide aux pays les plus pauvres qui en ont le plus besoin

S'agissant des financements innovants, une guerre de tranchées a opposé le Gouvernement et une partie de sa majorité. La taxe sur les transactions financières a fait l'objet de plusieurs amendements votés en première partie de la loi de finances. Cette question difficile est abordée de deux façons différentes : il y a ceux qui pensent que le moment était mal choisi en raison de la concurrence de Paris avec d'autres places financières à la suite du Brexit britannique, et il y a ceux qui considèrent que cet apport de financement nouveau est indispensable pour redonner un peu de consistance à l'aide bilatérale que la France doit mettre en place, notamment pour aider les pays africains avec lesquels elle entretient depuis longtemps des relations si particulières. En tout cas, si, comme je l'espère – et comme le ministre ne l'a pas dit en réponse à une question de M. Mancel –, ces recettes additionnelles survivent à la navette parlementaire, si elles constituent véritablement un surplus et ne viennent pas se substituer à d'autres, il sera bon de les affecter.

Il ne serait pas inutile de réfléchir aux propositions présentées le 19 octobre dernier, à la commission des affaires étrangères, par M. Serge Michailof, l'un des meilleurs spécialistes de l'aide au développement. Il suggère d'affecter les montants ainsi dégagés à un fonds fiduciaire ou à une facilité, pour reprendre une terminologie admise, à charge pour le Gouvernement d'intervenir auprès des bailleurs multilatéraux afin d'abonder fortement cette mise de départ. Ce n'est que de cette façon que nous pourrons disposer de ressources significatives pour conduire une vraie politique de développement, notamment au Sahel qui en a particulièrement besoin.

Le groupe Les Républicains votera contre ce projet de budget.

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