Intervention de Jean-Claude Guibal

Réunion du 2 novembre 2016 à 9h00
Commission élargie : finances - affaires étrangères - lois constitutionnelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Guibal, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères :

Le budget de l'aide au développement de la France a souffert, depuis 2013, d'une diminution régulière de ses crédits, qui n'a pris fin que grâce aux amendements adoptés lors de la discussion budgétaire de l'année dernière. Le projet de loi de finances que nous examinons aujourd'hui représente certes une amélioration par rapport à celui présenté l'année dernière, mais celle-ci demeure insuffisante pour que je donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

L'augmentation d'environ 5 % des crédits de la mission « Aide publique au développement » reste limitée et maintient le niveau de notre aide à près de 20 % en dessous de son niveau de 2012 – à moins que le parlement ne vienne une nouvelle fois rétablir la situation, comme il l'avait fait l'an dernier. Cette augmentation est surtout constituée d'efforts ponctuels et limités, comme celle d'environ 38 millions d'euros de l'aide bilatérale sous forme de dons, qui demeure insuffisante au regard des besoins actuels, ou encore l'aide de 50 millions d'euros accordée pour la deuxième année aux réfugiés de la zone syrienne, conformément aux engagements pris par la France.

L'économie générale du budget de l'aide au développement demeure cependant la même.

De fait, le budget qui nous est présenté n'indique aucune inversion du glissement de notre aide au développement du bilatéral vers le multilatéral, dont la part est passée de 35 % à 43 % entre 2012 et 2015. Il ne s'agit pas de remettre en cause l'utilité de l'aide multilatérale ni des efforts que fait la France pour préserver son influence auprès des principaux bailleurs, mais l'augmentation de la part du multilatéral a induit une dispersion de nos efforts vers des objectifs que nous ne maîtrisons pas suffisamment. Ainsi, les objectifs de développement durable adoptés l'année dernière reflètent certes les finalités de l'aide publique au développement pour 2030, mais ils ne peuvent constituer la seule définition de l'aide au développement de la France, qui doit aujourd'hui répondre à des urgences.

L'augmentation des crédits est bien sûr souhaitable, mais elle ne peut se résumer à une politique du chiffre visant à atteindre un jour le fameux objectif des 0,7 % du revenu national brut (RNB), un objectif certes louable, mais qui nous conduit à faire valider par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) un ensemble disparate de dépenses, dont la mission « Aide publique au développement » ne représente, du reste, qu'environ 30 %, plutôt qu'à nous doter des moyens adaptés à nos objectifs.

L'aide publique au développement ne peut être séparée de nos objectifs de politique étrangère, dont elle est une composante. Stabiliser les pays de la zone sahélienne, consolider les appareils administratifs et sécuritaires des États de la région, soutenir l'emploi et l'agriculture familiale dans les régions dont la croissance démographique est la plus forte et soutenir l'éducation dans ces pays, telles doivent être nos priorités. Notre politique étrangère comme notre politique de défense ont besoin de l'aide publique au développement : une intervention militaire ne suffit pas à elle seule à stabiliser un pays.

Quelle est la part de notre politique aujourd'hui consacrée à la stabilisation des pays du Sahel ? Avons-nous une stratégie d'aide au développement visant spécifiquement à la stabilisation de cette région ?

Par ailleurs, quel sort le Gouvernement entend-il donner au projet de création d'une facilité de lutte contre les vulnérabilités et de réponse aux crises proposé par l'AFD ? Est-il prévu de lui affecter un budget supérieur aux 100 millions d'euros qui seraient envisagés et qui ne paraissent guère suffisants au regard des besoins ?

Notre aide au développement, ne disposant que de moyens limités, doit d'autant plus être rationalisée et avant tout pilotée de façon cohérente. La réorganisation en cours de notre dispositif, actuellement éclaté entre deux ministères, serait ainsi utilement complétée par la création d'un ministère de plein exercice, réactif et capable de hiérarchiser les priorités. Est-il envisagé que la réorganisation en cours, avec la création d'Expertise-France et le rapprochement entre l'AFD et la Caisse des dépôts, aboutisse enfin à la mise en place d'un pilotage unifié de notre aide au développement ?

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