Intervention de Myriam El Khomri

Réunion du 3 novembre 2016 à 15h00
Commission élargie : finances - affaires sociales

Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

En ce qui concerne les chiffres du chômage, la commission d'enquête du Sénat a démontré qu'il n'y avait aucune manipulation des chiffres de Pôle Emploi.

De même, j'ai le sentiment, à propos du programme « 500 000 formations supplémentaires », qu'il y a dans certains groupes politiques un double discours.Tandis qu'en leur sein, certains ont été mes partenaires, notamment des présidents de région, et ont travaillé avec nous pour évaluer quels étaient les besoins des entreprises et créer les formations qui permettraient de résoudre le problème des offres d'emploi non pourvues, d'autres évoquent, lors des questions au Gouvernement ou ici même, en commission, des manipulations statistiques.

On ne peut pas répéter sans cesse que la France a un retard important en matière de formation, notamment à destination de ceux qui en ont le plus besoin, à savoir les demandeurs d'emploi, et se plaindre que l'État – en liaison avec les partenaires et les financeurs que j'ai cités tout à l'heure – mette un milliard d'euros sur la table.

Élue à Paris, j'y vois par exemple de très nombreuses crèches, dans lesquelles il y a un vrai besoin de recrutement de titulaires de CAP « petite enfance » et, si nous avons mis trois mois à signer la plateforme État-régions, c'est que les besoins ont été recensés, bassin d'emploi par bassin d'emploi, en fonction des entreprises.

Un autre exemple concret est celui de ce centre AFPA d'Île-de-France qui, à la demande de l'OPCA concerné, en l'occurrence le Fonds d'assurance formation du travail temporaire (FAFTT) –, a décidé de mettre 5 millions d'euros pour proposer avec le groupe Adecco une centaine de contrats dans des secteurs qui n'arrivaient pas à recruter. Ces contrats sont destinés à des migrants, qui bénéficient de l'hébergement, de la restauration, de l'apprentissage du français et d'une formation dans les métiers qui recrutent. La qualification est en effet le maître-mot, puisqu'une étude a montré que, dans certains secteurs, 86 % des besoins non pourvus ne l'étaient pas à cause d'un manque de qualifications.

Selon une enquête que nous avons présentée récemment avec M. Jean Bassères, directeur général de Pôle Emploi, et M. Cherpion, le taux de satisfaction des demandeurs d'emploi ayant bénéficié du plan « 500 000 » est d'environ 89 %. Certes, il reste 11 % de mécontents, et je ne dis pas que ce plan ne connaît pas de ratés, mais c'est compréhensible dès lors que l'on double le nombre d'actions de formation pour le porter à un million. Cependant, je tiens à rappeler que ce plan, qui vise à accélérer le retour à l'emploi, a été conçu pour faciliter également l'accompagnement de la création d'entreprise et pour développer les contrats de professionnalisation ainsi que les préparations opérationnelles à l'emploi au sein de l'entreprise.

Je précise, monsieur Cherpion, que, conformément aux conventions signées avec l'État, le deuxième versement au titre du plan « 500 000 » est acquis dès lors que le conseil régional a réalisé, au 30 septembre, le même nombre d'entrées en formation que dans le courant de l'année 2015. Il ne serait pas normal, en effet, que nous versions de nouveaux fonds alors que l'avance de 30 % n'a pas été consommée. Néanmoins, nous sommes à l'écoute des régions, dont certaines peinent à accélérer le rythme des entrées en formation. Nous avons donc proposé que le deuxième versement puisse être effectué au vu des entrées en formation réalisées au 30 septembre ou au 30 octobre, voire au 30 novembre si nécessaire. Nous faisons donc preuve de souplesse.

J'ajoute que, si j'ai annoncé un doublement des offres de formation, sur certains territoires – je pense en particulier à la Guadeloupe, où l'accès à la qualification a pris un retard plus important qu'ailleurs –, ces offres sont triplées. Il est légitime de définir des priorités, mais il est normal que nous veillions aussi à ce que l'argent de l'État ne se substitue pas aux fonds que les régions consacrent aux demandeurs d'emploi. Le contrat est clair. Nous respectons nos engagements, mais nous prenons en compte chaque situation pour que les conventions soient le plus fluides possible.

S'agissant du transfert de NACRE aux régions, un audit a été réalisé qui est actuellement contesté par l'Association des régions de France (ARF). Nous aurons donc des discussions à ce sujet, mais cela ne doit pas susciter d'inquiétudes.

J'en viens à la transformation de l'AFPA. Beaucoup ont salué le rôle historique de cette association, dont les plateaux techniques sont de très grande qualité. L'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) doit être créé au 1er janvier 2017, mais des étapes importantes restent à franchir pour que l'établissement soit parfaitement opérationnel à cette date : finalisation, présentation en conseil des ministres, publication et ratification de l'ordonnance ; création de la filiale en charge de l'activité de formation des salariés et répartition des personnels entre l'EPIC et sa filiale ; dissolution de l'association et transfert de ses biens et obligations à la nouvelle structure ; élaboration du contrat d'objectifs et de performance ; nomination du directeur de l'EPIC et publication de l'arrêté de dévolution patrimoniale. Nous travaillons sur ces différentes étapes en défendant nos points de vue, dans le respect du droit national et communautaire, et en rassurant les salariés : nous sommes conscients de l'histoire de l'AFPA et nous veillons à préserver son efficacité.

M. Rochebloine a relevé que le financement des maisons de l'emploi (MDE) par l'État – qui avait la volonté de le transférer, en application de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) – a été maintenu. J'ai en effet pris cette décision car certaines MDE fonctionnent extrêmement bien. Il convient de prendre en compte la situation objective de chacune d'entre elles. Ainsi, nous diminuons les financements de celles qui ne fonctionnent pas, car le budget de l'État n'a pas à financer des frais de structures en l'absence de tout service rendu. S'agissant de l'application des critères, monsieur Vercamer, les DIRECCTE sont très souples. J'organise, chaque mois, des visioconférences avec celles-ci et les préfets de région. Ce qui m'importe, c'est le service rendu aux entreprises et aux salariés du territoire. Ainsi, certaines toutes petites MDE – je pense en particulier à l'une d'entre elles, située dans le Morbihan – ne respectent pas les critères, mais sont tout de même consolidées. La taille de la structure n'est pas déterminante. Nous tenons compte également de sa capacité à travailler en lien avec les autres opérateurs de l'emploi du territoire. À ce propos, je me suis aperçu, en examinant la situation financière des missions locales, que certaines d'entre elles souffraient d'un fort désengagement de la part des conseils départementaux. Or, la question de l'accompagnement est essentielle. Tout le monde se déclare, ici, très favorable aux opérateurs de l'emploi mais, sur le terrain, je constate que certaines collectivités se désengagent du financement d'acteurs locaux essentiels.

Encore une fois, je ne fais qu'évaluer objectivement la situation, qu'il s'agisse des missions locales, des MDE ou des OPCA. Il ne s'agit en aucun cas, comme on l'a dit tout à l'heure, d'un rapt de l'État. Lors de l'examen de la loi « travail », on a beaucoup parlé d'évaluation ; c'est ce que nous faisons.

Par ailleurs, il est prévu dans la loi que l'expérimentation « Territoire zéro chômeur de longue durée » soit menée dans dix territoires ; il n'y en aura donc pas davantage. Cette expérimentation ne sera étendue qu'après son évaluation selon des critères également fixés par la loi : qualité des activités créées, utilisation des dépenses passives, insertion durable des personnes… Où en sommes-nous aujourd'hui ? Le conseil d'administration de l'association gestionnaire du fonds s'est déjà réuni plusieurs fois, et le conseil scientifique d'évaluation de l'expérimentation s'est réuni le 14 octobre dernier. Les candidatures, qui devaient être déposées avant le 28 octobre, sont au nombre d'une trentaine. La liste des territoires qui seront retenus sera arrêtée par le fonds d'expérimentation. Celui-ci sera attentif à ce que ces territoires soient convenablement répartis entre les régions et il prendra en compte la maturité du projet. Certains territoires travaillent en effet depuis plus d'un an avec ATD-Quart Monde et ont déjà identifié les demandeurs d'emploi et les entreprises concernés. Le conseil d'administration, qui doit se prononcer par un vote le 21 novembre, me transmettra une proposition, puis je prendrai un arrêté.

Il est prévu, dans le PLF, de consacrer 15 millions d'euros au financement de cette expérimentation, sachant qu'une subvention exceptionnelle a été décidée dès cette année pour faire vivre le fonds d'expérimentation. A ce propos, je précise, monsieur Grandguillaume, que nous attendons une participation des collectivités dans le cadre de l'appel à candidatures. C'est un des critères qui seront retenus, de même que les dépenses de RSA. L'État est là pour jouer un rôle d'amorçage. Je souhaite donc allouer à cette expérimentation les moyens financiers nécessaires pour qu'elle soit correctement réalisée et, si elle est concluante, le dispositif sera généralisé. Nous devons innover. Je rappelle, du reste, qu'avant d'être généralisée, la Garantie jeunes avait été expérimentée dans dix départements.

En ce qui concerne les emplois d'avenir, j'organise des visioconférences chaque mois avec les préfets de région, les directeurs généraux de Pôle Emploi et l'ensemble des opérateurs. Dans ce cadre, si je constate, par exemple, que le taux d'accès aux emplois aidés des travailleurs en situation de handicap ou le taux de formation de jeunes en emplois d'avenir sont insatisfaisants, j'indique aux représentants de l'État en régions qu'ils doivent faire mieux. Mais certaines régions avaient dépassé leur objectif de 120 % ou de 130 %, de sorte que le nombre des emplois d'avenir était en train d'exploser. J'ai donc décidé que les contrats aidés dans le secteur marchand ne devaient concerner que des CDI et bénéficier à des publics ciblés : travailleurs en situation de handicap, seniors, jeunes issus de zones de revitalisation rurale (ZRR) et de quartiers relevant de la politique de la ville et chômeurs de longue durée. Oui, donc, à la reconduction des emplois d'avenir, mais, pour les nouvelles entrées, je demande que l'on attende le 2 janvier 2017. Je veux éviter que les contrats aidés signés entre le 24 octobre et le 7 novembre ne puissent pas être mis en oeuvre. Les régions bénéficient d'une certaine souplesse, mais elles ne peuvent pas dépasser l'objectif qui leur est fixé car ce dépassement se ferait au détriment d'autres régions. Or, mon rôle est de garantir l'égalité territoriale et le respect des procédures. Je rappelle, en outre, que le nombre des emplois d'avenir a doublé au cours de l'année 2016 par rapport à ce qui était prévu dans le PLF.

Par ailleurs, je précise, monsieur Larrivé, que les publics ciblés sont aussi bien les jeunes issus de ZRR que ceux issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) : 18 % des jeunes bénéficiaires des contrats d'avenir sont issus des QPV, 15 % des ZRR. Je n'oppose pas un territoire à un autre. Je rappelle d'ailleurs que la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville mise en oeuvre par François Lamy ne prend en compte que le critère de pauvreté des habitants. C'est ainsi que des villes petites ou moyennes telles que Villers-Cotterêts ont pu bénéficier, pour la première fois, des dispositifs de la politique de la ville. Celle-ci ne concerne donc pas seulement les territoires urbains. Toutefois, un rattrapage est absolument nécessaire dans certains quartiers où le taux de chômage des jeunes est particulièrement important ; je pense, par exemple, à La Castellane, à Marseille, où il atteint 80 %. Nous avons ainsi créé le dispositif « Réussite apprentissage », car à peine 5 % des jeunes de ces quartiers sont en apprentissage. Il nous faut en effet remédier à ces situations en actionnant divers leviers. Donner plus à ceux qui ont moins : tel est l'objectif de la politique que je mène.

S'agissant de la subvention spécifique versée, en complément des aides au poste, aux entreprises adaptées, son montant est resté stable entre 2012 et 2016. Dans le PLF pour 2017, il augmente de 930 000 euros afin de prendre en compte la hausse du nombre d'aides au poste en 2015 et 2016. La création, en 2017, de 500 aides au poste supplémentaires – tel est en tout cas l'objet d'un amendement – permettra, par exemple, de créer une entreprise adaptée dans l'ouest guyanais où il n'en existe pas encore. En tout état de cause, il s'agit, pour moi aussi, d'une priorité. J'estime, du reste, que les outils de la politique de l'emploi, notamment les emplois d'avenir, doivent bénéficier davantage aux personnes en situation de handicap, qui doivent être mieux accompagnées. Il faut travailler davantage avec les maisons départementales des personnes handicapées – MDPH –, notamment dans le cadre du plan « 500 000 formations ».

Il me faut maintenant conclure…

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