Intervention de Laurent Grandguillaume

Réunion du 25 octobre 2016 à 9h30
Commission élargie : finances - affaires étrangères - lois constitutionnelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Grandguillaume, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Jamais discussion budgétaire ne sera autant entrée en collision avec l'actualité la plus brûlante : je veux parler, bien sûr, du démantèlement de la « jungle » de Calais, annoncé au début de septembre par le Gouvernement et qui est entré, hier, dans sa phase de mise en oeuvre effective. Le Gouvernement a pris la bonne décision en la matière, et je sais, monsieur le ministre, que l'État a préparé cette opération délicate avec sérieux et humanité. Je vous avais d'ailleurs interpellé l'année dernière sur les conditions de vie dans la jungle de Calais. Vous avez répondu, je crois, à l'attente des citoyens, des associations et de tous les acteurs qui agissent sur le terrain.

La semaine dernière, le dernier obstacle juridique a été levé avec la décision du tribunal administratif de Lille. Pourtant, certaines associations ont fait part de certaines inquiétudes et continuent à le faire. Je ne sais pas si elles sont toutes fondées mais, dans la mesure où ces associations ont mené à Calais une action que l'on peut qualifier d'admirable, il est indispensable de les entendre et de leur répondre.

Les inquiétudes exprimées sont connues. Elles portent sur le sort des mineurs isolés qui ont une famille au Royaume-Uni, sur le nombre de places ouvertes en centre d'accueil et d'orientation (CAO) et sur le traitement des migrants qui continueront à ne pas vouloir déposer une demande d'asile dans notre pays. Monsieur le ministre, où en sont vos discussions avec le gouvernement britannique sur la question des mineurs isolés ?

Le Gouvernement annonce que le nombre de places en CAO est suffisant pour accueillir les migrants qui viendront de Calais. Pouvez-vous nous le confirmer ? N'avez-vous aucune inquiétude à ce sujet, notamment dans la mesure où l'on constate, ici ou là, de la part de nos compatriotes, mais aussi, parfois, malheureusement, de la part de hauts responsables politiques, de leur propre initiative, des interrogations, voire des manifestations d'hostilité inquiétantes ? Comme le disait si bien Jean Jaurès, il faut savoir lutter contre « la loi du mensonge triomphant qui passe » et rétablir la vérité face à un certain nombre d'extrémismes qui s'expriment dans notre pays.

S'agissant des CAO, je dois vous faire part de l'inquiétude que suscite chez les associations la précipitation dont a parfois fait preuve le Gouvernement dans la création de ces centres, même s'il est bien sûr nécessaire de répondre à une urgence. La multiplication des différents types d'hébergement des demandeurs d'asile nuit à la clarté de l'ensemble du système et contribue à la mise en concurrence des publics vulnérables. Ce mode d'hébergement, prévu comme une mise à l'abri, ne doit pas devenir le modèle d'accueil généralisé. Je rappelle que la loi du 29 juillet 2015 fait des centres d'accueil de demandeurs d'asile (CADA) le principal mode d'hébergement pérenne des demandeurs d'asile. Il faut d'ailleurs saluer les efforts budgétaires consentis en la matière par le Gouvernement depuis 2012.

Par ailleurs, je m'interroge sur le recours à la procédure de marché public, qui conduit des associations à assurer un rôle non plus de partenaires, mais de prestataires, et risque d'exclure les associations de petite taille au profit de sociétés commerciales dépourvues de réelle expertise dans l'accompagnement social.

Enfin, pour revenir sur la jungle de Calais, je ne peux éluder la question qui est sur toutes les lèvres : une fois le démantèlement terminé, comment résoudre le problème, sachant que les flux migratoires sont ce qu'ils sont et que le Royaume-Uni reste attractif pour les migrants ? Pouvez-vous, monsieur le ministre, faire devant la commission le point des mesures que vous avez mises en place à cet égard ?

Les chiffres attestent de l'effort qui est fait dans le cadre de ce PLF. Les crédits de la mission dans son ensemble auront progressé de plus de 30 % entre le budget réalisé en 2012 et le budget prévu pour 2017. Les effectifs de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) auront, au cours de la même période, été accrus de 340 personnes, soit une augmentation de 76 %. Je veux en profiter pour saluer l'action remarquable de son directeur général, qui a su redynamiser ses équipes et faire de l'OFPRA un outil dont nous pouvons légitimement être fiers. Les effectifs de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) auront également, au cours de la même période, été accrus de 200 personnes, soit une augmentation de 25 %. Enfin, plus de 10 000 places supplémentaires en CADA ont été ouvertes depuis 2012, soit une augmentation de moitié en cinq ans. Je pourrais multiplier les exemples des efforts qu'a accomplis cette majorité depuis 2012. Ils étaient indispensables du point de vue humanitaire.

La politique menée par le Gouvernement en matière d'immigration ne s'est pas limitée à des mesures quantitatives d'augmentation des moyens budgétaires : la loi du 29 juillet 2015 a profondément modifié notre politique en matière d'asile et la loi du 7 mars 2016 a réformé le droit des étrangers en France.

Tous ces efforts incontestables, toutes ces mesures indispensables s'inscrivent dans un contexte migratoire que chacun a à l'esprit. La crise migratoire majeure qui frappe l'ensemble de notre continent est là pour plusieurs années. Comment faire, monsieur le ministre, pour que cette crise ne vienne pas contrarier, sinon réduire à néant, ces efforts, conformes aux objectifs que nous poursuivons tous ?

Je rappelle que le PLF 2017 a été bâti sur une hypothèse d'augmentation des demandes d'asile dans notre pays comprise entre 15 % et 20 % en 2016 et 2017. J'ignore si cette hypothèse tient compte des engagements que la France a pris à l'égard de ses partenaires européens en matière de réinstallation et de relocalisation des migrants. En effet, notre pays s'est engagé à accueillir 37 000 migrants d'ici à la fin de l'année 2017. À la mi-septembre, il avait accueilli moins de 2 000 personnes au titre du programme européen de relocalisation, moins de 700 au titre du schéma européen de réinstallation, et 228 au titre de l'accord avec la Turquie. À cet égard, la France ne fait guère plus mal que les autres ; elle est même à la première place pour ce qui est du programme européen de relocalisation.

En ce qui concerne les aides, les associations nous signalent beaucoup de difficultés à solliciter les fonds européens et, hélas, plus encore à faire appel aux dispositifs nationaux, qui ont été complexifiés au cours du temps, bien avant que l'actuel gouvernement soit en place.

Enfin, pouvez-vous faire un point sur la gestion de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA), compte tenu des difficultés budgétaires rencontrées sur ce point ?

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