Intervention de Sabine Buis

Réunion du 26 octobre 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Buis, rapporteure :

Le titre II est sans doute celui qui suscite le plus d'insatisfaction, alors que c'est lui qui fixe l'objectif de rénovation de 500 000 logements par an. On attend encore la définition des bâtiments à énergie positive comme des critères de performance énergétique minimale visés à l'article 12, y compris pour les habitations à loyer modéré (HLM), auxquels la réglementation ancienne continue de s'appliquer. La RT (réglementation thermique) 2012 est en cours de modification. L'individualisation des compteurs de chauffage d'immeubles ne progressera que très lentement. On attend également une réglementation d'ensemble pour le secteur tertiaire.

Quatre exemples, en particulier, témoignent du fait que la loi est insuffisamment appliquée.

D'abord, le retard pris par le décret sur le carnet numérique de suivi du logement visé à l'article 11 et qui concerne en principe les permis de construire déposés au 1er janvier 2017. Il semble que le Gouvernement invoque des difficultés techniques ; mais, si le décret ne paraît pas, il n'est pas question de laisser le problème non résolu. Contrairement à l'objet même de la loi, qui est de mieux informer les bailleurs et les locataires, propriétaires ou copropriétaires, un rapport d'inspection de janvier 2016 conclut ainsi : « Le cadre défini par la loi du 17 août 2015 est considéré par les juristes consultés comme insuffisant pour que puisse être pris un texte réglementaire définissant le carnet numérique sous la forme d'un service en ligne. » Mais l'on voit mal où résident ces insuffisances et qui a réclamé un service en ligne. Cette expertise remet en réalité en cause le financement et le consentement des acteurs, ainsi que la place de la puissance publique. Ce n'est pas la loi qui parle de service en ligne ; la forme numérique du carnet n'en impose nullement la diffusion généralisée par internet, ni la création d'un fichier informatique au sens de la loi de 1978. Les notaires l'ont parfaitement compris, qui y voient l'occasion d'homogénéiser les obligations en cas de vente. Il n'est question ni dans la loi ni dans les faits d'instaurer un système de consultation publique géré par la puissance publique et d'accès payant. S'il est nécessaire d'apporter une précision législative à ce sujet, je suis toute prête à le faire. Ce document est essentiel et la loi ne doit pas rester inappliquée sur ce point.

Le deuxième exemple est le retard, tout aussi inacceptable, qu'a pris la définition des critères de performance minimale.

Concernant ensuite l'article 14, si la presse a fait état d'un cas de ravalement de façade aberrant alors même que l'esthétique justifie une dérogation, la réglementation des travaux dits « embarqués » par le décret n° 2016-711 du 30 mai 2016 relatif aux travaux d'isolation en cas de travaux de ravalement de façade, de réfection de toiture ou d'aménagement de locaux en vue de les rendre habitables a été, à l'inverse, critiquée au motif qu'elle comporte de très nombreuses exceptions à la nécessité d'isoler les bâtiments.

Quant à l'article 33, qui demande un rapport sur les colonnes montantes – le président y a fait référence –, il est inacceptable qu'au moins le rapport du conseil général de l'environnement n'ait pas été rendu disponible. Certes, la question de la propriété des colonnes n'est pas tranchée par la jurisprudence, et le médiateur de l'énergie en a été abondamment saisi. Enedis, chargé de la gestion du réseau de distribution d'électricité, persiste à refuser d'intégrer à ses frais des colonnes qui, selon lui, appartiendraient aux propriétaires et copropriétaires des immeubles concernés, lesquels sont dans l'incapacité de faire face à des coûts élevés, de 10 000 à 20 000 euros par colonne. Il y a donc un blocage, et les décisions des tribunaux ne convergent pas – je renvoie à notre rapport pour davantage de détails.

Ce dossier présente peu d'aspects positifs. Je note toutefois que le syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication (Sipperec) a signé avec Enedis, le 14 avril 2016, un accord prorogeant pour les dix prochaines années la concession de distribution d'électricité sur le territoire des 82 communes du ressort du syndicat et qu'il a été convenu à cette occasion que les deux parties prendraient conjointement en charge la rénovation, chaque année, de 500 colonnes montantes d'électricité sous maîtrise d'ouvrage du Sipperec. Peut-être convient-il d'être pragmatique et d'inciter à étendre des dispositifs qui fonctionnent. Il faut en tout cas chercher à sortir des difficultés juridiques actuelles.

Pourquoi le volet bâtiment est-il aussi difficile à mettre en oeuvre ? À cela, deux raisons. D'abord le comportement de certains acteurs, dont le centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), qui semble ignorer la loi ou vouloir en différer l'application, par exemple s'agissant de l'individualisation des compteurs de chauffage dans les immeubles collectifs. Ensuite, et surtout, nous n'avons sans doute pas pris la mesure technique de certaines dispositions, par exemple de ce que la domotique peut apporter, et nous ne raisonnons pas suffisamment, comme législateur, de manière globale.

En revanche, je juge positivement le mécanisme, reconduit, du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE).

Je conclurai en indiquant brièvement – mais sans doute y aura-t-il des questions sur ce point – que les compteurs Linky et Gazpar se mettent en place, non sans réticences sur le terrain, et que, après l'organisation d'une table ronde, nous consacrons à ce sujet dans le rapport de longs développements que j'espère exhaustifs.

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