Intervention de François de Rugy

Réunion du 19 octobre 2016 à 11h30
Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy, rapporteur :

Je remercie à mon tour notre collègue Menuel d'avoir salué notre approche pragmatique. Nous pouvons avoir des divergences quant à certains choix liés à la politique énergétique ; cela ne nous a pas empêchés de bien travailler ensemble et d'établir des constats, une analyse des freins à cette politique et des moyens de les lever.

La longueur des délais de réalisation des projets – de méthanisation mais pas seulement – peut mener à des abandons, dans des proportions plus élevées que dans d'autres domaines. Dans le secteur du logement, les projets immobiliers font eux aussi l'objet de recours quasi systématiques dans les zones tendues, qui induisent quasiment deux ans de réalisation supplémentaires. Pour autant, ils font peu l'objet d'abandons purs et simples. De plus, la première des ministres du logement de ce quinquennat a mené une politique de lutte contre les recours abusifs. La même démarche est à l'oeuvre en faveur des projets éoliens mais elle a malheureusement pris plus de temps. Enfin, au-delà de l'abandon et du renchérissement du coût, l'insécurité pesant sur les procédures et donc sur la réalisation même des projets crée également des difficultés de financement bancaire.

Notre collègue Menuel soulignait tout à l'heure le fait que les travaux de rénovation thermique finissaient, dans certains endroits, par être plus onéreux que la valeur même des logements concernés. Je crois que l'efficacité énergétique et les travaux d'amélioration des logements ne servent que de révélateur. Notre collègue Lamblin disait que cela perturbait le marché. Mais cela réoriente également ce marché. Il faut le dire car tel est le but de cette politique. L'objectif est aussi d'assainir le marché, certains logements « sous-performants » ayant été mis sur ce marché tels quels. Des personnes ont ainsi cru faire une bonne affaire en achetant peu cher sans voir que ces logements auraient ensuite un coût de fonctionnement très élevé. La diversité des situations selon les territoires, entre zones tendues et détendues en termes d'offre et de demande de logements, est une réalité, transition énergétique ou pas. Cette réalité est très difficile à traiter s'agissant des ménages qui se sont endettés pour accéder à la propriété et dont le logement peut constituer un patrimoine de valeur négative : ce problème est indépendant de la transition énergétique.

Je sais que l'acceptabilité de l'éolien est une des préoccupations d'Alain Gest – ce n'est pas lui faire injure que de le dire. Mais je m'inscris en faux contre l'affirmation selon laquelle il serait difficile de mener une politique contre l'avis majoritaire de la population. Toutes les études d'opinion montrent que le développement de l'éolien est soutenu par une très large majorité de la population. Cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de contestations localisées liées à l'impact immédiat des installations sur les populations concernées – il en va de même lorsqu'on demande aux gens s'il faut construire plus de logements pour satisfaire à la demande. Mais cela nous ramène à la question des recours.

Ce qu'a dit notre collègue Gest sur les disparités territoriales est vrai. Nous n'avons pas pu évaluer ces dernières, mais elles sont évidentes dans chacune de nos régions. Je peux vous dire que dans les Pays de la Loire, le département de la Sarthe n'a quasiment jamais rien fait en matière de développement de l'éolien terrestre parce que les élus locaux n'en voulaient pas et que le conseil départemental faisait tout pour empêcher les projets de se concrétiser. Cela étant, il y a un schéma régional, le préfet se mobilise et les élus évoluent et voient les retombées des projets.

On parle toujours des habitants qui s'opposent à l'éolien pour des raisons d'intérêt particulier – bien légitimes d'ailleurs –, mais il est des élus qui le soutiennent, au-delà de toute considération politique, pour ses retombées. C'est ainsi dans tous les domaines d'activité : lorsqu'on fait du développement économique local, on cherche aussi à en voir les retombées économiques et fiscales sur son territoire. Enfin, il est des projets éoliens dans lesquels s'impliquent les citoyens – c'est le cas de près de la moitié des projets en Allemagne.

Je reconnais une forme de pessimisme chez le président de la Commission du développement durable. J'ai souvent tendance à dire qu'il faut, pour se motiver, voir le chemin parcouru, au moins autant que le chemin qui reste à parcourir. Dire que cela ne marche pas, qu'il ne s'est jamais rien fait et que tout ce qui a été tenté a échoué n'est guère incitatif. S'agissant de la « vraie rénovation thermique », la réponse est dans la question du président Chanteguet. Certains experts considèrent qu'il n'y a que quelques centaines de vraies rénovations thermiques par an en France parce qu'ils ne prennent en considération que les rénovations donnant lieu à une approche globale permettant de transformer une passoire énergétique en un logement sinon à énergie positive, du moins équivalant à un bâtiment basse consommation (BBC). Mais entre l'idéal et le réel, entre tout et rien, il faut essayer de progresser. C'est pourquoi je ne plaide pas pour qu'on repousse les échéances en matière de réglementation thermique. Il n'est pas vrai de dire que ce qui était valable il y a cinq ans ne l'est plus aujourd'hui. Dès le début, on s'est situé dans une logique progressive. Il ne faut donc pas repousser les étapes sans quoi on ne sera plus dans cette logique. Cela vaut dans bien des domaines de l'action politique : dès lors que l'on fixe les étapes du changement que l'on conduit, il faut les respecter. L'efficacité énergétique tire le marché vers le haut et le cercle vertueux est engagé.

Enfin, je ne suis pas favorable à l'idée de déposer des amendements au projet de loi de finances, car ce n'est pas avant tout une question de fiscalité. Jean-Jacques Guillet l'a bien dit à propos du CITE. En France, on aime beaucoup les crédits d'impôt mais à un moment donné, il faut aussi agir dans le cadre qui a été défini, avec une certaine stabilité, mobiliser les outils existants et pérenniser les financements. Ayant été membre de la Commission des finances pendant cinq ans, je connais la logique. Il ne faut pas mettre fin à un crédit d'impôt au motif qu'il aurait trop de succès. Il ne faut pas se plaindre qu'un dispositif ait du succès mais en pérenniser le financement : cela relève de choix budgétaires, comme dans d'autres domaines de l'action politique. Je ne suis d'ailleurs pas non plus d'accord avec le président Chanteguet lorsqu'il affirme que le problème de la loi de transition énergétique réside dans l'insuffisance des moyens qui lui sont consacrés : ce sont la mobilisation et l'orientation de l'investissement privé vers ce chantier qui comptent.

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