Intervention de général Jean-Pierre Bosser

Réunion du 11 octobre 2016 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

général Jean-Pierre Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre :

Si, elle sert d'interface puisqu'en même temps, elle expérimente nos équipements. Mais je veux être davantage présent. Par exemple, je n'imaginais pas qu'on remplace le fusil, quel qu'il soit, sans que le chef d'état-major de l'armée de terre soit concerné. C'est tout de même important. Mais je vous reparlerai du FAMAS.

Pour terminer sur le modèle économique, je suis pour une relation plus étroite à trois : DGA, industriels et armée de terre. Je suis favorable à ce que l'on donne de la lisibilité aux industriels, car ils en ont absolument besoin. Je suis pour leur dire, au travers d'« Action terrestre future », quels seront demain nos besoins : par exemple, comment on voit l'accompagnement des forces, les nouvelles énergies. Il y a beaucoup à faire. Avant d'être au pied du mur et de se rendre compte que l'on n'a pas de matériel français parce que l'on n'a pas anticipé, il faut s'y prendre en amont, et susciter de l'intérêt et de l'attention chez nos industriels.

Maintenant, vous m'avez demandé combien coûterait l'accélération de SCORPION. Pour le moment, je suis sur un calcul à périmètres identiques, et il s'agit encore d'un travail de recherche pour mon état-major. Mais je vous donne trois cas.

Premier cas : l'industriel est le même. Celui qui entretient le VAB est celui qui construit un véhicule de SCORPION. Donc, je m'adresse à lui et je demande si, au lieu de dépenser sur les VAB, on ne pourrait pas accélérer SCORPION ? L'industriel doit se préoccuper de la faisabilité, parce que cela lui impose une réorganisation au sein de son entreprise, et parce qu'il va devoir transformer des savoir-faire – de l'entretien du VAB à la construction de SCORPION.

Aujourd'hui, nous travaillons d'abord et avant tout sur la faisabilité. Mais on peut penser raisonnablement que si l'industriel ne fait pas effort sur le MCO, autrement dit si le maintien en condition des parcs anciens ne lui rapporte pas plus que la construction des nouveaux, ce modèle à périmètre financier identique est tout à fait envisageable. Les premiers contacts que j'ai eus avec l'industriel me font penser qu'on peut raisonnablement imaginer accélérer SCORPION, autrement dit qu'une chaîne qui va produire 29 véhicules de ce programme chaque année peut en produire 50. C'est la première approche.

Deuxième cas : nous n'avons pas d'acteur industriel capable de fournir. C'est le cas pour le remplaçant de la P4, dont on a un besoin immédiat. Là, le « made in France », je ne sais pas faire. On a des schémas qui passent par l'UGAP, même si on va tout de même lancer un programme avec la DGA par la suite.

Troisième cas, c'est celui du remplacement de la Gazelle, c'est-à-dire un hélicoptère dit léger, pour trois armées. Mais la notion de « léger » entre trois armées, cela va de quatre à huit tonnes. Donc, comment faire ? Il faut se concerter, et cela prend du temps.

La Gazelle est encore aujourd'hui un très bon appareil. Elle permet à nos pilotes de piloter le jour et la nuit. C'est probablement l'hélicoptère avec lequel nous effectuons le plus d'heures de vol, ce qui a un avantage. Mais sur le plan opérationnel, elle est dépassée. Or la finalité ce sont tout de même les opérations. Donc, dans le modèle économique futur, il faudra réfléchir sur le HIL, l'hélicoptère interarmées léger, et voir comment régler le problème.

En contrepartie, je me propose d'aider les industriels, notamment en développant davantage encore la participation des forces armées au soutien aux exportations (SOUTEX). D'ailleurs, l'enjeu aux Émirats arabes unis, avec la mise en place d'un GTIA à dominante blindée, est d'ouvrir en quelque sorte une vitrine technologique avec nos Leclerc, nos VBCI, nos CAESAR, des éléments du génie, etc.

Venons-en au moral. On pourrait penser qu'il évolue positivement grâce aux trois inversions de tendance, plutôt positives, dont nous avons parlé. Ce serait assez logique. Mais en fait, face à ces inversions de tendance, il y a deux « vents contraires » : l'absence de la garnison et le logiciel Louvois.

Je suis convaincu que les processus d'évaluation du moral dans l'armée de terre ne sont plus adaptés à la réalité.

Par exemple, traditionnellement, dans l'armée de terre, on apprécie le moral au plan catégoriel : les militaires du rang, les sous-officiers et les officiers. Or les actions sur le territoire national nous incitent à voir les choses différemment. Le moral ne se décline plus en grades, mais selon la situation de l'intéressé : s'il est chargé de famille, s'il a des enfants, l'absence lui pèse ; s'il est célibataire, qu'il soit officier, sous-officier ou homme du rang, l'absence ne lui pèse pas.

On n'intègre pas non plus dans l'évaluation du moral la mobilité, le travail du conjoint qui sont devenus aujourd'hui fondamentaux. Et on n'a pas assez intégré l'accélération des affaires par les réseaux sociaux. Ainsi, il y a quinze jours ou trois semaines, le « buzz » s'est créé autour de la solde au 93e RAM, des épouses s'étant plaintes sur Facebook que leurs maris n'avaient pas été payés.

Je suis en train de mettre en place une réflexion visant à modifier les capteurs d'évaluation du moral, et permettant de voir comment, en temps réel, nous pourrions mieux anticiper et faire face à une baisse brutale de moral. Franchement, ce n'est pas en évaluant le moral avec des questionnaires standardisés que nous disposerons d'une bonne vision. Il y a donc une réflexion en cours et je pourrai vous en reparler la prochaine fois.

Je terminerai sur le FAMAS, sujet d'importance car on ne change pas de fusil tous les ans. Tous les soldats de l'armée de terre seront équipés d'un nouveau fusil. C'est un sujet de fond avant d'être un sujet de souveraineté nationale. Le FAMAS a quarante ans, et ses obsolescences coûtent très cher. Avec trois percuteurs, on peut acheter une nouvelle arme parce qu'aujourd'hui on sous-traite et qu'une entreprise est en situation de monopole ; un percuteur coûte 330 euros et peut tirer entre 3 000 et 4 000 cartouches. En fait, avec trois percuteurs ou six chargeurs de FAMAS, on s'achète une nouvelle arme. Dans ces conditions, doit-on continuer à entretenir ce fusil ?

Il est important de souligner que le fusil d'aujourd'hui n'est pas le Lebel d'il y a cent ans. Le Lebel, c'était alors l'outil maître du combat, c'était la souveraineté nationale. Aujourd'hui, le canon représente 30 % du prix de l'arme. Ce n'est plus le canon qui compte, puisque l'on est capable de fabriquer des canons qui tirent juste dans n'importe quel pays du monde. En revanche, on a besoin d'éléments nouveaux dans l'environnement du fusil.

Pourquoi a-t-on voulu changer le FAMAS ? Ensuite, pourquoi a-t-on choisi le HK 416 ? Parce qu'il était le meilleur sur le marché.

D'abord, on a voulu améliorer la sécurité. Le FAMAS était une belle évolution après le pistolet-mitrailleur et le FSA. Le HK 416 représente à nouveau un gain en termes de sécurité. Ensuite, les munitions du FAMAS étaient particulières. Elles étaient fabriquées en France avec un métal de qualité spéciale pour l'étui. Dès que l'on a dû s'approvisionner à l'étranger avec des munitions standards, on a commencé à avoir des problèmes. Avec le fusil futur, la compatibilité sera totale avec les munitions de l'OTAN. N'importe où dans le monde, on pourra prendre de la 5,56 mm et tirer avec ce fusil. On pourra aussi tirer des grenades à fusil, en tir tendu, et des grenades de 40 mm. Et au lieu d'avoir, comme aujourd'hui, six chargeurs à 25 cartouches, on en aura dix à 30 cartouches, ce qui va accroître l'autonomie de nos soldats.

Enfin, et c'est le plus important, bien qu'on n'en parle jamais : le HK est un fusil avec une crosse réglable télescopique, avec un bipied, une sangle adaptée, avec des rails qui permettent d'installer toutes les aides de visée dont nous avons besoin. C'est cela, le fusil des temps modernes.

Je n'ai donc aucun état d'âme à quitter le FAMAS. C'est une excellente arme, mais ce n'est plus l'arme dont on a vraiment besoin. Je précise à nouveau que l'acier du canon du nouveau fusil sera fabriqué en France, et que cela représente 30 % du coût de l'arme.

Je pense donc qu'il ne faut pas donner à cette affaire l'importance qu'on lui a donnée et qu'aujourd'hui, un système numérique, un système de contre-mesure électronique, un système de livraison par air, ont au moins autant d'importance que le fusil lui-même. Tel est mon point de vue.

Dernière question : est-ce que, demain, nous fabriquerons à nouveau des munitions de petit calibre en France ? Si c'est rentable économiquement et que des industriels se portent volontaires, pourquoi pas ?

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