Intervention de Général Pierre Saint-Macary

Réunion du 13 octobre 2016 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Pierre Saint-Macary, président de l'Union nationale des combattants (UNC :

C'est toujours avec gravité que je m'exprime devant vous. Il s'agit d'un moment privilégié pour notre association. En cent ans d'existence, elle a souvent été écoutée par les gouvernements successifs, mais, aujourd'hui, je constate que ce n'est pas le cas.

Le budget présenté par M. Todeschini est à la fois sans surprise et décevant.

Il est d'abord sans surprise, car il contient des mesures qui pour être positives n'en sont pas moins traditionnelles à l'approche des échéances électorales. Je pense, par exemple, à la revalorisation de la retraite du combattant ou à l'augmentation des crédits de solidarité. Sur ces crédits de solidarité, la vigilance s'impose car, dans les conseils départementaux, nos adhérents constatent que des besoins de plus en plus forts se font sentir en raison du vieillissement de la population, de la modicité des retraites, et de la suppression de l'aide différentielle autrefois apportée au conjoint survivant. Le nombre des victimes d'attentats, soit environ quatre mille personnes – mais le chiffre est encore approximatif –, ne risque-t-il pas de réduire les effets de cette augmentation ?

Ce budget est ensuite décevant, car l'omerta continue de planer concernant la reconnaissance de nos camarades présents en Algérie, de juillet 1962 à 1964. Rétablir leur dignité en leur accordant la carte du combattant nous semble constituer un devoir de la Nation, à l'instar de ce que vous avez déjà accompli pour la carte à cheval. Peut-on encore contester qu'ils se trouvaient dans une zone de combat ou d'insécurité, alors que plus de cinq cents des leurs sont morts pour la France. ? Finalement, ne sont-ils pas les dernières victimes expiatoires d'une guerre mémorielle relative à la fin effective des combats en Algérie. Paradoxalement, pour le Maroc et la Tunisie, des cartes du combattant ont été attribuées, sans contestation aucune, à des combattants qui se trouvaient sur le terrain, deux ans après l'indépendance dans un contexte de dangerosité bien moindre.

En 2008, indignés par cette profonde injustice faite aux combattants d'Algérie des années 1962 à 1964, des sénateurs courageux, dont M. Masseret, ancien secrétaire d'État aux Anciens combattants, et l'actuel titulaire de ce portefeuille, M. Todeschini, proposaient qu'une loi leur accorde la carte du combattant. Quel fait historique nouveau a donc provoqué un revirement ? Peut-être s'agit-il du veto ou du silence d'hommes peu disposés à cette solidarité combattante, à moins qu'il ne s'agisse de la peur de réactions d'outre Méditerranée ? Soulignons l'incohérence entre ce choix et le discours du président de la République qui a insisté, lors de la journée des harkis, sur les atrocités et la dangerosité de cette période durant laquelle des soldats ont perdu la vie ou assisté à des exactions en tous genres. Et l'on ne parle même pas du courage de ceux qui, en dépit des ordres, ont sauvé les harkis, leurs camarades de combat, et leur famille.

Conscients de ces susceptibilités, nous avons suggéré, sans succès pour l'instant, d'attribuer cette carte au titre des OPEX. Pourquoi ? Parce que, de 1962 à 1964, des missions de sécurisation, dites de « forces d'apaisement », selon les termes du volet militaire des accords d'Évian, étaient effectuées dans un pays indépendant, l'Algérie. C'est exactement la mission classique et le contexte de beaucoup d'opérations extérieures actuelles pour lesquelles la carte du combattant est attribuée. Le coût de la mesure est estimé à 16 millions d'euros en se fondant sur le nombre de titres de reconnaissance de la Nation auquel on soustrait celui des cartes à cheval déjà attribuées. Ce montant peut paraître élevé, mais il s'agit d'une goutte d'eau qui aurait pu être trouvée dans les 450 millions d'euros de réduction du programme.

S'agissant de la mémoire, sans faire de procès d'intention, nous sommes préoccupés par l'usage des crédits. Le manque de concertation amène parfois des épisodes aussi sulfureux que celui du rappeur de Verdun – je crois que l'on cherche encore son grand-père combattant. Nous prônons la sobriété et le recueillement, tels que l'ont montré les Anglo-Saxons lors de l'anniversaire de la bataille de la Somme. À l'égard de nos anciens adversaires nous privilégions la réconciliation, et non la repentance. À l'égard de nos compatriotes, notamment les jeunes, nous privilégions l'esprit de défense, et non la victimisation. Enfin nous souhaitons la paix des mémoires et la fin de l'inflation des commémorations. En 2012, l'Assemblée, suite à la demande d'un collectif très large d'associations, dont la nôtre, avait anticipé sur cet objectif en instituant la date du 11 novembre comme commémoration des morts de tous les conflits. Cela allait dans le bon sens, il faut persévérer dans cette voie.

Je m'en remets avec confiance à la sagesse de l'Assemblée pour prendre en compte nos préoccupations, en particulier s'agissant du solde de tout compte en matière de reconnaissance pour nos camarades de combat en Afrique du Nord.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion