Intervention de Dominique Paturot

Réunion du 4 octobre 2016 à 16h15
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Dominique Paturot, statisticienne et analyste à l'OCDE :

Je vais vous parler de l'indicateur qui sert à mesurer la charge fiscale sur le second apporteur de revenu.

Cet indicateur a été conçu notamment pour l'étude spéciale de la publication des impôts sur les salaires visant à mesurer le coin fiscal sur les seconds apporteurs de revenu. Il a été repris par nos collègues qui ont rédigé un rapport – pas encore publié – intitulé The impact of tax and benefit systemes on the workforce participation incentives of women.

Cet indicateur, c'est le taux moyen d'imposition. Nous sommes partis de l'hypothèse selon laquelle la décision de travailler, pour le second apporteur, était prise au niveau du foyer. À partir de là, nous avons calculé l'augmentation de l'impôt payé par le foyer lorsque le second apporteur de revenu retournait à l'emploi et constaté que, dans ce cas, l'impact portait sur la charge fiscale du foyer.

Nous avons également calculé l'augmentation de l'impôt payé par le foyer lorsque le second apporteur de revenu accédait à l'emploi, sachant que l'augmentation est calculée à partir de la situation où le second apporteur de revenu est sans emploi.

Enfin, nous avons voulu mesurer l'augmentation de la charge fiscale du foyer lorsque le second apporteur décidait de travailler et calculer de combien le revenu du foyer était alors réduit par l'impôt.

Pour calculer le taux moyen d'imposition, la formule consiste à diviser l'augmentation de l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) et des cotisations de sécurité sociale salariales du foyer, nette des prestations liées à l'exercice d'un emploi, par l'augmentation du revenu brut du foyer.

De fait, il s'agit de calculer le revenu net du foyer lorsque le second apporteur est en emploi, moins le revenu net du foyer lorsque le second apporteur est sans emploi, le tout étant divisé par le revenu brut du foyer lorsque le second apporteur est en emploi, moins le revenu brut du foyer lorsque le second apporteur est sans emploi.

Cet indicateur prend en compte les crédits d'impôt modulés en fonction du revenu, l'impôt sur le revenu de la personne physique, les cotisations de sécurité sociale payées par l'employé. Ces charges fiscales sont réduites par les prestations sociales versées en espèces aux familles en activité.

Nous avons travaillé à partir de plusieurs hypothèses : le second apporteur de revenu gagne 67 % du salaire moyen ; le principal apporteur de revenu gagne le salaire moyen ; la décision de travailler est prise au niveau du foyer.

En revanche, l'indicateur ne tient pas compte des dépenses ou prestations liées aux frais de garde d'enfants, de la perte des prestations sociales versées aux personnes sans emploi, des congés payés, comme le congé maternité, ni des autres sources de revenu, comme l'épargne.

Enfin, le taux moyen d'imposition du foyer est comparé à celui d'un célibataire qui accède à l'emploi – 67 % du salaire moyen.

Le graphique que vous voyez maintenant compare, pour l'année 2015, le taux moyen d'imposition du second apporteur de revenu avec celui d'un célibataire, les deux foyers étant sans enfants. Le célibataire et le second apporteur de revenu sont rémunérés à 67 % du salaire moyen. L'apporteur principal, lui, est rémunéré au niveau du salaire moyen.

Le taux moyen d'imposition du second apporteur va de 48,7 % à 3,2 % au Mexique, alors que celui du célibataire passe de 35,4 % en Belgique à 3,2 % au Mexique.

S'agissant de la France, qui est en septième position, le taux moyen d'imposition du second apporteur de revenu est de 36,7 % et celui du célibataire de 25,9 %.

Ce graphique montre ainsi que le taux moyen d'imposition est plus élevé pour le second apporteur de revenu que pour le célibataire, au même niveau de rémunération, soit 67 % du salaire moyen, sans enfant, dans vingt-quatre des trente-quatre pays de l'OCDE.

On retrouve les plus importantes différences en termes de points de pourcentage en Belgique (13,2), en Islande (12,3), en République tchèque (11,7), en Allemagne (11,4), au Luxembourg (11,3), en France (10,8) et en République slovaque (10,2).

Ces différences, en Allemagne, en France et au Luxembourg, sont dues au système d'imposition par foyer fiscal.

Dans un système d'imposition par foyer fiscal avec des taux marginaux qui augmentent en fonction du revenu, le second apporteur de revenu est taxé à un taux plus élevé du barème de l'impôt sur le revenu que ne le serait un célibataire, parce que l'apporteur principal bénéficie déjà pleinement de la tranche inférieure du barème.

Par contre, il n'y a pas de différences entre les taux moyens d'imposition du célibataire et du second apporteur de revenu en Australie, en Autriche, au Chili, en Finlande, en Hongrie, en Israël, au Mexique, en Nouvelle-Zélande, en Suède et au Royaume-Uni.

En Suède, le système d'imposition est individuel et les abattements fiscaux ne sont pas basés sur le revenu du foyer. De plus, il n'existe pas d'abattement fiscal pour conjoint à charge.

Au Royaume-Uni, certains abattements diminuent en fonction du revenu du foyer, mais sont versés sous condition d'enfants à charge.

Le graphique que vous voyez maintenant représente les taux moyens d'imposition du célibataire et du second apporteur de revenu, rémunérés à 67 % du salaire moyen, avec enfants, pour l'année 2015.

La Turquie a le plus fort taux moyen d'imposition pour le célibataire avec 23,4 %. L'Irlande a le taux le plus bas pour le célibataire avec enfants, avec moins 31,4 %.

Pour le second apporteur de revenu, le plus fort taux est observé en Belgique, avec 48,7 % et le plus faible au Mexique, avec 3,2 %.

Pour ce qui est de la France, le taux moyen d'imposition du célibataire est de 15,9 %. Celui du second apporteur de revenu est, là encore, plus élevé et atteint 30,7 %.

Ce graphique montre que, lorsqu'on inclut les enfants dans le calcul de l'indicateur, le taux moyen d'imposition est plus élevé pour les seconds apporteurs de revenu que pour les célibataires dans trente-deux des trente-quatre pays de l'OCDE.

On retrouve les différences les plus importantes en termes de points de pourcentage en Irlande (59,6), au Canada (50,2), en Nouvelle-Zélande (48,2), en Slovénie (47,4), en Australie (42,6), au Luxembourg (38,3), au Danemark (33,3), en République tchèque (32,2) et en Belgique (30,7).

La différence entre les deux types de foyers, pour la France, est de 14,8.

Le taux moyen d'imposition du second apporteur de revenu est plus important lorsqu'il a des enfants que lorsqu'il n'en a pas dans quinze pays de l'OCDE. Cela résulte d'abattements fiscaux plus généreux ciblant les ménages avec enfants et la perte, totale ou partielle, de ces derniers lorsque le second apporteur accède à l'emploi.

En revanche, en France, le taux moyen d'imposition du second apporteur de revenu avec enfants est plus bas que lorsqu'il n'a pas d'enfants. Cela est dû au quotient familial, qui accorde des demi-parts pour les enfants à charge, en plus des deux parts pour les parents.

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