Intervention de Michel Sapin

Réunion du 28 septembre 2016 à 12h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Michel Sapin, ministre de l'économie et des finances :

Moi, je la remercie pour le travail qu'elle mène par ailleurs, notamment pour la maîtrise des dépenses de santé, qui représentent rien de moins que la moitié des dépenses sociales, sans pour autant diminuer les remboursements. Elle réussit là un exercice que ni les uns ni les autres n'avions réussi auparavant.

S'il y a un domaine dans lequel nous avons beaucoup progressé, c'est bien la lutte contre la fraude. Le montant annuel des redressements était, avant 2012, d'environ 16 milliards d'euros. Il est aujourd'hui de 21 ou 22 milliards d'euros ; c'est considérable. Nous avons pris de bonnes décisions, modifiant la loi pour nous donner de réels outils de lutte contre la fraude. Nous avons commencé à le faire en 2013 et continué chaque année, et nous vous proposerons d'autres outils encore.

Par ailleurs, la coopération internationale est devenue d'une tout autre nature, avec désormais un échange automatique d'informations entre administrations fiscales. Certes, dans le cas de la Suisse, ce ne sera le cas que le 1er janvier 2018, mais, les effets étant rétroactifs, chacun a plutôt intérêt à ne pas attendre cette date pour régulariser sa situation. Si jamais le fisc français rattrape quelqu'un grâce aux informations données par l'administration du Luxembourg, de Singapour ou de la Suisse, les pénalités seront maximales. Des montants considérables sont en jeu – et je ne parle pas là de capitaux rapatriés, puisqu'on a le droit de placer son argent à l'étranger, pas de le cacher ou d'en cacher les revenus.

L'autre coopération internationale exceptionnelle, c'est celle du projet Base Erosion and Profit Shifting (BEPS), c'est-à-dire la lutte contre l'érosion des bases fiscales. Jamais je n'aurais pensé, il y a seulement quatre ou cinq ans, qu'on avancerait aussi vite. Nous allons peut-être débattre demain de la question de la publication des rapports pays par pays, du country-by-country reporting, mais c'est déjà une réalité, aujourd'hui, entre administrations fiscales. Je n'ai pas le droit de révéler les montants des redressements et les noms des sociétés redressées, mais je peux vous dire que les 3,4 milliards d'euros de redressements supplémentaires acquis récemment concernent cinq sociétés en tout et pour tout, qui portent pour la plupart des noms anglo-saxons… Aujourd'hui, nous faisons payer aux entreprises, y compris celles du numérique international, les impôts qu'elles doivent en France.

Monsieur Sansu, je vous connais depuis suffisamment longtemps, et je sais que, quand on dirige une ville comme Vierzon, on est par définition intellectuellement honnête. Soyons donc intellectuellement honnêtes et évitons cet amalgame insensé entre ce à quoi a été condamné, à juste titre, Apple en Irlande et la lutte contre la fraude fiscale. Apple n'a pas été condamné pour fraude fiscale. Apple a été condamné par une partie de la Commission européenne, si je puis dire, qui n'a rien à voir avec celle qui s'occupe des impôts, pour avoir perçu une aide d'État indue consentie par l'Irlande ; Apple devra donc rembourser. L'idée selon laquelle d'autres pays pourraient réclamer leur part n'a juridiquement aucun sens. En revanche, c'est en faisant payer les impôts dus depuis plusieurs années que l'on récupère plusieurs milliards d'euros. Évitons donc des amalgames faciles et rassemblons-nous pour voter et mettre en oeuvre des dispositifs qui permettent de lutter contre l'érosion fiscale agressive.

Je reviens sur la question de la sincérité du budget. Je sais que vous utiliserez le terme, mais faites attention : l'exigence de sincérité est effectivement inscrite dans la LOLF, et si le Conseil constitutionnel considérait que le budget n'est pas sincère, il aurait l'obligation de l'annuler dans sa totalité Ce n'est donc pas une question anodine. Une autorité indépendante a-t-elle qualifié notre budget d'insincère ? J'ai dit quel était, selon moi, l'esprit du Haut Conseil, qui restera le sien quelle que soit la majorité : sa fonction est de tirer des sonnettes d'alarme. A-t-il utilisé le terme « insincère » ? Et si je devais vous donner le contenu de l'avis du Conseil d'État, vous sauriez qu'il considère, au vu de l'avis du Haut Conseil, qu'il n'y a pas d'insincérité dans le budget qui vous est présenté. Il peut y avoir des débats sur des prévisions, mais il y a suffisamment de matière pour ne pas nous engager sur le terrain de la sincérité, vocable particulièrement grave.

S'agissant des recettes, nous avons essayé de vous répondre. Oui, ce budget comprend des recettes one-shot, pour à peu près un milliard d'euros. Mais cela n'entraînera nullement une diminution des recettes en 2018 ! C'est là un mauvais procès.

S'agissant des dépenses, j'ai entendu plusieurs fois parler de « chèques sans provision ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion