Intervention de Harlem Désir

Réunion du 21 septembre 2016 à 15h00
Mission d'information sur les suites du référendum britannique et le suivi des négociations

Harlem Désir, secrétaire d'état auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes :

Nous n'avancerons pas si le coeur de l'Union européenne ne progresse pas en matière de cohésion sociale, en accroissant la prospérité et le plein emploi. Aujourd'hui, la protection apportée par l'Union européenne n'est pas suffisante en termes d'emploi, de croissance et d'investissements. En tout état de cause, l'essentiel se joue désormais entre les vingt-sept États membres présents à Bratislava et les dix-neuf États membres de l'union économique et monétaire.

Oui, Monsieur Luc Chatel, nous devons en effet avancer. Mais ne nous plaignons pas que la France soit au coeur de nombreux formats de discussion qui ont eu lieu pour préparer le sommet de Bratislava, tantôt avec l'Allemagne, tantôt avec l'Allemagne et l'Italie, à Berlin puis à Ventotène, tantôt avec les partenaires d'Europe du Sud, à Athènes, où Mariano Rajoy était d'ailleurs également présent : nous avons en effet en commun une vision de l'engagement européen autour de la Méditerranée, mais aussi dans le domaine économique et monétaire. Oui, la France est, dans l'Union européenne, au coeur du dialogue entre Nord et Sud, entre Est et Ouest, entre membres et non membres de la zone euro.

Monsieur Myard, nous voyons aujourd'hui ce que signifie pour un pays la sortie de l'Union européenne. Ceux qui l'ont proposé au Royaume-Uni sont bien en peine de voir comment cela peut se passer. Or des gens proposent en France de faire la même chose, sans avoir d'idée plus claire sur la suite. Notre conviction était qu'il était préférable que le Royaume-Uni soit dans l'Union européenne, mais la construction européenne pourra se poursuivre sans lui, si nous savons répondre à la fois à des défis nouveaux et à des questions anciennes.

Ainsi, l'Europe de la défense peut connaître aujourd'hui de nouvelles avancées, sous l'impulsion de la France. Non, Monsieur Philip Cordery, le Royaume-Uni ne saurait user en ce domaine d'un droit de veto. Car le format de la coopération structurée permanente qui peut y être utilisé ne requiert pas l'unanimité, ni des Vingt-huit, ni des Vingt-sept. Les ministres français et allemand de la défense, Ursula van der Leyen et Jean-Yves Le Drian ont signé à ce sujet un document commun fixant des objectifs précis. Mais d'autres États membres veulent aussi prendre part à ces avancées, notamment pour protéger les frontières communes.

Est-ce vraiment nous qui avons opéré un virage à 180° sur la question ? Nous avons au contraire dit dès le début que la solution passait par une réponse globale à la question migratoire, un contrôle des frontières, un corps européen de garde-côtes et de gardes-frontières, un dispositif semblable à l'electronic system for travel authorization (ESTA) américain pour les entrées et sorties au sein de l'Union européenne, et une coopération accrue avec les pays d'origine et de transit.

Monsieur Cordery, la France a en effet de nombreux accords bilatéraux avec le Royaume-Uni. L'issue du référendum n'aura par exemple pas d'impact sur l'accord du Touquet, relatif à la surveillance de Calais et aux questions migratoires. Négocié par la précédente majorité, il a été révisé au cours du dernier sommet franco-britannique pour prévoir une contribution financière plus importante du Royaume-Uni. Mais nos accords bilatéraux les plus importants sont ceux de Lancaster House, en matière de défense : passés hors du cadre de l'Union européenne, ils seront préservés, quoi qu'il arrive.

S'agissant de la coopération en matière de recherche ou d'aéronautique, par exemple de la participation au programme Horizon 2020, il faudra voir si le Royaume-Uni veut que ses universités et ses centres de recherches continuent d'y participer. Mais des accords bilatéraux complémentaires sont certainement à envisager aussi dans le domaine de la recherche.

En ce qui concerne la réaction de l'Italie, je voudrais rappeler que la situation y est dominée par la crise des réfugiés et par le sentiment que l'Europe centrale ne pratique pas toujours la solidarité ; nous avons en effet observé une absence d'engagements nouveaux à Bratislava. Maintenant que l'accord avec la Turquie est en place et a réduit les passages dans la mer Égée, l'Italie est le principal pays d'accueil dans l'Union européenne, et même dans le monde, en recevant de manière contrôlée chaque année 150 000 personnes. Cela est lié à la situation en Libye et à l'application du droit de la mer que l'Union européenne reconnaît et pratique, notamment en déployant la force navale de l'Union européenne en Méditerranée, dans le cadre de l'opération Sophia.

Monsieur Savary, le cabinet de Theresa May estime qu'il n'a pas à obtenir de vote de la Chambre des Communes pour activer l'article 50. Ses membres paraissent regarder toutes les options qui sont devant eux, sans y avoir encore fait de choix à ce stade. Certains espèrent que, dans l'intervalle, une prise de conscience se produise et qu'un nouveau référendum ou de nouvelles élections législatives permette de revenir sur les résultats du référendum de juin. Mais ce n'est pas l'intention du gouvernement britannique actuel.

Le taux de participation au référendum était en effet très élevé et semble rendre inéluctable une sortie. Il s'agit d'un fait historique qui ne pourra pas être remis en cause par le gouvernement britannique. Peut-être qu'il en ira différemment dans une ou deux générations. Mais, pour l'instant, nous n'en sommes certainement pas là.

Oui, j'approuve la suggestion d'une surveillance parlementaire sur le suivi des négociations, dans les différents secteurs. Monsieur le président Le Roux, vous avez tout à fait raison d'évoquer en particulier le secteur de l'aviation.

S'agissant de la Suisse, les relations entre elle et l'Union européenne sont compliquées depuis le référendum de 2014. La confédération constate aujourd'hui qu'elle doit trouver une formule constitutionnelle interne pour apporter à ce dernier une réponse sans remettre en cause le principe de la liberté de circulation, sous peine de perdre son accès au marché intérieur.

Il faut certes penser aux intérêts français, notamment dans le domaine des services financiers. Des retombées positives sont possibles, car certaines activités pourraient être relocalisées en France. Le 6 juillet 2016, le premier ministre a annoncé des mesures fiscales sur l'impatriation et une baisse de l'impôt sur les sociétés, ainsi que la création d'un point d'entrée unique pour ceux qui voudraient s'installer en France. Il a annoncé que des sections internationales seraient ouvertes autant que nécessaire dans les établissements scolaires. Car nous devons être conscients que, vu les enjeux, il y aura de la compétition.

En ce qui concerne le commissaire britannique, nous sommes dans une situation contradictoire, puisque la démission de Jonathan Hill a seulement conduit à la désignation d'un nouveau commissaire britannique. Au sein du collège de la Commission européenne, tous les commissaires ont toujours eu une responsabilité... Par ailleurs, nous apprécions, pour sa personnalité, le nouveau commissaire Julian King. Évitons seulement qu'en 2019, le Parlement européen et la Commission européenne soient renouvelés en tenant compte du Royaume-Uni, qui veut et qui doit sortir.

Pour nous, l'essentiel reste cependant de faire avancer l'Union européenne à vingt-sept, de même que l'union économique et monétaire.

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