Intervention de Philippe Duron

Séance en hémicycle du 27 septembre 2016 à 15h00
Liaison ferroviaire entre paris et l'aéroport paris-charles-de-gaulle — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Duron, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, chers collègues, qui d’entre nous n’a pas déjà ressenti l’appréhension, voire l’anxiété de se retrouver ralenti, bloqué dans les transports entre Paris et l’aéroport Charles de Gaulle ? Que l’on prenne le RER B ou que l’on emprunte l’autoroute A1, nous n’avons jamais de certitude sur notre temps de parcours, et donc sur les risques de manquer un avion ou un rendez-vous important. Or ce que nous avons appris à subir avec résignation est souvent perçu par les voyageurs internationaux comme insupportable au regard de ce qu’ils connaissent dans d’autres capitales.

Nous sommes en présence d’une anomalie française : Paris demeure l’une des dernières capitales de taille mondiale à ne pas disposer d’une liaison ferroviaire directe entre son centre et sa principale plate-forme aéroportuaire, pourtant la deuxième en Europe par son trafic.

Cela amène le Gouvernement à relever deux défis. Celui de l’attractivité, d’abord : Paris, première destination touristique au monde, aspire à renforcer cette vocation mais aussi à attirer des événements ou des activités liés à son rôle de métropole mondiale. Le défi de l’environnement, ensuite : un tiers du trafic sur les autoroutes A1 et A3 est lié à l’activité de la plate-forme aéroportuaire, ce qui contribue à accroître très fortement la pollution, déjà préoccupante dans la région francilienne.

Ces raisons ont amené le Gouvernement à relancer, en octobre 2014, le projet de liaison ferroviaire directe entre Paris et Charles de Gaulle, appelé « CDG Express ». Cette ligne vise à relier le terminal 2 de Roissy à la gare de l’Est en vingt minutes, sans arrêt, et ce toute l’année. « Relancer », car une première version du projet avait échoué en 2011, faute de robustesse du plan de financement prévu pour assurer l’équilibre de l’opération. Ce projet avait notamment pâti gravement de la crise financière puis économique de notre pays.

« Relancer », donc, avec une nouvelle construction juridique et économique, qui permettra de mettre CDG Express en service en décembre 2023, peu de temps avant la tenue espérée des Jeux Olympiques et Paralympiques sur notre territoire, en 2024, et celle de l’Exposition universelle, en 2025.

C’est bien le montage juridique et financier qui est modifié dans cette seconde version, non le tracé. Celui-ci reste identique : d’une longueur de 32 kilomètres, il présente l’avantage incontestable d’utiliser en grande majorité des voies existantes, sur 24 kilomètres, et de longer, pour les 8 kilomètres restants, le tracé de la LGV vers Lille, limitant ainsi fortement le besoin d’emprises foncières. C’est d’ailleurs au nom de cette constance du tracé que le Gouvernement n’a pas estimé nécessaire de réaliser une nouvelle étude d’impact, ce que le Conseil d’État a validé.

Avec le texte de loi qui nous est présenté aujourd’hui, il s’agit donc d’examiner la faisabilité technique et juridique de ce nouveau projet. Il s’agit bien, je tiens à le souligner, de discuter des modalités de réalisation de ce projet et non de sa légitimité, qui a déjà été validée à trois reprises par votre assemblée, en 2006, en 2010 et en 2015, et qui a fait l’objet d’une concertation publique.

Mes chers collègues, ce texte est court – deux articles seulement –, mais il est indispensable pour la réalisation de cette infrastructure. Après l’échec du précédent projet qui prévoyait une concession globale associant l’infrastructure et l’exploitation, le Gouvernement a conçu ici un montage innovant et inhabituel, séparant la mission de gestionnaire d’infrastructure de celle d’opérateur de transport.

L’article 1er porte ainsi sur l’infrastructure. Il vise à ratifier l’ordonnance du 18 février 2016, qui permet à l’État de signer de gré à gré un contrat de concession avec une société de projet, composée de SNCF Réseau et d’Aéroports de Paris, pour la mission de conception, le financement, la réalisation et l’exploitation de l’infrastructure ferroviaire du CDG Express. Il n’est pas exclu que la Caisse des dépôts et consignations figure également parmi les actionnaires de la société. Il n’y aura donc pas de mise en concurrence pour l’attribution de cette concession. C’était là l’une des conditions nécessaires pour ne pas retomber dans les difficultés de procédure du premier projet.

L’article 2 porte, quant à lui, sur le choix de l’exploitant du service de transport. Il vise à permettre, compte tenu des spécificités du projet, sa désignation par voie d’appel d’offres selon les mêmes modalités que celles retenues pour les exploitants du Grand Paris Express. Cette procédure de mise en concurrence devrait être lancée dès 2017 et aboutir en 2019.

La rédaction de cet article laisse une grande latitude à l’État dans le choix du type de mise en concurrence qui sera utilisé pour désigner l’exploitant, ce qui a été validé par le Conseil d’État. L’article dispose simplement que le processus devra respecter les principes généraux de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Il est ainsi acquis que d’autres entreprises que SNCF Mobilités pourront faire acte de candidature et se voir attribuer l’exploitation du service.

Si le choix de la procédure de désignation ne pose aucun problème juridique, il convient en revanche d’être vigilant sur l’éventualité d’une rupture d’égalité de traitement des candidats, en raison du régime juridique des gares ferroviaires : en effet, un « avantage comparatif » pourrait être donné de facto à SNCF Mobilités, si elle se porte candidate, en raison de la branche « Gares et Connexions » dont elle a la tutelle et qui gère la gare de l’Est et une partie de la future gare « CDG Express » de l’aéroport. Il semble donc important que le Gouvernement, qui doit se prononcer prochainement sur la gestion des gares de voyageurs, puisse analyser et résoudre cette question juridique avant l’engagement de la procédure de mise en concurrence sur le CDG Express.

Ce montage juridique infrastructure-exploitation, bien qu’inhabituel, a été jugé compatible avec la politique européenne de la concurrence. Il n’est d’ailleurs pas inédit et a recueilli l’assentiment des trois directions générales concernées de la Commission européenne, au motif que l’équilibre global est conforme aux exigences de transparence et de libre concurrence.

Le financement de l’investissement nécessitera, en plus de l’apport en fonds propres des partenaires, un emprunt contracté auprès de prêteurs privés et publics. Son équilibre global a nécessité d’introduire une taxe perçue sur les passagers de l’aéroport de Roissy, à l’exclusion des passagers en correspondance. La mise en place de cette taxe n’est pas examinée dans le cadre de ce projet de loi mais devrait l’être en loi de finances rectificative, à la fin de cette année. Fixée a priori à 1 euro par billet, cette taxe serait instaurée, si le Parlement y consent, dès le 1er avril 2017, c’est-à-dire dès les phases de travaux, et serait perçue au profit unique du gestionnaire d’infrastructure, afin de lui assurer la viabilité de son emprunt.

Les discussions lors de l’examen du texte par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire ont montré une quasi-unanimité en faveur de ce projet. Pour autant, des points d’attention ont été soulevés. Nos collègues franciliens – notamment Jean-Pierre Blazy, Yves Albarello et Patrice Carvalho – ont rappelé l’importance de protéger et d’améliorer les conditions de transport des 900 000 voyageurs qui, chaque jour, empruntent le RER B, la deuxième ligne ferroviaire de notre pays. Ils ont également souligné l’importance du Grand Paris Express et notamment de la ligne 17, qui devrait voir le jour au début des années 2020.

Je ne peux que rejoindre ces positions et appeler les porteurs du projet à bien s’assurer que la création du CDG Express soit compatible avec la modernisation du RER B et qu’elle ne perturbe pas son fonctionnement. À cet égard, je me réjouis que le projet prévoie de consacrer une enveloppe de 125 millions d’euros à l’amélioration de la résilience du RER B.

J’ajouterai que, contrairement à ce que pensent certains, CDG Express ne concurrence pas ces deux services ferroviaires que sont le RER B et la ligne 17 ; il les complète, en ajoutant capacité et qualité sur le cadran nord-est francilien du réseau, amené à connaître une augmentation continue de flux dans les années à venir. Pour autant, il est apparu que la démarche d’information et de concertation avec les habitants et les territoires mériterait d’être renforcée, afin que ceux-ci puissent saisir tous les enjeux du projet.

Par ailleurs, ce projet aura des conséquences très importantes sur le 18éme arrondissement de Paris. Les élus ont souligné la nécessité de prendre en compte les problèmes urbains de ce territoire, notamment autour de la Porte de la Chapelle. Je pense aussi au projet de parc urbain Chapelle-Charbon ainsi qu’au parc d’activité CAP 18.

Les travaux en commission ont également porté sur le plan de financement prévu. De nombreux collègues ont souligné l’intérêt qu’il y aurait à élargir l’assiette de la taxe à d’autres recettes d’Aéroports de Paris, comme celles provenant des boutiques et des parkings.

Enfin, l’apport en capital de SNCF Réseau a fait débat : est-il compatible avec la règle d’or ? Mais cela n’est pas l’objet de notre débat. Le Gouvernement a déposé un amendement, qui n’a pu être examiné par la commission.

La discussion générale montrera, j’en suis sûr, votre soutien à ce projet essentiel pour la place de Paris et la plate-forme de Roissy, dans un environnement concurrentiel très important. Le calendrier de candidature de Paris aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et à l’Exposition universelle de 2025 explique l’urgence qui a été décrétée sur ce texte de loi. Nous devons adopter celui-ci sans tarder non seulement pour répondre aux enjeux économiques de l’Île-de-France, mais aussi pour améliorer la qualité et la capacité du transport de voyageurs entre la capitale et la première plate-forme aéroportuaire française.

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