Intervention de François-Xavier Ferrucci

Réunion du 20 septembre 2016 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

François-Xavier Ferrucci, secrétaire général de Solidaires Finances publiques :

J'exposerai la position de Solidaires Finances publiques sur le projet de prélèvement de la source – une position constante depuis que le sujet affleure l'actualité avant de replonger dans les limbes – avant de commenter brièvement quelques-uns des échanges de vues qui ont eu lieu entre vous et dont nous avons pris connaissance sur le circuit de vidéo interne de l'Assemblée nationale.

Sachez, en préambule, que le timing de cette réforme nous chagrine quelque peu. Il est bien de tenir ses promesses mais, étant donné l'ampleur du projet, il nous paraît très audacieux, sinon dangereux, de s'y lancer dans un temps si court. Ensuite, les éléments qui figurent dans l'avant-projet de loi montrent que le prélèvement de l'impôt à la source n'est pas adapté à la structure actuelle de l'impôt sur le revenu. D'autre part, si les notions de quotient familial et de quotient conjugal sont prises en considération, la manière dont elles le sont, notamment pour moduler le taux d'imposition appliqué au prélèvement à la source, sera particulièrement compliquée à mettre en oeuvre par les services de la DGFiP, et le contribuable qui souhaitera user de cette possibilité devra faire preuve d'une grande réactivité.

Au cours de vos échanges, il a été question du « taux neutre », et une intervention a porté sur le barème envisagé, effectivement très élevé au regard du dispositif en vigueur. L'application d'un taux neutre, quel que soit le barème retenu, déclenchera dans tous les cas un prélèvement inférieur à ce qu'il aurait été si l'on avait appliqué le taux moyen déterminé par l'administration fiscale. Le salarié considéré devra donc régler le complément directement. Il résultera de cette architecture que les prélèvements mensuels, recouvrés par l'employeur, seront traités à la DGFiP par le service des impôts des entreprises, le paiement volontaire étant recouvré par le service des impôts des particuliers. Il conviendra donc d'apparier les versements parvenus à l'administration par deux canaux différents. Les outils informatiques le permettent certes assez facilement, à ceci près que les données dont nous disposons sont très friables : la preuve en est que, chaque année, nous nous livrons à des opérations de fiabilisation des identifiants pour nous permettre d'apparier les différents éléments concernant un même contribuable.

J'ai encore en mémoire la voix du ministre Christian Eckert expliquant il y a quelque temps devant votre Assemblée que si un contribuable se trouve être le futur parent d'un enfant qui naîtra en février, il pourra faire prendre en compte cette naissance immédiatement dans le calcul du prélèvement de l'impôt à la source. Mais, à lire ce que prévoit l'avant-projet de loi, on constate que les seuls cas de changement de situation entraînant la variation automatique du taux de prélèvement sont le mariage, la conclusion d'un pacte civil de solidarité (pacs), la séparation, le divorce et le décès de l'un des deux conjoints. La prise en compte de la demi-part par enfant à charge supplémentaire est mentionnée dans le cadre global qui offre au contribuable la possibilité de moduler le taux du prélèvement – et encore faut-il, pour que la modulation à la baisse soit autorisée, que le montant estimé du prélèvement modifié soit inférieur de plus de 10 % et 200 euros au montant du prélèvement que supporterait le contribuable en l'absence de cette modulation. Cela signifie, en pratique, que très peu de contribuables pourront faire varier le taux du prélèvement à la source en cours d'année.

L'un de vous a dit que 90 % des contribuables seraient mensualisés. Permettez-moi de rectifier cette indication : ils sont 58,3 % à l'être pour l'impôt sur le revenu. Cela étant, le taux de recouvrement spontané de cet impôt s'établit à 98 %, et à 99,4 % après relance simple. Certes, 30 % des contribuables voient leur revenu varier d'une année à l'autre ; mais la mensualisation, telle qu'elle est actuellement mise en oeuvre, rend possible des ajustements permettant au contribuable en difficulté à un moment donné de moduler ses versements pour faire face à une baisse ponctuelle de ses revenus. Or, l'avant-projet de loi ne prend pas en considération la situation du contribuable dont les revenus ne varient pas mais qui doit faire face à une charge inattendue – une inondation ou un changement de voiture par exemple. Actuellement, ces difficultés se règlent par un recours gracieux, et nombreux sont les contribuables qui viennent demander à nos services un étalement ou un moratoire ; ils leur étaient assez facilement accordés.

Demain, avec la retenue à la source, l'impôt étant prélevé et déjà dans les caisses de l'État, c'en sera terminé des recours gracieux. Aujourd'hui déjà, consigne a été donnée à nos collègues de ne pas accepter de recours gracieux quand l'impôt a été recouvré en tout ou en partie. On compte chaque année 200 000 recours gracieux pour l'impôt sur le revenu ; quand ils auront été rendus impossibles, il y a fort à parier que les réclamations gracieuses se reporteront, en fin d'année, sur la taxe d'habitation – et il y en a déjà un million par an à ce titre. Qu'en sera-t-il alors des recettes des collectivités territoriales, déjà quelque peu malmenées s'agissant de la dotation globale de fonctionnement ?

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