Intervention de Matthias Fekl

Réunion du 14 septembre 2016 à 10h00
Commission des affaires étrangères

Matthias Fekl, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger :

Parce qu'il a toujours été clair que le Conseil des ministres du commerce extérieur de Bratislava procéderait à un passage en revue, après les différents tours de négociation. Nous savons, aujourd'hui, au vu de ces derniers, que les choses n'avancent pas dans le bon sens. Il convient de se reporter aux différentes déclarations du chef de l'État, du Premier ministre, du ministre des affaires étrangères et à mes propres déclarations, qui n'ont jamais varié d'un iota, quel que soit le sujet, lors de mes différentes auditions devant vos commissions. Tout a été parfaitement clair. Il n'est donc pas sérieux de faire semblant de croire à un changement de cap.

Reprendre les négociations sur de bonnes bases, cela suppose tout d'abord de prendre acte qu'elles ne peuvent pas se poursuivre, d'une part, parce qu'elles sont enlisées, d'autre part, parce que dans l'esprit de nos concitoyens et de nombre d'entre vous, elles ne doivent pas se concrétiser. Négocier avec des partenaires amis, c'est aussi savoir se dire les choses. Car il existe deux risques : celui d'une accélération, une majorité d'États en Europe étant favorables à la conclusion d'un « TTIP light » avant la fin de la présidence Obama, ou, au contraire, le risque d'un véritable enlisement comparable à celui qu'ont connu les négociations de l'OMC à Doha, enlisement qui susciterait une augmentation de la méfiance et empêcherait de discuter avec les États-Unis d'autres sujets sérieux tels que celui des règles ou celui de l'extraterritorialité, qui est à mon avis très important pour l'avenir. Donc soyons sérieux : prenons acte de l'impossibilité de poursuivre ces négociations et avançons ! Cela signifie qu'il y aura probablement lieu de confier à la Commission un nouveau mandat de négociation. Mais nous n'en sommes pas là : pour le moment, le mandat actuel perdure et, juridiquement, rien ne permet d'y mettre un terme.

J'en viens au CETA, qui suscite beaucoup d'interrogations. Tout d'abord, nombreux sont ceux qui voient dans ce traité le cheval de Troie des États-Unis. Pour ma part, je n'y crois pas du tout. Il est erroné de penser que les entreprises américaines ont besoin du Canada pour pénétrer le marché français. Des milliers d'entreprises américaines sont implantées en France, où elles ont créé – vous pouvez le constater dans vos régions – des centaines de milliers d'emplois. Inversement, des milliers d'entreprises françaises sont implantées aux États-Unis, où elles ont également créé des centaines de milliers d'emplois, dans tous les secteurs, qu'il s'agisse de l'agroalimentaire, des transports ou des biotechnologies. Regardons la réalité plutôt que d'agiter je ne sais quel fantasme : l'interpénétration de nos économies est réelle !

J'ajoute qu'il a été pris soin de préciser qu'une entreprise ne pouvait bénéficier des stipulations du CETA que si elle exerçait une activité réelle au Canada. Il s'agit de lutter ainsi contre la pratique, qui a pu exister par le passé, consistant à créer des « entreprises-boîte aux lettres » fictives.

En ce qui concerne le secteur agricole, la reconnaissance de quarante-deux indications géographiques est importante, j'y insiste, car, en matière d'appellations laitières, fromagères et charcutières, nous partions de zéro. Ces indications s'ajoutent, en outre, à celles qui ont été reconnues, au début des années 2000, dans le domaine des vins et spiritueux. Je précise, car j'ai été interpellé par José Bové sur la question des fromages, que les indications reconnues sont celles qui sont le plus exposées au risque d'usurpation ou de contrefaçon au Canada. Nous allons exercer un suivi très précis et, si nous constatons des usurpations ou des fraudes concernant d'autres appellations, rien ne nous empêche de mettre le sujet sur la table et de réclamer la reconnaissance d'indications supplémentaires.

Par ailleurs, nous sommes extrêmement attentifs à la question des quotas globaux de viande qui, dans le cadre des différents accords commerciaux, finissent par arriver sur le marché français. Il faut, en effet, éviter que ne se créent des déséquilibres sur notre marché, d'autant que les producteurs de certaines filières rencontrent déjà des difficultés très importantes.

Pour ce qui est de la mixité des accords, celle du CETA a été reconnue par une décision prise avant l'été – la Commission a fini par se ranger à cette idée. Vous serez donc saisis de cet accord. Le Gouvernement soutient sa ratification, mais ce sera au Parlement de se prononcer par un vote. Il faut reconnaître que la Commission a tenté de soutenir que le CETA n'était pas un accord mixte, contrairement à ce que tous les États membres de l'Union ont toujours affirmé et contrairement à l'avis du service juridique du Conseil. Le sujet a fait l'objet d'une discussion très ferme ; Sigmar Gabriel et moi-même avons écrit à la commissaire européenne concernée, et nous avons obtenu gain de cause.

Nous savons néanmoins qu'il existe, au sein de la Commission, la tentation très forte de considérer que, le commerce étant une compétence communautaire, il doit l'être entièrement. Nous nous opposons à cette analyse, car, dans le cadre des négociations portant sur les accords commerciaux dits de nouvelle génération, on discute de sujets qui ne sont pas seulement commerciaux – je pense en particulier aux normes – et qui peuvent affecter la vie quotidienne. Il est évidemment hors de question que les États se voient confisquer des compétences qui relèvent de leurs attributions. Nous bataillons ferme sur ce sujet. Nous avons obtenu gain de cause s'agissant du CETA, et nous mènerons le même combat s'agissant du TTIP si les négociations devaient se poursuivre, car il n'est pas question de changer les règles en cours de route et d'exclure les parlements du processus de ratification. Nous devrons, du reste, revoir les processus européens en la matière : vous devez être associés plus en amont et en permanence aux différentes ratifications.

La Commission a demandé à la Cour de justice de l'Union européenne de se prononcer sur la mixité de l'accord conclu avec Singapour, ce qu'elle fera cette année ou dans le courant de l'année prochaine.

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