Intervention de Gunther Krichbaum

Réunion du 15 juin 2016 à 9h30
Commission des affaires européennes

Gunther Krichbaum, président de la commission des affaires européennes du Bundestag :

(interprétation de l'allemand). Permettez-moi de répondre aux différentes questions et interpellations qui nous ont été adressées. J'entends dire, tout d'abord, que les réfugiés ne souhaitent pas aller en Pologne, mais plutôt en Allemagne. Que les choses soient claires : il faut distinguer nettement entre la libre circulation des personnes et des travailleurs au sein de l'Union européenne et l'arrivée de migrants venus de l'extérieur, qui n'a rien à voir. Les réfugiés qui arrivent en Europe relèvent du régime de la Convention relative au statut des réfugiés et s'installent qui en Bulgarie ou en Roumanie, qui en Pologne, en France, au Portugal ou ailleurs. Ils y vivent en sécurité grâce à ladite Convention, dont les procédures doivent être respectées, et il faut bien les différencier des autres migrants qui disposent d'un titre de séjour. Ne nous dissimulons pas derrière je ne sais quel alibi pour prétendre que les réfugiés ne peuvent pas être accueillis à ce titre.

Ensuite, on nous dit qu'il faudrait faire le tri entre les réfugiés que l'on accepte et ceux que l'on refuse. Il s'agit de personnes qui fuient la terreur, la guerre, la violence, et dont la vie même est en péril. Dans de telles situations, nous sommes tenus de respecter la Convention de Genève et d'aider ces gens. Mieux vaut donc parler d'intégration que d'un quelconque tri. Les motifs justifiant du statut de réfugié doivent être vérifiés dans les trois ans au plus tard. Si le statut ne peut être justifié, les intéressés doivent à juste titre être renvoyés dans leurs pays d'origine.

Prenons garde, de même, à l'argument parfois entendu en Allemagne selon lequel les réfugiés pourraient pallier le manque de travailleurs spécialisés sur le marché du travail. D'une part, il faut éviter d'idéaliser la situation. D'autre part, comment les pays d'origine des réfugiés pourront-ils se reconstruire si leurs travailleurs les plus compétents n'y vivent plus ? Il existe plusieurs États faillis, comme la Libye. Nous devons préparer une stratégie de reconstruction pour la période d'après la guerre, y compris en Syrie. Certes, le conflit dans ce pays dure depuis plus de trois ans, mais il appartiendra un jour aux réfugiés syriens de reconstruire leur pays.

J'en viens à l'Ukraine. On nous dit qu'il n'est pas possible de recevoir autant de migrants ukrainiens. Il me semble que les étrangers représentent 5 % de la population polonaise ; la plupart sont ukrainiens, biélorusses, allemands. Cette tendance existait déjà avant l'irruption du conflit en Ukraine. Dans ce pays se trouvent deux millions de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, et il existe donc un risque qu'ils quittent le pays parce qu'ils n'y ont plus de toit ou de revenus, qu'ils se trouvent dans le Donbass ou en Crimée. De ce point de vue, nous sommes très critiques à l'égard de la position de la Russie.

M. Majer a invoqué l'impératif de sécurité ; il va de soi. En tant que parlementaires représentant le peuple, nous pouvons influer sur ce débat européen. Certes, il se peut que certains réfugiés aient participé aux conflits en cours dans leur pays, mais nous parlons pour l'essentiel de personnes qui sont victimes du terrorisme et de la guerre.

Du point de vue de la lutte contre le terrorisme, précisément, M. Herbillon nous dit que la France se sent quelque peu esseulée ; j'en suis conscient. Cependant, les pays européens répartissent leurs forces dans l'ensemble des missions internationales. L'armée allemande a ainsi été maintenue en Afghanistan parce que la France voulait se retirer plus tôt pour redéployer ses moyens ailleurs. L'Allemagne a également participé à la mission au Mali – le Bundestag ayant décidé dans un délai record d'autoriser l'envoi de forces allemandes pour soutenir la France suite aux terribles attentats qui l'avaient frappée.

Enfin, je sais que le débat n'est pas simple en France. S'agissant d'intégration, cependant, nous connaissons tous la situation de certaines banlieues de Paris, Lyon ou Marseille. Une immigration ancienne s'y est produite depuis les pays autrefois colonisés, et les jeunes générations sont françaises de droit. Pourquoi la question de leur intégration se poserait-elle donc, puisqu'il s'agit de jeunes Français ? Songez que bon nombre des auteurs présumés des attentats terroristes en France sont français – et la même situation existe aussi en partie en Allemagne, en Angleterre ou encore aux États-Unis, comme l'a montré la récente tragédie d'Orlando, où une cinquantaine de personnes ont été massacrées par un citoyen américain. Je pense qu'il faut donc envisager la question de l'intégration plus largement, pour commencer par intégrer ceux qui vivent déjà dans nos pays. C'est pourquoi l'intégration est certainement la meilleure recette pour empêcher les jeunes d'origine immigrée de devenir la proie des prêcheurs de haine et de violence et, par la même occasion, pour combattre la montée des partis extrémistes. Ces partis ont d'ailleurs un point commun avec Moscou : ils veulent une autre Europe, une Europe différente de celle que la majorité d'entre nous souhaitons.

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