Intervention de Jacques Krabal

Séance en hémicycle du 19 juillet 2016 à 15h00
Régulation responsabilisation et simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Krabal :

Les consommateurs y trouvent aussi leur compte : une étude récemment publiée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, étude évoquée en commission, a mis en lumière les effets positifs de l’arrivée des VTC sur le marché, jusqu’alors restreint à un nombre trop limité de taxis. L’offre de transport s’est élargie et les services se sont améliorés grâce à l’émergence de ces nouveaux acteurs, qui ont incité les taxis à moderniser leur offre. J’en vois un bel exemple dans la plateforme LeTaxi, créée par le Gouvernement, dont le lancement aura lieu demain : elle va permettre de programmer une course façon Uber mais avec des chauffeurs inscrits dans le registre de géolocalisation des taxis et associés aux applications partenaires de la plateforme.

Toutefois, les effets bénéfiques des TIC ne sauraient occulter leurs effets négatifs pour les travailleurs et pour la société : destruction de valeur, dumping social et précarisation en termes de temps de travail, de protection sociale, de revenus, sans oublier une perte non négligeable de ressources fiscales et sociales pour l’État et pour les collectivités.

La contradiction sur laquelle repose le modèle économique des plateformes est particulièrement criante dans le secteur du transport public particulier de personnes : les revenus futurs des chauffeurs, appelés « partenaires » puisque non-salariés, dépendent non seulement des notes attribuées par les clients transportés mais aussi et surtout de décisions prises par les plateformes pour encadrer leur travail. Sans être redevables des obligations liées au statut d’employeur, celles-ci imposent de facto une subordination aux chauffeurs qui travaillent avec elles. Si les chauffeurs d’Uber venaient à être reconnus comme étant salariés, cette société de VTC serait alors tenue de verser des cotisations sociales en France. Une telle décision n’irait pas sans affecter toutes les plateformes collaboratives fonctionnant sur le même modèle.

Dans ce contexte, la proposition de loi de Laurent Grandguillaume tend à faire converger les métiers de chauffeur VTC et de chauffeur de taxi, et à limiter les excès et les injustices de l’ubérisation. Celle-ci précarise en effet à la fois les VTC et les taxis, ces derniers étant, eux aussi, soumis à la course aux prix les plus bas pratiquée par les centrales de réservation. Plutôt que de maintenir une opposition stérile et artificielle entre taxis et VTC, il convient donc d’harmoniser les conditions d’exercice des deux professions, à la sociologie quasi identique ; qu’ils conduisent des VTC ou des taxis, les chauffeurs partagent la même envie d’entreprendre et de vivre de leur activité.

Cette proposition de loi apparaît plutôt équilibrée. Elle est soutenue par la majorité des organisations de taxis et de VTC, et va dans le sens d’un apaisement du secteur en ce qu’elle vise à responsabiliser les plateformes d’intermédiation et à assurer un socle de protections à leurs travailleurs. Mais nous devons aussi entendre les inquiétudes des petites plateformes de VTC, la création de barrières trop dures à l’entrée pouvant fragiliser leur développement. De toute façon, la régulation de ce secteur en pleine expansion et la préservation de notre modèle social ne peuvent se faire au détriment de l’innovation. S’il convient de réguler cette activité, il serait regrettable de nuire au développement des TPE et PME françaises dans ce type de service et d’aboutir à une hégémonie de Uber.

En commission, un travail de fond et de forme a été effectué. Soixante et un amendements ont été adoptés, tous de notre rapporteur, un joli score même si, pour l’immense majorité, il s’agit d’amendements rédactionnels.

À l’article 2, la clarification et l’élargissement du champ des données qui pourront être demandées aux personnes intervenant dans le secteur du transport public particulier de personnes, notamment aux centrales de réservation, sont une bonne chose, l’éparpillement des données et son absence de traitement étant générateurs de méconnaissances du secteur et de tensions entre les acteurs.

Il faut pouvoir objectiver les chiffres et les données relatifs à l’ensemble du secteur pour avancer pacifiquement, à terme, vers une harmonisation. À ce propos, j’ai déposé un amendement visant à ajouter un nouvel objectif à l’observatoire chargé de collecter les données qui va être créé : mieux connaître le nombre d’heures de travail effectuées. Peut-être que l’amendement est déjà satisfait par la rédaction actuelle de l’article 2 mais, en tout état de cause, il serait à moyen terme équitable d’envisager une harmonisation des réglementations existantes.

Nous présenterons un autre amendement d’appel, pour débattre du développement d’une offre de covoiturage stimulée et encadrée.

Le débat en commission a nettement clarifié la façon dont les chauffeurs au statut LOTI évolueraient vers le statut VTC. Si cette transition, prévue par l’article 4, peut encore être améliorée, elle montre, en tout état de cause, qu’il faut simplifier le dispositif.

Avec cette proposition de loi, les chauffeurs LOTI deviendront chauffeurs VTC par équivalence,, après douze mois d’activité, pour faire du transport occasionnel. En outre, les véhicules des chauffeurs VTC seront identifiés par un élément inamovible et infalsifiable, afin de faciliter les contrôles et de limiter les fraudes – c’est d’ailleurs une de leurs demandes. La concurrence doit être saine et loyale, avec des règles claires, faciles à respecter et à contrôler.

La proposition de loi Thévenoud avait été votée par l’Assemblée nationale et le Sénat dans les mêmes termes : elle avait fait l’objet d’un accord politique. Cette proposition va plus loin, en améliorant, notamment, la question des données, comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État.

Dans cette perspective, nous la soutiendrons, en espérant que la suite de l’examen parlementaire permettra d’aboutir à un équilibre satisfaisant pour les plateformes françaises de VTC.

« En toute chose il faut considérer la fin » affirmait Jean de La Fontaine dans la fable Le Renard et le Bouc. Pour ce qui nous concerne, la fin est bien de mener une activité traditionnelle, tout en faisant face à l’innovation. Tel est bien l’objet de cette proposition de loi.

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